Voilà qui est puissant et rondement mené. Les lituaniens de FOREAEON ont négocié un virage important de leur carrière, pour recentrer leur propos. Alors que leur éponyme début contenait encore des traces de Crust et d’ambiances pour le moins légères, Pillars For The Dying n’est que méchanceté crasse et haine qui tabasse. Le groupe assume totalement cet ajustement de cap et en parle sans gêne sur son Bandcamp :

Pillars For The Dying adopte un son plus rythmique et technique, abandonnant la simplicité et les nuances Crust, et embrassant le Death et le Thrash pour évoluer davantage. 

C’est une décision claire qui se constate rapidement, puisque l’écoute même distraite de « One For None » prouve que FOREAEON a resserré ses options et redessiné son plan d’attaque. Sandžėjus Sankaras (guitare), Gabrielius Mockus (guitare/basse/chant) et Deimantas Braukyla (batterie) ont donc opté pour une attaque franche et massive, axe basse/batterie/guitare en avant, mettant en exergue une belle panoplie de riffs qu’une batterie solide suit de sa frappe appuyée et fluide.

En découle un album vraiment furieux, curieux, qui explore les recoins de la nostalgie pour avancer dans la vie. Pillars For The Dying, classique au possible exhibe donc une musculature refaite, des abdos d’acier, et un faciès pour le moins patibulaire. L’ombre des héros de la décennie 90 plane bas au-dessus de ces titres tous plus agressifs les uns que les autres, et qui parfois ne rechignent pas à se la jouer plus populaires, comme le souligne avec une hargne indécente « Future’s Nebula ». Crossover parfait entre le jeune MESHUGGAH et DEMOLITION HAMMER, ce titre est en quelque sorte le VRP parfait pour un disque qui sait ce qu’il veut et qui veut ce qu’il sait. Adoubé par une production épaisse mais précise, ce deuxième long est donc celui de la confirmation, et supporte très bien de nombreuses écoutes successives.

Mixé, masterisé et produit par Gabrielius Mockus, Pillars For The Dying est ce ces œuvres old-school dont on pardonne immédiatement l’absence d’innovations. Son efficacité est telle que les exigences restent en retrait, et cette nouvelle option prise avec une technique plus prononcée ne nuit guère à la pertinence. Au contraire, le rendu est plus dense, plus compact, et surtout, plus pulsé. Deimantas Braukyla a donc été sollicité à plein régime, et se livre à une démonstration de force du poignet assez impressionnante. Mais le percussionniste sait se mettre au service de l’inspiration, et ralentir lorsque l’atmosphère le réclame. Ainsi, « Resident Of Chaos », petit chef d’œuvre d’orfèvrerie Heavy suinte la vilénie et le vice par tous les pores, s’en remettant à la pression d’un down tempo fielleux et hypnotique. Mais avec une bordée de syncopes au biseau et une voix qui se veut encore plus caverneuse qu’un écho de la Pythie, il transcende l’inspiration pour en faire un large éventail ouvert en grand.

Nous faisons donc face à un travail très professionnel. Autant reconnaître les faits, FOREAEON est devenu un monstre de précision et d’abnégation, osant des patterns presque mécaniques pour imposer des thèmes déjà traités sur ForeAeon. La terreur existentielle, la folie sous toutes ses formes, l’aspect anxiogène d’une vie passée à subir les injustices, la corruption politique et l’absence de conscience écologique s’accommodent très bien de cette filiation MORBID ANGEL, manifeste sur « Dead Empires », de Rome à New-York, et de Berlin à Kiev.

Difficile de trouver plus pertinent et convaincant dans l’actualité old-school actuelle. Agrémenté de quelques fantaisies mélodiques, Pillars For The Dying a certes tendance à recycler des idées de façon parfois un peu systématique, mais sème toujours quelques petits détails, comme ces syncopes purement Thrash sur la boucherie « Succubus ». Entre Death salé, Thrash corsé, et Metal plus généralement bien épicé, le quatuor lituanien pousse un peu plus vers le haut, pour fédérer de nouvelles troupes prêtes à mettre le monde à feu et à cendres.

« Welcome To Hell », s’il n’est pas aussi accrocheur que l’hymne éponyme de nos VENOM chéris, n’en est pas moins un épilogue parfait. Ligne de basse coulée à l’harmonie soulignée, cassure rythmique avec saccades sur la corde de mi, maltraitée comme à la grande époque de Tampa, avant l’inévitable accélération fumasse à la PESTILENCE pour rester sur le droit chemin. 

Du bon, du très bon, de l’académique, du plus personnel, FOREAEON consolide, colmate les petites fissures, évite les fuites et se propose d’incarner la nouvelle vague de Death des États baltes. En tant que leader du mouvement, sa crédibilité est sans failles. En tant que nouveauté, son travail va séduire en pagaille. Du costaud qui ne frime pas dans le vide est toujours plus impressionnant que du gonflé aux stéroïdes qui s’admire dans le miroir.     

Titres de l’album

01. One For None

02. The Sets Of Madness

03. Future’s Nebula

04. Resident Of Chaos

05. Dead Empires

06. Succubus

07. Welcome To Hell

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