La semaine avait été éprouvante. En plus de la canicule méditerranéenne (qui fait enfin relâche ce jour) et du pic de travail traditionnel vers cette saison, je me suis retrouvé aux premières loges de l'un des gros incendies de l'été qui ont été relayés dans les médias nationaux… Cela m'était déjà arrivé, mais je ne souhaite à personne de vivre ça en vrai. La ribambelle de concerts estivaux tombe bien pour nous changer les idées. Et ça commençait à faire quelque temps que je n'avais pas repris du bon gros Death Metal. Un groupe connu à prix libre à deux pas de chez soi un dimanche soir, c'était le plan quasi parfait. Inutile de se pointer trop tôt, mais la douceur du soir et le petit vent invitaient à sortir et la mobilisation des habitués m'a paru correcte pour une ville hélas assez peu amatrice de Death Metal, à défaut d'avoir mobilisé l'autre groupe des fidèles plus lointains qui apparaissent pour des affiches plus importantes.

Afin de préparer sa tournée estivale, Defeated Sanity était donc venu se poser ici même à la Secret Place pour quelques jours de répétition. Ils connaissaient déjà les lieux (pour y être passés au moins deux fois, dans mes souvenirs) qui proposent cette activité de résidence d'artistes. Des noms assez connus en ont déjà profité avant des tournées dans des salles de gros calibre. Il eut été dommage que cette offre aussi disparaisse, si les habitués ne s'étaient pas mobilisés pour maintenir la salle à flot dans un moment critique. Grâce à quoi, le premier concert de la tournée des Allemands avait logiquement lieu sur place avant de se lancer sur les routes européennes pour défendre leur dernier album sorti l'automne dernier. Une fois les tonnelles retirées, on pouvait ouvrir le feu alors qu'il faisait encore plein jour.

La première partie était finalement HM-2, qui ne manqua pas de remercier en cours de set l'invité initialement prévu d'avoir annulé. On connaît ce duo qui donne suite à de précédentes formations locales, et qui continue sa progression sur une voie sauvage. C'est du Powerviolence Crust en survêtement limitant ses moyens à une (jolie) guitare Jackson, une batterie et des hurlements partagés entre les deux membres. Pour ultra primaire qu'elle soit, leur musique (si, c'en est) se déversait avec un son caractéristique, marqué par la présence d'une certaine pédale au premier chef. Mais à mesure se montrent aussi une certaine qualité dans les riffs et des breaks de batterie qui apportent de la surprise, de la complexité. Le registre n'est pas choisi par facilité, mais par passion. Les titres sont un peu plus longs que ce qu'ils veulent bien dire, dépassant la minute. On s'ennuyait d'autant moins que le binôme est animé d'une forte complicité, contagieuse et exaltée par l'anniversaire du batteur tombant ce soir même. Ils déployaient aussi un humour de bon aloi pour nous exhorter à nous décoincer et envahir la scène ("On sait que nous sommes moches, mais vous aussi !"). Après quelques belles bourrades échangées au premier rang, quelques amis finirent par grimper, plus dans un esprit de dérision que de mosh explosif. Mieux maîtrisé, authentique mais subtilement plus travaillé que la moyenne, HM 2 a grandi et mérite le détour pour les fans du genre.

À dire vrai, le dernier album de DEFEATED SANITY a apaisé en partie mes vieux griefs envers le groupe en corrigeant peu ou prou les défauts que j'y entendais. J'étais donc assez curieux de les revoir. Le crépuscule débutait à peine quand le groupe entama les hostilités, le beugleur Josh laissant ses compagnons lancer le premier morceau avant de vite les rejoindre. Par l'arrivée d'un nouveau guitariste avec sa Jackson réticulée et son t-shirt Brodequin, le quartet est devenu maintenant un bel exemple d'amitié Germano-Américaine (ceux qui saisissent la référence peuvent se manifester en commentaire) au service d'un Death Brutal qui s'est bienheureusement rapproché de l'orthodoxie. Le growl est moins pitché et la caisse claire sonne plus grave qu'avant, à rebours du Slam et d'une certaine école dont ils étaient parmi les plus célèbres représentants. L'usage très régulier de samples synthétiques introductifs sentant bon le film de SF horrifique à petit budget renforcent cette saveur assez nouvelle de pure tradition. Je n'ai pas pu pleinement profiter par la vue du jeu de Lille Gruber qui tapait déjà durement sur les tables de la cour avant le concert, mais son gravity blast est plus appréciable avec ce nouveau son. Il privilégie la précision sur la puissance.

Tout ça pour dire que j'en ai profité mieux que jamais, et ça faisait du bien après quelques mois sans Death Metal live. Une véritable petite fosse se forma, et il fallut bien parer les accidents ou ramasser les objets perdus. En dépit du plein air, il y avait un éclairage assez sobre et surtout de lentes montées de fumée régulières qui firent de plus en plus d'effet à mesure que l'obscurité tombait. Cela donnait une esthétique particulière au set, alors que se déchaînait une barbarie sonore inhumaine inédite depuis le lapin de Caerbannog. Même les anciens morceaux gagnaient à ce nouveau son. Par-dessus les grognements de plaisir de l'assistance et les growls de Josh, le chant des cigales persistant dans la nuit donnait une tonalité surréaliste. Comme le bref paquito au pied de la scène, preuve que le pit avait bien lâché les cerveaux. La basse, présente sans être franchement distinguible, put se mettre en valeur par deux breaks vers la fin du set, simples et propres. Le poignet souple du guitariste facilitait la fluidité du riffing, se montrant autant à l'aise avec le vieux répertoire. Personne ne fut dupe du faux départ du groupe qui remonta sur scène presque aussitôt pour un final du même tonneau que le reste. Ils entrent désormais dans la catégorie des groupes qui tiennent une heure de set, soit une certaine aristocratie du Death Brutal.

Il y avait un peu de merch' au stand tenu par le groupe lui-même, auquel je ne me suis pas intéressé, préférant deviser entre habitués. C'était ma meilleure rencontre avec Defeated Sanity, en attendant d'autres affiches plus grosses.