Alors que j’échangeais joyeusement avec un maraicher sur le caractère précoce des tomates cette année, une explosion soudaine a interrompu notre conversation de façon extrêmement péremptoire. Nous comparions alors les qualités intrinsèques de la cornue des Andes et de la cœur de bœuf, lorsque cette gerbe de décibels nous a obligés à mettre nos références entre parenthèses. Intrigué par cet évènement pour le moins incongru un jour de marché, j’ai suivi le véhicule jusqu’à son stationnement. Une fois la Ford Fiesta blanche garée de guingois, je me suis approché du conducteur, le visage empourpré et le verbe asséché. Mais j’ai quand même eu le temps de poser LA question qui s’imposait : l’identité de cet orchestre dont les accords dissonants avaient troublé une matinée ensoleillée. Il me balbutia alors quelques paroles sans importance, avant de lâcher benoitement un nom bien connu : celui des brésiliens d’ESCARNIUM.
Mon sang n’a alors fait qu’un tour sur lui-même, en découvrant que cette horde lusophone venait tout juste de publier son quatrième long, trois ans après l’impressionnant Dysthymia, déjà méchamment agacé de la rythmique.
Ma matinée maraichère en était alors complètement chamboulée. Ignorant les fruits de saison et les camelots, je filais à mon domicile m’enquérir de la qualité d’un nouvel enregistrement que je pressentais exceptionnelle. Et dès les premières mesures d’Inexorable Entropy, mon système nerveux entrait en surchauffe. Et pour cause, puisque le quatuor de Salvador avait une fois de plus enrobé les débats dans une épaisse couche de cellophane bestial.
Gabriel Dantas (basse), Nestor Carrera (batterie), Victor Elian (guitare/chant) et Alex Hahn (guitare) ont une fois de plus porté la violence à ébullition, en jouant sur la fine limite séparant le Death traditionnel de celui plus brutal et expérimental que nous chérissons tant. Avec un sacré paquet de dissonances et de stridences, le quatuor brésilien se livre à son exercice favori en s’en remettant au talent de percussionniste d’un batteur agile de ses mains. Parfois à la limite d‘un Black/Death psychotique, Inexorable Entropy est d’une intensité incroyable et d’une précision l’étant tout autant à ce stade de vitesse. Entre MORBID ANGEL et BENIGHTED, les brésiliens s’amusent avec les codes, et prennent un malin plaisir à nous maltraiter en tirant sur nos pis comme un veau affamé. Chaque titre semble avoir été conçu pour rendre son prédécesseur chétif, et lorsque le pic d’ultraviolence est atteint sur « Revulsion of Carbon », le choc encaissé est de ceux qui vous collent au tapis pour quelques heures.
Mais quel plaisir masochiste de se voir bousculé sans respect par cette musique aussi minutieuse que globalement fielleuse, entre technique et esprit pratique. Avec quelques ralentissements conséquents, la horde propose des aventures pour le moins terrifiantes, à l’occasion d’un « Through the Depths of the 12th Gate », aussi cryptique qu’un message diffusé par une station de nombres abandonnée. Des idées pour les riffs, de l’attention dans les structures, un agencement logique mais admirable, telles sont les qualités d’un disque que les plus cruels adopteront immédiatement. Ce qui est justifié, tant ESCARNIUM devient de plus en plus irréprochable dans la misère mélodique.
On évite la retape grossière, mais on reste quand même dans le rang en matière de créativité. Le but ici n’est pas d’innover, mais de peaufiner une optique déjà bien rodée. Une optique qui s’en réfère aux plus grands comme aux plus vicieux, et qui transforme le Death classique en exutoire fatal, quelque part entre la correction sévère dans la cour de récréation, et la mutilation systématique d’une pauvre victime attachée sur une chaise de fortune.
Cet esprit maniaque transpire des sillons, grâce à une production parfaitement taillée. La basse rebondit en arrière-plan, tandis que les guitares se fraient un chemin entre la grosse caisse, les toms, les cymbales et la caisse claire. Le chant quant à lui subit les assauts névrotiques d’un kit mis en avant comme un virus létal, et si cette batterie soignée aux petits oignons pourra paraître un peu trop envahissante au goût de certains, son rendement est tel qu’elle mérite ce mixage au centre. Le poumon est donc l’organe principal sur lequel se greffent les métastases, rapidement annihilées par une frappe constante et un battage permanent.
