Avec une régularité presque métronomique, FANGE poursuit son parcours fait de heurts, de désolation, d’insistances et de redondances, sans vraiment se soucier de ce qui se passe autour de lui. Presque tous les ans, le rendez-vous est pris pour un bilan de déchéance, de désolation, avec toujours en exergue, cette foutue lettre P qui cristallise les obsessions. Alors, deux ans après Privation, et un seul après Perdition, le quatuor breton revient avec Purulences, qui annonce à l’avance une ambiance de bubons et autres affections biologiques.
FANGE est-il à considérer comme matière organique dangereuse pour la santé ? Physique, c’est tout un problème, mais mentale, à n’en point douter. Les quatre musiciens de Rennes (Benjamin Moreau - guitares/composition/programmation/arrangements/chœurs, Matthias Jungbluth - chant/textes, Antoine Perron - basse/chœurs, et Titouan Le Gal - guitares/composition/machines/chœurs) continuent de vouer un culte aveugle aux exactions gravissimes d’un GODFLESH dont ils empruntent régulièrement les tics et la rhétorique.
Comme toute cette scène française qui n’aime rien tant que brouiller les pistes et conchier les étiquettes, FANGE n’a cure des querelles de clans et dévie régulièrement d’une trajectoire éventuellement trop linéaire. Si la composante électronique est une part importante de son univers, l’aspect analogique des guitares et la déshumanisation du chant contribuent à créer une atmosphère de paranoïa, dans un monde dystopique où la misère, la famine et l’absence totale de rêves règnent en maîtres.
Purulences est parfois une forme très libre de Slam recyclé dans une vieille zone en friche de Birmingham, là où le son ne sort que par couches épaisses. Au milieu des gravats, du verre brisé et des machines abandonnées, le quatuor se donne en spectacle pour quelques parias, trop heureux de voir leur quotidien traduit en musique. « Mortes Promesses » est d’une narration aussi nihiliste qu’un rendez-vous à France Travail, et « Sans Conviction » parle sans détour des options qui se resserrent et nous enferment dans une cage de vice et de stupre, alors que la société agonise de sa propre indifférence.
Rennes parait alors sous son jour le plus blafard. Il ne fait pas bon vivre dans ces rues en clair-obscur, où la lumière ne triomphe plus depuis des dizaines d’années. Très loin du porc se vautrant dans sa FANGE pour se nettoyer et éliminer quelques parasites, Purulences a de vrais airs de bubon infecté que l’on perce avec la pointe d’un couteau rouillé, pour causer une septicémie mortelle. Le ton détaché, les itérations obsessionnelles, la froideur des motifs ressuscitent l’esprit Indus originel, celui des SWANS et de HEAD OF DAVID, plein, à la poétique macabre, et au verbe unique. Désespoir qui se transforme en résignation, pour une époque pourrie de l’intérieur. Mais n’est-ce pas ce qu’on attend de la part de ces quatre hommes droits dans leurs bottes entre deux pierres taillées ?
En huit albums, FANGE a rodé sa boue, renforcé sa moue, et trône aujourd’hui sur un fauteuil d’immondices et d’illusions perdues. On se prend à rêver d’une catastrophe collective en subissant « Grand-Guignol », référence à ce théâtre du début du siècle dernier, entièrement voué aux gémonies de la terreur et des malaises en direct. Mais l’avenir et le présent du groupe n’ont aucun lien avec le Gore ou une quelconque violence ouverte et excessive. A la colle avec Justin Broadrick, loin d’un Death Metal extraverti et grotesque, FANGE recycle ses propres idées, en les noircissant un peu plus à chaque rendez-vous.
Il ne fait pas bon écouter cet album sous une canicule juillettiste. La chaleur appuyant sur l’inconfort, le soleil dardant de ses rayons une terrasse anonyme, avec une boisson tiède comme seul rafraichissement, Purulences s’apparente à une trop longue station debout, les membres anesthésiés, et l’esprit en berne. La douleur est palpable sur l’immonde « Juste Cruel », qui apporte une réponse claire à la question suivante : comment se sent le monde aujourd’hui ?
Oui.
La cruauté, l’égoïsme, l’auto-centrage, l’oubli de toute forme d’empathie, tout est là, et bien plus encore. Glissant à plat ventre sur le toboggan du destin, FANGE n’en oublie pas pour autant de respirer à pleins poumons abimés cette odeur de pourriture et d’excréments qui plane sur toute ville de plus de quelques milliers d’habitants. Mais peut-on encore croire que le groupe évolue en milieu urbain normal ? On imagine plus volontiers son contexte dans un vide abyssal, dépouillé de toute vie, avec le silence en écho qui étouffe tout son de protestation et de contestation.
