Craterface

Lonely Grave

29/06/2018

Discouraged Records

C’est l’histoire de trois mecs qui lors de l’hiver 2016 ont décidé de jouer ensemble, en utilisant le minimum d’équipement, et en se bombardant chanteurs à part entière. Ce jour-là, à Umeå, la terre a tremblé, mais les secousses se font ressentir dans toute l’Europe à présent, puisque les trois lascars ont trouvé une structure nationale pour diffuser leur bordel ambiant. Chose qui n’était pas gagnée au départ, au regard de la misanthropie artistique dont ils font preuve, et à la densité du Crossover qu’ils proposent. Pas d’autre identité à leur accoler, puisqu’ils tiennent à leur anonymat, mais un premier EP à signaler, qui au regard des standards des styles pratiqués ressemble quand même méchamment à un LP. En onze morceaux et dix-sept minutes, les suédois de LONELY GRAVE nous prouvent que leur pays n’est pas que vintage fashion ou Crust aphone, et que les modes ne sont pas forcément adoptées par tout le monde. Car dans le leur, c’est plutôt le Grind et le Powerviolence qui déterminent la direction, et autant dire qu’elle ressemble à une vilaine impasse encombrée d’une foule interlope qui ne vous veut pas que du bien. Pas grand-chose d’autre à déballer concernant leurs plus sombres secrets, mais ce Craterface qui tente de les percer à jour tout en opacifiant encore un peu plus la réalité. Dignes héritiers d’un Hardcore à tendance Grind des origines, les LONELY GRAVE jouent une musique très vilaine, en forme de bruit à peine maîtrisé, qui se contente souvent du minimum pour irriter, et qui sombre parfois dans le Harsh Noise le plus cru pour subtilement agacer (« Craterface », MERZBOW délocalisé en Suède, et il se les gèle).

Eminemment bruyant, cet EP est le fruit d’un accouchement aux forceps entre un papa Grind et une maman Powerviolence, aussi barrés l’un que l’autre, et qui résulte en la naissance d’un bébé hybride pas vraiment content de quitter son habitat naturel. Alors, il gesticule, il hurle, il use du feedback comme moyen d’expression, et se rapproche des plus grands flingués de l’histoire du boucan made in USA, sans perdre de vue ses racines scandinaves. Dans un désir ardent de faire plus de bruit énervant que ses collègues, le trio manipule les riffs écorchés et maladifs, les accélérations dantesques, les brusques à-coups qui brisent les cervicales, enrobant le tout dans une production parfaitement ignoble pour passer pour encore plus tarés qu’ils ne sont. Pas foncièrement inintéressant, Craterface n’est pas non plus une pierre angulaire d’un style véhément, mais se pose en premier chapitre d’une légende en gestation. Si la plupart des morceaux ne dépassent que très rarement la minute et la poignée de secondes, certains prennent leur temps, à l’instar du terrifiant « Buy Punk Gloves », qui n’est pas forcément le plus captivant du lot. C’est définitivement en version courte que les suédois sont les plus convaincants, d’autant plus qu’ils parviennent à caser pas mal de traumas dans un temps relativement court. Acmé de cette constatation, « Don’t Let Me In », s’évertue à multiplier les pains, pour les transformer en pierres dures comme l’acier, et nous propose donc un méchant mélange de Powerviolence cru et de Grind en fulgurances, ce qui a le don de vous faire bondir de votre fauteuil sans bouger.

Toujours sur la brèche en bons amoureux de la vitesse, les suédois savent aussi écraser le tempo pour se rapprocher d’un Sludge Indus vraiment maladif, via « The Three Beggars », sorte d’hypnose GODFLESH/NAILS/WORLD NARCOSIS qui reste toutefois attaché à des principes de violence palpable. Mais le reste, et principalement toute la première moitié du EP ne s’embarrasse pas de principes et fonce dans le tas, profitant d’un trio de hurleurs pour exhorter son mal-être. Alors, on bouscule, on rentre dans le lard, on dézingue les riffs à grands coups de dissonance, et en gros, on utilise toutes les armes dissuasives à sa disposition pour faire fuir les plus modérés et rester entre psychopathes éclairés. Tout ça ne se dépare toutefois pas d’une certaine forme de musicalité maladive à mi-chemin entre LOCK UP et les FETISH 69 (« Tub », gros riff redondant sur beat rebondissant, avant une fois de plus de céder aux sirènes Powerviolence qui vous collent toujours au cul), tout en gardant sous le coude des méthodes d’attaque assez sadiques et impromptues (« Simian Laughter », gras, gros, rapide, suintant, moisi et tout ce que vous voulez placer entre l’écrasante lourdeur et la vélocité prononcée). Pas vraiment de faute de goût, mais parfois, des directs dans le foie (« Kneeling Begging - Do It », « Intrusive Pines », le Grindcore de papa dans le Loudcore de maman, et ça glisse assez mal sans lubrifiant), et des mises en garde qui sentent bon la cave et le syndrome de Stockholm (« The Extremist », véritable hit de l’album qui place sur la table tous les ingrédients). En gros une vision de l’extrême en Suède qui refuse pas mal de principes nationaux, et qui taille sa route avec le sac sur le dos. Une musique vraiment laide, distordue à l’extrême, qui pollue le Hardcore de déchets toxiques Grind et Sludge, pour aboutir à la mixture la plus épaisse et écœurante sur le marché. Il faudra bien sur doser tout ça et se débarrasser de ces stridences plus agaçantes que menaçantes, mais le parcours semble pavé de mauvaises intentions, ce qui est toujours bon signe.

