Dans le petit monde du Trve/Raw/Atmopsheric Black Metal, on aime :

• Se prendre en photo la nuit, enserré de cuir, dans les bois enneigés
• Faire planer une aura de mystère sur sa provenance et ses influences
• Dessiner des logos indéchiffrables qui ressemblent à des arbres morts
• Composer des titres à rallonge, directement inspirés par les origines nordiques
• Brailler comme des veaux d’une pièce adjacente en prenant soin de disposer le micro le moins sophistiqué du coffre à jouets de sa petite sœur dans le cagibi qui sert de studio

BRÆ coche toutes les cases, et propose avec son second album une sorte de parangon indiscutable. Né en ______, à ______, BRÆ serait le vecteur d’expression de deux figures de l’underground de ________, et se veut prolongement direct des enseignements des nineties, avec un brin d‘imagination 2K. Et malgré le ton subtilement ironique de mon début de chronique, j’affirme que leur méthode fonctionne vraiment, et même sous format très étiré et chronophage.

Swartadauþuz et Déhà, les deux têtes pensantes du projet, sont très actif sur les scènes BM scandinave et belge (car oui en grattant un peu, on parvient à trouver des renseignements). On les retrouve au casting de nombreux projets, dont AZELISASSATH, BEKËTH NEXËHMÜ, DAUDADAGR, DEMONOMANTIC, GARDSGHASTR, GNIPAHÅLAN, GREVE, INIQUITATEM, INSIKT, LYKTA, MUSMAHHU, MUVITIUM, MYSTIK, NATTFÄRD, SUMMUM, TROLLDOM, TYRANNI, URKAOS, BALWEZO WESTIJIZ, DET VITA TRÄDET, HËXERIS, KLÄVITT, KLÄVITT... SKOGEN EVIGT EKA, REMIGIUS pour le premier et ACATHEXIS, COAG, CULT OF ERINYES, DRACHE, GOD ENSLAVEMENT, IMBER LUMINIS, INIQUITATEM, LYKTA, MALADIE, MERDA MUNDI, SATURNIAN TEMPEL, SILVER KNIFE, SLOW, SORTA MAGORA, THE NEST, THE PENITENT, TRANSCENDING RITES, WE ALL DIE (LAUGHING), WOLVENNEST, WRATH OF THE NEBULA, YHDARL, IGNIFER, AARDLING, AURORA BOREALIS, COMA., DETRVIRE, IMPENDING TRIUMPH, LIDDEN, MUSEALCAL EGGSCREMENTS, ou NADDDIR pour le second (bonjour le CV…), et BRÆ vient donc ajouter une ligne à leurs références, et pas la moins intéressante.

Promu par Amor Fati, label crédible et actif, Av Vålnader Bortom Allt fait donc suite après deux années à A Thousand Ways to End It All, qui lui aussi proposait deux longues pistes en guise de tracklisting. Mais si les deux musiciens dispersent leur talent dans de nombreuses formations, ils ne le gâchent pas pour autant. Car malgré un logo brouillon et une atmosphère délicatement glaciale, Av Vålnader Bortom Allt est un excellent disque de Black atmosphérique, qui propose des parties efficaces, bien imbriquées les unes dans les autres, et si le son racle un peu les oreilles, il convient parfaitement à l’optique choisie, entre violence crue et neigeuse et contemplation résignée et presque Doom. 

BRÆ a bien compris qu’on ne meuble pas quarante minutes de timing avec deux riffs et un beat. Les deux titres proposent donc de solides évolutions, passant par toutes les ambiances inhérentes à l’optique choisie, et nous entraînent sur des chemins assombris, en pleine forêt, la nuit, lorsque les hommes dorment et que la lune oublie de briller. On appréciera le son de guitare qui est digne d’un papier de verre gros grain, et l’écho de la rythmique qui bat le rappel au loin, mais quand même deux bons mètres en amont d’un chant à peine perceptible, la trademark du Trve Black et du Raw Black, et gimmick indispensable à toute réalisation cryptique.

Le contenu artistique est pertinent, les mélodies amères prenantes, et le tout jouit d’une bonne cohésion dans la diversité. Si « Efter Ålderdomens Tid » prône un indéniable statisme, « I Nattskrud Viska » se veut aussi violent qu’un hiver scandinave, et une fois les deux chapitres mis bout à bout, on appréhende la réalité d’une longue symphonie à la gloire du Black le plus impénétrable, hors du temps et des modes.

Sec mais ambitieux, lucide mais grandiloquent, Av Vålnader Bortom Allt est une séance d’apnée dans les abysses de la noirceur musicale, mais une noirceur pure, et sans artifices. Un album terriblement âpre, monstrueusement nihiliste, mais tout de même allégé par une envie de jouer autre chose qu’une simple litanie macabre à base de cris de belette et de stridences de guitare à peine accordée.

Mention B+ donc pour le projet international, et peut-être un moyen d’aborder la discographie abondante de nos deux amis par un versant moins abrupt.

Titres de l’album:

01. I Nattskrud Viska

02. Efter Ålderdomens Tid