Haine

The Butcher's Rodeo

26/11/2021

At(h)ome

La haine est à la mode en ce moment. La haine d’un gouvernement qui nous prend pour des imbéciles selon certains, la haine des migrants qui dérivent sur nos côtes pour piquer nos emplois et nos allocations, la haine des hommes, être vils et pleutres qui s’accrochent à leur société patriarcale comme un morpion à un poil pubien, et cette haine gratuite déversé par les haters sur les réseaux sociaux. La haine est donc partout, mais quid de l’amour prôné par des sixties agonisant dans le massacre d’Altamont ? Il semblerait que le sentiment le plus pur soit réservé de nos jours aux idéalistes, aux accros aux sites de rencontre, et qu’il ait été dévalué par l’immédiateté d’une époque qui ne prend plus le temps d’analyser posément les situations.

De fait, les franciliens de THE BUTCHER’S RODEO se glissent dans le move, et nous proposent avec leur second album une bande-son 2021 très crédible. En choisissant ce mot très fort comme baptême de leur second longue-durée, les musiciens se mettent au diapason d’une ère confuse et violente, et adaptent donc leur musique à l’humeur ambiante. D’abord, en optant pour le chant en français, nouveauté qui permet aux mots de se détacher, pour peu que vous les compreniez lorsqu’ils sont hurlés à pleins poumons. Ensuite, en radicalisant un peu plus leur approche Hobocore, comme ils se plaisent à la définir, style qui en brasse des dizaines d’autres et qui permet une ouverture permanente dans la diversité. Cela étant posé, ne vous attendez pas à une épiphanie crossover en écoutant cet album rude et immédiat : la philosophie n’a pas changé, et reste basée sur des attaques permanentes en dualité vocale et en riffs taillés comme des silex.  

Pour les étourdis, sachez que le concept a été monté il y a quelques années par des membres de NOSWAD, AqME, STRIKE BACK, VERA CRUZ et autres combos de plus ou moins premier plan. L’envie était justement de faire autre chose, ou la même chose, mais différemment. Et cinq ans après le premier cri Backstabbers qui nous poignardait dans le dos, Haine remet les pendules à l’heure et nous vomit sa Haine en pleine face, sans même tendre un mouchoir pour nous essuyer les tympans.

Haine, au même titre que son grand frère, est une version Metal et Hardcore du classique de Mathieu Kassovitz. Ici, l’action ne se passe pas en banlieue, mais bien dans le petit monde du Metal français perméable à toutes sortes d’influences, et qui se révolte contre cette amertume ambiante qui oblige à se méfier de tout le monde, et à mettre la moindre de ses déclarations entre parenthèses pour ne pas souffrir d’attaques gratuites. Cette bande-son  d’une époque de bien-pensance est donc à l’image des entrefilets dans les journaux numériques, et en totale adéquation avec le ressenti d’individualités qui pensent toutes avoir raison au détriment du plus grand dénominateur commun

Musicalement, le fossé séparant les deux albums n’est pas infranchissable. Cette alternance entre coups de folie rythmiques et subtilité acoustique et mélodique est toujours aussi présente, mais la puissance semble avoir été multipliée par dix, et alors que les vulgarisateurs rangeront immédiatement nos amis les bouchers dans la catégorie des Metalcoreux frustrés ou trop classiques, les autres comprendront que l’ouverture d’esprit s’accompagne toujours d’une ouverture de son.

Le son ici justement est énorme. Les percussions sonnent tribales, les guitares semblent branchées sur un ampli gargantuesque de watts, et le chant est mis en avant dans toute sa noirceur pour que le français se détache des lèvres plus facilement. La basse, ciment de toute cette violence officie en toute décontraction, mais ce sont évidemment les cassures et autres breaks mélodiques qui dominent les débats, pas toujours avec bonheur d’ailleurs. Autant admettre que le talon d’Achille de cette réalisation sont ces intermèdes/refrains mélodiques en chant clair, trop typés US, qui ruinent la colère et qui atténuent trop le ressentiment général. On le déplore d’autant plus lorsque les couplets sont vraiment explosifs, à l’image de « Haine », qui se rapproche parfois de SLIPKNOT, avant que cette voix doucereuse ne nous les brise d’une délicatesse formelle trop convenue.

Pardonnez-moi chers THE BUTCHER’S RODEO, mais je vous préfère irascibles que nostalgiques ou énamourés. Une fois épuré de toutes ces scories harmoniques dispensables, l’album devient beaucoup plus intéressant, comme un gigantesque uppercut de Hardcore moderne et métallique balancé en pleine poire. Et ce choc frontal est exactement ce dont le monde d’aujourd’hui a besoin pour comprendre qu’il court à une mort sociale certaine ; la fracture étant désormais trop béante pour être résorbée par des formules à l’emporte-pièce.

La seconde partie de l’album, plus modulée, se met à la colle avec un Rock énervé pas franchement Metal, et un morceau comme « Le Désordre » peut-être apprécié en toute diversité. D’ailleurs, les titres s’enchaînent et la rage s’estompe peu à peu, même si « Brûle » nous offre une montée de lait à faire gicler n’importe quel sein nourricier. L’un dans l’autre, ces crises soudaines nous sortent de la léthargie d’une concession trop importante apportée au Metalcore américain le plus classique, et sans pouvoir critiquer les choix des musiciens, une ruade plus franche et soutenue aurait convaincu plus de pèlerins égarés.

Mais globalement, saluons les efforts, apprécions les titres vraiment explosifs, et regardons le monde d’un air détaché, pour le laisser crever de sa plus vilaine mort, emportant avec lui des siècles de conneries et d’opinions rances et individualistes.

 

            

                                              

Titres de l’album:

01. Sans sourire

02. Crève !

03. Je vous Hais Tous

04. Mensonges

05. Morte

06. Haine

07. Lâche !

08. Le Désordre

09. Abîme

10. Seul

11. Brûle

12. Pater Autem


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par mortne2001 le 16/07/2022 à 14:59
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