J’aime bien les trucs un peu chelou. Un peu branques sur les bords, pas super clairs dans la démarche, mais qui finalement, offrent bien plus de choses que des groupes établis qui ne cherchent plus la surprise depuis longtemps. Souvent, j’adhère à des partis-pris artistiques que mes contemporains les plus proches trouvent très discutables ; ainsi, je suis fan de certains films faits de bric et de broc que je trouve attachants, bien que peu académiques, parce que l’ambiance me sied, parce que le sujet est étrange, parce que le traitement est hors-norme. Ainsi, il y a fort longtemps, j’ai aimé REPULSION, CRYPTIC SLAUGHTER, MACE, GENOCIDE, parce que justement, ils proposaient quelque chose de différent, de plus personnel et osons-le mot, d’amateur, dans le sens le plus noble du terme. Dans la même logique d’idée, j’adore dès aujourd’hui les DAWN PATROL, parce que je ne suis pas sûr de pouvoir poser un label sur leur art, et parce que leur second LP fait partie des incongruités de la production, décidément un peu trop sage. Dans les faits, et selon les sites référentiels, DAWN PATROL joue du Thrash, mais pas vraiment comme tout le monde. Si les infos sont maigres à leur sujet (pas de bio, encore moins de chronique, dommage), on constate assez rapidement à l’écoute de ce How Can We Call This Progress que leur Thrash se situe plus du côté d’un crossover décalé, bricolé à la maison, mais professionnel dans les faits. Fondé en 2012 sur la route de Memphis, Tennessee, ce trio d’iconoclastes (Tommy Gonzales- guitare/chant, Kyle Gonzales - batterie/chœurs et Spencer Martin - basse/chœurs) a déjà proposé un nombre raisonnable de produits (trois EP et un premier long en 2015, Democracy Delivered, définitivement recommandable si vous aimez les trucs excentrés), et continue sa carrière tranquille en explorant les bas-fonds de l’extrême modéré. Mais autant vous prévenir que si vous aimez votre Thrash à la mode SLAYER ou votre Crossover à la sauce S.O.D, vous risquez d’être surpris.
A vrai dire, le groupe joue son Thrash comme ACID BATH jouait son Metal. Libre, affranchi de toute contrainte, et ouvert à toute proposition. On trouve ainsi des éléments patents de Hardcore là-dedans, mais aussi un brin de Crust, des poussées de Grind, une attitude Thrashcore, et des soulèvements revêches. Les mecs sont décidés à ne pas faire comme tout le monde, mais le plus beau, c’est qu’ils parviennent quand même à enregistrer un véritable album de Thrash old-school sans vraiment le faire exprès, ou si. Ce qui serait encore plus remarquable. Le son d’abord, très sec, nerveux, avec une rythmique méchamment analogique aux toms qui vibrent et à la grosse caisse qui respire, une basse ronde qu’on discerne sans tendre l’oreille, et une guitare aux allures des riffs du premier INDESTROY. Le tout est accommodé selon un principe d’humeurs changeantes, avec des accès des colère, des moments plus légers et fun, mais le tout est si free qu’on en a presque envie de parler de Free Thrash, un peu comme si les FREAK KITCHEN avaient appris la violence instrumentale avec PRIMUS ou BLIND ILLUSION. C’est donc inclassable, mais ça tient debout, parce que le groupe à une foultitude d’idées qui se télescopent à grande vitesse, sans nuire à la cohésion de l’ensemble. Vu de loin, mais écouté de près, on pourrait presque penser à un groupe des années 70 jouant un Metal précurseur très agressif, mais souple dans l’attaque. Ainsi, le sinueux « Free Market Warfare » exploite un maximum de styles, joue le Heavy méchamment sale, accélère modérément, avant de s’affaler dans un solo approximatif et geignard. A l’inverse, « Chemical Lobotomy » qu’on retrouvait déjà sur leur précédent EP affole les blasts, tricote des riffs qui s’empilent comme les factures sur la table de l’entrée, avant de ménager un break presque Rap hurlé d’une voix de branleur. Et cette liberté fascine, pour plus d’une raison.
