Dream in Motion

Kirk Windstein

24/01/2020

Eone Music

Dès la pochette, sans avoir besoin d’écouter une seule note de cet album, on se dit immédiatement qu’on connaît les gens sans vraiment les connaître. Pourtant, il serait facile de dire que l’on connaît Kirk WINDSTEIN depuis le temps, comme on croit connaître Pepper Keenan ou Phil Anselmo. Parce qu’on a grandi avec eux, parce qu’on a écouté leur musique plus que de raison, et pour diverses raisons. Pour s’éclater tout simplement, pour en savoir plus sur tout un pan de la Heavy music US, pour connaître des émotions. Mais tout ceci est un leurre, et le pire qui soit. On ne connaît pas un artiste en disséquant son art, même pas en le ressentant. On ne connaît qu’une seule facette d’un individu qui est bien plus que la somme de ses notes ou de ses émotions. Alors, comme vous certainement, j’ai écouté tous les albums de CROWBAR, depuis ce trop fameux Obedience Thru Suffering sorti alors que le Metal était en plein marasme sans le savoir, j’ai savouré tous les albums de DOWN jusqu’à ce que Kirk quitte le navire pour boucler la boucle et réactive son vaisseau principal. J’ai même tendu une ou deux oreilles sur le projet KINGDOM OF SORROW, histoire de savoir ce que l’homme était capable de faire sorti de son concept habituel. Pourtant, je ne prétendrai jamais connaître Kirk WINDSTEIN, puisque je suis certain que seuls ses proches savent vraiment qui il est et de quoi il est capable. Tout ce que je sais, c’est que la musique qu’il a produite me touche presque à chaque fois, et qu’avec un ou deux autres représentants, il a défini les contours de ce qu’on a appelé la NOLA, cette lourdeur extrême et poisseuse que les états du sud des USA vénèrent comme l’eau des marais qui emportent les souvenirs. Alors, franchement, quel besoin Kirk avait-il de partir seul à l’aventure, alors que sa carrière accuse les trois décennies ? Avait-il quelque chose à prouver ? Quelque chose d’inédit à nous offrir ? Pas que je sache, et lui non plus d’ailleurs, ce qu’il avoue sans détour dans les interviews qui ont précédé la sortie de ce premier LP en solo, Dream in Motion.           

   

 « C’est quelque chose que je voulais faire, que je devais faire. C’est un autre aspect de mon écriture, et de ma personnalité. C’est un autre aspect de moi, c’est quelque chose que j’ai fait pour moi-même. »

Voilà donc le but clarifié, mais une fois l’admiration de la pochette passée, cette assertion devient évidente dès les premières notes de « Dream in Motion » évaporées dans les airs. On sait que Kirk se serait presque laissé tenter par un album acoustique, mais l’idée, jugée « trop cliché » a vite été abandonnée. Plutôt que de se compromettre dans une figure de style qui ne l’aurait pas satisfait, Kirk a préféré s’en remettre à une avancée plus classique, et plus en phase avec sa philosophie trentenaire. Jouer du Heavy, toujours aussi Heavy, mais pas comme d’habitude, avec plus de mélodies, de façon moins systématique, pour éviter le pilotage automatique et la redite CROWBAR qui n’aurait satisfait qu’une poignée de fans indécrottables. De fait, et l’auteur acquiesce, Dream in Motion est probablement aussi Heavy que n’importe quel album sorti sous le nom de ses deux autres projets, mais il est plus aéré, plus nostalgique, sans pour autant être triste, juste beaucoup plus mélancolique. Mais ça, ça n’est pas forcément le premier morceau qui vous l’apprendra, il faudra aller plus en avant dans l’écoute, lorsque le rythme pilonné ralentira encore pour être plus léger mais pas moins pesant. C’est en tentant « Hollow Dying Man » qu’on le réalise, d’abord grâce à cette intro en son clair qui s’éternise, jusqu’à ce qu’en plein morceau, la puissance revendique ses droits sans alourdir la démarche. La guitare de Kirk n’est pas plus joyeuse qu’à l’ordinaire, son chant non plus, et pourtant on sent un réel désir d’explorer d’autres horizons, un peu comme si DOWN et MY DYING BRIDE admiraient le même coucher de soleil sur La Nouvelle Orléans. Un coucher de soleil aux rouges flamboyants, à l’air chaud et humide, qui annonce une nouvelle journée, probablement la même que la veille, mais une journée qui vaut quand même le coup d’être vécue, ne serait-ce que pour se rappeler de toutes celles qui l’ont précédé.