C’est l’histoire de trois mecs qui lors de l’hiver 2016 ont décidé de jouer ensemble, en utilisant le minimum d’équipement, et en se bombardant chanteurs à part entière. Et c’est tout sauf une histoire drôle. A moins que l’humour suédois ne se cache pas uniquement dans le nom des meubles Ikea.               

      

Titres de l'album:

                          01. The Extremist

                          02. Anglamakerskan

                          03. Tub

                          04. Simian Laughter

                          05. Intrusive Pines

                          06. Kneeling Begging Do It

                          07. Craterface

                          08. They Shall Take Up Serpents

                          09. Buy Punk Gloves

                          10. Don’t Let Me In

                          11. The Three Beggars

Facebook officiel

Bandcamp officiel



par mortne2001 le 20/07/2018 à 14:48
75 %    1179

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Peter Hook and the Light

RBD 14/03/2025

Live Report

Fanzinat - Projection du Documentaire

mortne2001 23/02/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : HOLY RECORDS

Jus de cadavre 23/02/2025

Vidéos

Obscura + Gorod + Skeletal Remains

RBD 17/02/2025

Live Report

Doom, Rock'n'Roll & Vin rouge

Simony 10/02/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : le tape-trading

Jus de cadavre 09/02/2025

Vidéos

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

Mold_Putrefaction 28/01/2025

Live Report

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

RBD 23/01/2025

Live Report

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
LeMoustre

Sans Sy Keeler le groupe a perdu son identite

17/03/2025, 07:56

RBD

C'est le groupe du chanteur de feu Paean. Il faut que j'essaie l'album de 2022.

15/03/2025, 15:41

DPD

Franchement Alcest mérite mieux qu'un de ces énièmes groupes de post-rock ou post-metal à la con ou tout est recraché.

15/03/2025, 11:50

Tourista

Korsakov ?? Comme le groupe Néerlandais ?   Choix original.

15/03/2025, 08:31

Parize

Très bon groupe de Death grind,que je viens de découvrir moi qui aime la musique extrême je ne suis pas déçu !Je le conseille à tous 

12/03/2025, 10:09

Gargan

Va vraiment falloir arrêter ces commentaires politiques systématiques, c'est d'un redondant, même si, je conviens que pour le présent groupe ce soit peu évitable. Mais un peu de sérieux, le capitalisme honni se réjouit justement des luttes (...)

12/03/2025, 08:01

Jus de cadavre

Oui il y avait des tensions je pense. Hinds voulait clairement une orientation moins "Metal" depuis quelques temps pour Masto... Et dernièrement il était très critique sur le concert d'adieu de Black Sab' auquel Masto va participer. Il avait po(...)

11/03/2025, 20:35

Humungus

Du tout bon ça !!!PS : L'intro de la chro c'est pour de vrai mortne2001 ou juste pour la beauté du texte ???

11/03/2025, 19:29

Metal heart

Sans doutes leur meilleur album !

11/03/2025, 09:28

Buck Dancer

Apparemment Hinds était moins impliqué dans le groupe ces derniers temps mais c'est vraiment dommage cette séparation. 

11/03/2025, 07:47

Simony

 

10/03/2025, 17:21

LeMoustre

Merci

10/03/2025, 17:16

Buck Dancer

Non, Buck Dancer...

10/03/2025, 08:11

NecroKosmos

Perso, à part leurs deux premiers albums qui sont vraiment géniaux, le reste est quelconque et prétentieux.

08/03/2025, 16:08

Humungus

Tout comme Gargan, bien plus ADIPOCERE que HOLY à l'époque.HOLY étant bien trop atmo-avant-garde-mélo-musique-du-monde pour moi.Pout autant, GLOOMY GRIM et TRISTITIA  ont été de très grandes révélations au mili(...)

08/03/2025, 10:09

Capsf1team

Le catalogue était culte avec ses descriptions d'albums !!! ("la batterie va à 1000 km/h", "l'album de la maturité",...) Ma discothèque s'est constituée au début en grande partie grâce à eux.

07/03/2025, 16:48

Humungus

Miam miam !!!L'album hein...Pas la pochette... ... ...

05/03/2025, 20:30

Jus de cadavre

La boucherie encore bordel... 

05/03/2025, 15:33

Saul D

Ca m'évoque vaguement Terrence Trent d'Arby.....

04/03/2025, 15:24

Humungus

@ Mortne2001 :J'ai maté les films que tu conseillais et que je n'avais pas encore vu (voir même entendu causer...) :- ODDITY : Mouuuais... ... ...Idée de base pas mal mais des incohérences scénaristiques qui gâche totalement t(...)

04/03/2025, 12:25