La principale est que les chansons fonctionnent, et donnent la pêche. L’autre, c’est que les instrumentistes en question sont loin d’être des manchots et font tout sauf n’importe quoi. Ensuite, parce que l’ensemble dégage une fraîcheur que l’on hume dès les premières notes de « Moloch! », qui nous saute à la gueule comme un morpion sur des burnes trop libertines. C’est chaotique, ça joue dans tous les sens, ça rappelle un peu un MACABRE moins paillard et plus carré, une scène italienne avant-gardiste mais consciente des impératifs les plus populaires, et surtout, ça ne ressemble à rien d’autre tout en étant quelque chose. Et ça, c’est assez rare pour être souligné. Certains seront sans doute troublés par la production qui semble exhumée d’un studio planqué dans une cave des années 80, d’autres par les interventions en solitaire de Tommy Gonzales qui résume les talents de guitar-hero de la vague Sub-Pop mieux que Kurt Cobain, tandis que les plus joyeux seront emballés par ce tempo qui varie, par ces licks mutins qui se transforment, et par cette exubérance vocale totalement Core qui garantit à l’entreprise un cachet assez fou et sauvage. Parfois, le Thrash plus classique montre le bout de son nez (« We Call This Progress ? »), mais doit quand même subir les brimades d’une guitare qui n’a décidément pas envie de faire comme tout le monde. C’est en plus à ce moment-là que Kyle Gonzales devient complètement barge et multiplie les fills de dégénéré, mais ce cyclone à quelque chose de complètement irrésistible. Et c’est un très vieux fan du style qui vous le dit.
Le tout est concentrique, centrifuge (l’énergie est redistribuée, c’est généreux), pas totalement ignifugé, bourré de transitions louches, limite progressif en version psychotique, mais bardé de riffs efficaces (« Foundations Crumble »), de petites pépites carrément Core et discordantes (« Zero Tolerance »), et d’un seul morceau aux proportions normales (« What Came up... »), qui cite FETISH 69, PRONG, KILLING JOKE, et ACID BATH. Alors oui, certains vont me dire que je suis à moitié sénile, d’autre que mon objectivité se fait parfois la malle, mais je suis désolé, j’aime définitivement les trucs un peu chelou. Et par extension, j’aime DAWN PATROL.
Titres de l’album :
01. The Heavy Judger of Men...
02. Moloch!
03. We Call This Progress ?
04. Foundations Crumble
05. System
06. Don't Let Them Deceive Us
07. Free Market Warfare
08. Chemical Lobotomy
09. Zero Tolerance
10. What Came up...
11. Chain Factory
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@Bones : merci pour Hail of Bullets, je préfère ce que je suis en train d'écouter (le premier) à ce Necroceros. Ca m'emballe bien plus alors je pense rattraper mon retard du côté de HoB plutôt que d'Asphyx.
27/01/2021, 08:07
Ouais dsl j'ai été un peu sec, mais l'autre andouille est venu gratuitement me baver sur les rouleaux... J'aurais dû employer l'adverbe "cordialement" à la fin de mon précèdent post.
26/01/2021, 16:03
Mouais, mais par contre je vais rapidement le réécouter pour voir si mon approche a évolué. C'est vrai qu'il est réputé... j'ai sans doute raté le coche.
26/01/2021, 13:14
@Humungus : SIC... And Destroy ! Comme disait Coluche : la politique ? C'est quand on est poli et qu'on a(...)
26/01/2021, 10:45
@Humungus : je confirme pour The Rack. Plusieurs fois j'ai essayé mais sans jamais accrocher.Y a des albums comme ça
26/01/2021, 07:56
Toujours "intéressant" (SIC !!!) quand la politique s'insère ici... ... ...
26/01/2021, 07:38
Ne pas "rentrer" dans "The rack" ?!?!Bizarre étant donné la monstruosité de cet album...Quoi qu'il en soit, je plussoie sur HAIL OF BULLETS !Pis n'oublions pas le merveilleux GRAND SUPREME BLOOD COURT non plus hein !!!(...)
26/01/2021, 07:35
@Bones : merci pour l'idée, vais m'écouter les trois albums de Hail of Bullets, juste histoire de rattraper mon retard concernant le père Van Drunnen.
25/01/2021, 20:12