Bien loin des turpitudes de l’ami Phil en solo ou en groupe depuis la fin de PANTERA, assez éloigné des intérêts de Rex qui lui aussi a suivi une autre voie, Kirk est resté fidèle à la sienne. Il sait déjà que les fans de CROWBAR ne défendront peut-être pas ses choix, mais l’a-t-il ? Non, lui joue sa musique, qui d’un premier coup d’œil semble monolithique, coulée dans le même moule, comme un long soliloque que l’on égrène devant une assemblée pas forcément conquise d’avance, mais sans attendre l’approbation, parce que parvenu à un certain âge, on sait qui on est et ce qu’on veut. Et ce que veut Kirk sur ce premier effort en solo, c’est juste se faire plaisir, jouer ce qui lui vient, trouver le juste milieu entre l’emphase et la mélodie, et rendre hommage à ce Doom si spécial qu’il défend corps et âme depuis ses débuts, et qui trouve une sorte d’acmé unique en « The World You Know ». Avec ses harmonies amères très prononcées, sa pesanteur sans équivalent, ce subtil équilibre entre force et faiblesse est en fait l’instantané d’un homme à un moment T, mais aussi une synthèse de son parcours, sans les aspects les plus nauséeux et concentriques. Pas un titre n’est illogique ici, pas un seul n’a pas sa place, même lorsque le musicien revient vers des virages plus francs et massif, et des guitares qui se lâchent enfin. « Toxic » est certainement ce que les fans de l’homme trouveront le plus évident et pourtant, ce titre sonne vraiment comme l’inédit qu’il est, parce que joué en 2019, et donc révélateur d’une pensée qui a évolué et vieilli avec son concepteur. Rien ne surprendra les habitués sur cet album, rien ne les étonnera vraiment, parce que WINDSTEIN n’a pas joué le contrepied, juste la sincérité derrière la maturation. On pourra d’ailleurs regretter l’absence de prise de risque, mais on ne peut que louer cette franchise qui transforme des morceaux évidents comme « The Healing » en témoignages du temps qui passe…inexorablement.

En étant totalement honnête, seule la reprise de JETHRO TULL pourra sembler étrange et incongrue. Mais en respectant l’original, WINDSTEIN a évité la faute de goût, même si la finesse du titre d’origine a été sacrifiée sur l’autel de la puissance Metal. Et au moment de formuler un avis définitif sur la question, subjectif bien sûr, je me rends compte que c’est encore l’auteur de cette musique qui résume le mieux sa démarche.

« Si certains fans de CROWBAR ne l’aiment pas, je comprendrai. Mais j’espère que les gens verront plus loin. »

Plus loin qu’une longue histoire, pour essayer d’entr’apercevoir l’homme responsable de cette musique, sans avoir la prétention de le connaître.

                              

Titres de l’album :

                        01. Dream In Motion

                        02. Hollow Dying Man

                        03. Once Again

                        04. Enemy In Disguise

                        05. The World You Know

                        06. Toxic

                        07. The Healing

                        08. Necropolis

                        09. The Ugly Truth

                        10. Aqualung (Jethro Tull cover)

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 06/02/2020 à 17:33
80 %    1186

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
07/02/2020, 11:52:20
Superbe intro de chronique... Je m'y retrouve totalement.
Je sais pas ce qu'il y a en plus chez ces gars de Nola, mais y a quelque chose, c'est certain. Le blues du sud peut-être... En tout cas cet album je vais l'écouter avec attention.

Tranbite
@92.174.125.97
07/02/2020, 15:04:18
Mouais, j'ai trouvé ça chiant.Pourtant j'aime bien ce que je fais Windstein

Ajouter un commentaire


Derniers articles

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20

Humungus

Ouhlala miam miam !!! !!!! !!!

19/04/2024, 10:35

Tourista

Désolé, c'est bien SODOM et non....   Putain de correcteur !  

19/04/2024, 07:52

Tourista

On s'en cogne.   Non j'en profite juste pour dire à ceux qui ne l'auraient pas encor(...)

19/04/2024, 07:52

Arioch91

J'aime bien ! Ajouté à ma shopping list.

18/04/2024, 19:48

Saul D

" Marianne" c'est pour miss Schiappa? ok je sors :-)

18/04/2024, 17:12

Gargan

Y'a du riff polonais.

17/04/2024, 08:12

grinder92

Pas de groupes irlandais alors ! 

16/04/2024, 11:24