Hurlez « au secours » dans l’indifférence d’une ville de béton. Ce cri ne rebondira pas sur les façades, et mourra de sa belle mort sans que personne ne l’ait entendu. C’est cette sensation sur laquelle s’appuie ce nouvel album, qui met mal à l’aise, qui prône l’abandon et la résignation, et qui se meurt de n’avoir même pas vécu. Un instant, une heure, ou quelques jours.
FANGE, l’épopée des P, et une absence totale de paix. Moche, déprimant, puant et dégoulinant de noirceur. Quelle belle histoire.
Titres de l’album :
01. Cavalier Seul
02. Sans Conviction
03. Mortes Promesses
04. Grand-Guignol
05. Juste Cruel
06. Langues Fourchues
07. Aux Abois
J'aime beaucoup ce groupe, hâte d'écouter ce nouveau disque !
... Et voici que se profile un chaos ad tour aux US à partir de septembre !
11/08/2025, 15:37
Une fois mis mon côté vieux réac' dans la poche, et oublié les 2 ou 3 autres trucs négatifs, j'en profite pour donner mon sentiment sur les groupes (uniquement le samedi pour moi):- Le temps de quitter le taf et de faire la route, pas vu THEOREM.(...)
09/08/2025, 22:37
"Les enfants sont toujours là, les couples sont venus attachés et en famille".C'est une des choses qui m'ont déplu: les 2 gamines devant. On voit de plus en plus de personnes emmener leur gosses à des concerts de Metal, Punk ou Hardc(...)
09/08/2025, 22:33
Jus de cadavre, c'est évidemment une excellente nouvelle, mais pour moi, la news de l'année pourrait être l'éventuelle reformation de Kyuss (en tout cas la rumeur est lancée)
07/08/2025, 18:15
C'est bon ça ! Et une tournée dans la foulée svp , cela fait plus de 10 ans que je les ai vu . En même temps ils sont tellement rare qu’ils passent uniquement au Hellfest de temps en temps
07/08/2025, 17:52
ça a intérêt d'être meilleur que le 3 et les deux EP, depuis le temps qu'on attend du nouveau, surtout avec le retour de Kirk Windstein.
07/08/2025, 12:26
En effet, mais le groupe les considèrent comme des EPs je crois... Enfin bref ça reste la news de l'année quoi qu'il en soit.
07/08/2025, 11:35
Au début j'ai hésité à y aller, éprouvant plus d'intérêt pour Nailbomb que pour Soulfly. Puis quand j'ai vu que ce serait Max et son orchestre sans Newport, ça m'a coupé l'envie.Sepultura ayan(...)
07/08/2025, 11:35
Non, il fera suite à Down IV, sorti en deux parties, respectivement en 2012 et 2014...
07/08/2025, 11:06
"il va se jeter sur le nom Sepultura lorsque ces derniers auront mis la clef sous la porte."Aucun doute là dessus oui. Je pense même sans rire qu'un calendrier de tournée / de fest / d'un nouvel album est déjà prêt.
06/08/2025, 15:35
Cavalera est un charognard, pas étonnant qu'il ressorte Nailbomb du placard. Je suis sûr qu'il va se jeter sur le nom Sepultura lorsque ces derniers auront mis la clef sous la porte.
05/08/2025, 21:18
@Gargan : Merci pour les précisions quant aux deux dealers de galettes qui méritaient de voir leur nom affiché, ainsi que pour l'origine de la bière que je n'ai pas goûtée, mais que mon comparse Manu semble avoir appréciée.
05/08/2025, 17:33
Petites précisions : le sekhmet existe toujours mais le gérant a changé depuis quelques mois et le métal n'y a plus vraiment sa place. Ce fest est donc une belle continuité ! La bière servie (excellente !) venait de la microbrasserie Arcatos, cr&eacu(...)
05/08/2025, 14:39
Marrant de retrouver un vieux commentaire, dans la foulée acheté le disque puis celui d'avant, tout aussi excellent.Je viens juste de voir qu'un nouvel album était sorti fin juin, et, sans surprise, c'est encore une réussite.
05/08/2025, 13:20
Il est impossible que j'aie grossi. J'oubliais de signaler que Robert Plant aussi est venu cette ann&(...)
04/08/2025, 14:50
1) "Donc il n'y a pas de son dégueulasse ou pas en fait. C'est à juger au cas par cas"Bien évidement que quelquefois cela dépend de l'endroit où on se situe en salle...Mais si les 3/4 des gens présents et ce à(...)
04/08/2025, 08:36
Une review est tjs très subjective et peu importe l'expertise qu'on essaie d'y mettre du haut de nos "je suis fan depuis x années" "j'ai fait x concerts". Je n'ai fait que le concert du dimanche et c'était mon 3e sur la tournee a(...)
04/08/2025, 06:33