L’album s’arrêtant juste au-dessus de la barre de la demi-heure, l’errance et la redondance restent à la porte. En cherchant la concision la plus absolue, ESCARNIUM produit un effort court mais très intense, et termine sa course en ayant distancié ses adversaires d’un ou deux kilomètres. Et une fois la jouissance des sens atteinte, je suis retourné digresser avec mon maraicher préféré. Il fallait qu’il sache que la pousse des tomates est stimulée par la diffusion d’albums comme Inexorable Entropy, engrais naturel et traitement sans pesticides.
Mes cœurs de bœuf auront donc cette année la taille de leur nom.
Titres de l’album
01. Fentanyl
02. Relentless Katabasis
03. Cancerous Abyss
04. Inexorable Entropy
05. The Heritage
06. Revulsion of Carbon
07. Through the Depths of the 12th Gate
08. Ashen Path
09. Pyroscene’s Might
Je n'aimais pas spécialement son chant, ni le personnage mais respect à lui.RIP Ozzy.
23/07/2025, 20:27
Aujourd'hui c'était Sabbath bloody sabbath bien fort dans la bagnole. Quel putain de disque ! Je ne realise pas que ce doux dingue est mort.
23/07/2025, 19:26
Dio, Randy et Lemmy sont déjà prêts à l'accueillir... ça va être une sacrée fiesta là-haut ! Quelle carrière en tout cas et que l'on n'aime ou pas la musique du bonhomme il faut reconnaître que sans lui la scè(...)
23/07/2025, 14:25
Petite info supplémentaire que je n'avais pas pris le temps de vérifier :Ozzy Osbourne & Black Sabbath’s Final Show Is the Highest-Grossing Charity Concert of All TimeThe July 5 "Back to the Beginning" show raised more than $190 (...)
23/07/2025, 13:55
Même si ce n'est pas la grosse surprise vu son état dernièrement, c'est triste. Une page se tourne, clairement.A mon avis, ils sont pas prêt là-haut, il va foutre un beau bordel !
23/07/2025, 13:19
Comment passer d'un concert décrié à des funérailles somptuaires entouré de ses pairs.Bien joué et salut l'artiste !
23/07/2025, 12:31
Mort d'un vieux surcôté comme jamais. Il aurait dû raccrocher les gants il ya déjà trop longtemps!
23/07/2025, 12:29
Mmerci Ozzy pour tout ce que tu as apporté à la scène et à la musique en général que ce soit en solo ou avec Sabbath . Et pour ceux qui sont fan ou non en dehors de la musique je conseille le livre : Moi Ozzy , qu’est-ce que j’ai pu(...)
23/07/2025, 10:07
.. ... ...J'ai une putain de gueule de bois bordel... ... ..... ... ...Une soirée à mater ses vidéos et à boire... ... ..... ... ...Bref... ... ...Une seule photo pour moi résume le bonhomme :
23/07/2025, 08:38
Dernier concert qui portait malheureusement bien son nom...Je n'ai pas honte de le dire mais la première fois que j'ai réellement vu le bonhomme c'était dans ma chambre d'étudiant, au sous-sol d'un proprio qui avait le câ(...)
23/07/2025, 08:21
J'écoutais Master of Reality juste avant d'apprendre son décès. Écoute qui ressemblait malheureusement à un hommage.Ce dernier concert devient un événement encore plus spécial, surtout pour ceux qui ont eu la chance d'y(...)
23/07/2025, 06:48
RIP Ozzy(j'étais pas forcément fan du personnage mais c'était la voix des 3 premiers Black Sabbath qui resteront à jamais pour moi des monuments)
22/07/2025, 23:46
Worship music était très très bon. Beaucoup de remplissage par contre sur For all Kings que je n'ai pas sorti de sa gangue de poussière depuis des années. Belladonna est toujours plus écoutable sur album que sur scène, où on(...)
22/07/2025, 20:34
@Ivan : clairement, oui. On verra sur album, Anthrax n'a pas sorti d'album majeur depuis longtemps.
22/07/2025, 11:31
Encore un groupe de croulants, le pire, c'est le Belladonna. Jamais vu une vieille carne aussi transparente sur scène, le charisme de 3 cafés gourmands.
21/07/2025, 21:05