Il arrive qu’on ait besoin de changement. D’air, de coupe de cheveux, de travail, ou tout autre domaine susceptible de vous ronger de l’intérieur. Dans ce cas précis, il convient de s’y prendre correctement, avec recul, et la certitude que le dit changement va vraiment être bénéfique. Au risque de se retrouver encore plus paumé dans une autre routine, cette fois-ci létale. Les new-yorkais de SANHEDRIN avaient besoin de changement, pour de nouvelles perspectives, et pour retrouver l’impulsion de leurs débuts, avant que le moteur ne commence à ronronner. Les ayant rencontrés au moment de la sortie de leur premier long, je ne peux que louer ce choix, qui permet aujourd’hui d’apprécier un album aussi magistral que Heat Lightning. Un album qui réchauffe, qui donne envie, qui se croque à pleins tympans, et qui se danse sous la lune le cheveu rebelle et le pas de deux grotesque. Mais quel exutoire fabuleux…

Cet album incarne la persévérance dans les moments difficiles, l’amitié partagée à travers la musique et le désir inébranlable de faire de notre mieux ensemble. 

Et on sent clairement les liens qui unissent ces trois musiciens, en quelques mesures, et des que le chant entre en scène, la réalité des faits ne peut pas être plus concrète : du Heavy Metal passéiste, comme on le jouait aux USA dans les années 80. Sauf qu’ici, le rétro est traité avec respect, admiration, passion et créativité. Donc pas la peine d’attendre le faux pas qui ne viendra jamais, puisque le power-trio connaît son boulot, et le fait avec un appétit féroce.

SANHEDRIN gagne en personnalité avec les années. Un premier disque excellent, mais encore perfectible, un deuxième plus fouillé, un troisième quasiment incontournable, pour un quatrième de couverture dominant son sujet sans partage. Je parlais de changements, mot que je mets au pluriel puisqu’il se répète dans divers processus. Le premier est majeur, d’une importance indéniable. Le trio a changé sa technique d’enregistrement, allant bosser à l’Utopia Bearsville studio de Woodstock, New York avec Matt Brown (LIFE OF AGONY, A PALE HORSE NAMED DEATH) et Jerry Farley (SICK OF IT ALL, MADBALL). Deux hommes venant d’horizons différents, qui ont su apporter au groupe ce petit plus qu’il cherchait. Non qu’Erica Stoltz (basse/chant), Nathan Honor (batterie) et Jeremy Sosville (guitare/chant) se montraient a posteriori insatisfaits de leur travail passé avec Colin Marston, mais ils sentaient qu’il fallait bifurquer pour ne pas stagner. D’ailleurs, Erica en parle sans aucune gêne :

Nous avons eu de sacrées expériences et d’excellents résultats en travaillant avec Colin Marston sur nos précédents albums, mais nous commencions à ressentir les limites techniques de son studio et nous voulions essayer quelque chose de différent cette fois-ci. L’idée de travailler avec Matt et Jerry est née d’une conversation que nous avons eue en travaillant ensemble sur un autre projet. 

Le résultat est là, sous la forme de neuf nouveaux morceaux qui continuent le boulot entrepris il y quelques années. Des titres qui sentent le combat épique entre le bien et le mal, les dangers et désillusions de la vie, et ce Metal agressif d’il y a quarante ans que les musiciens commençaient à domestiquer sans lui faire perdre de sa méchanceté. SANHEDRIN a beau avoir troqué ses méthodes et réflexes anciens pour retrouver ses sensations, ses qualités restent les mêmes, et plus particulièrement cette manière incroyable d‘injecter une grosse dose d’émotion même dans les passages les plus bruts.

Ce son énorme permet au trio de jouer sur la corde sensible de la réalité. Pas d’esbroufe, pas de polissage, quelque chose de très direct et très brut, qui donne le sentiment que les musiciens jouent dans la pièce d’à-côté. Au casque, l’impression est encore plus saisissante, la guitare en son clair passant d’un canal à l’autre sans perdre de sa pureté. On se croirait presque en pleine représentation 3D tant l’espace sonore est brillamment géré, et la patine seventies abordée de façon presque Hardcore renforce cette impression de proximité.

Musicalement, la donne n’a évidemment pas changé. Heat Lightning se veut homogène, avec des morceaux de durées presque égales, mais ce sont bien sûr les titres les plus évolutifs qui convainquent le plus. « Heat Lightning » nous fait notre affaire de son caractère introverti et ténébreux, et « King of Tides » roule comme la marée sur une grève quelconque, avec cette alternance entre insistance et relâchement.

Côté puissance, SANHEDRIN fait toujours aussi bien parler la poudre, qui explose le canon sur le surpuissant « Franklin County Line », burner qui laisse les frangines Wilson s’époumoner sur du RAVEN pur jus. Plus posé mais pas moins agressif, le single « Blind Wolf » tonitrue comme du ACCEPT repris par HELLION, et s’impose comme l’entame la plus enthousiasmante de ce mois de mars 2025.

Ineffables, les trois complices renforcent leurs liens en se laissant aller à une diversité qui leur était déjà coutumière. Sachant pertinemment qu’on aère une pièce de temps en temps pour éviter qu’elle ne sente le renfermé, Erica, Nathan et Jeremy nous proposent des entractes plus médiums, comme ce « Let’s Spill Some Blood », mélancolique à souhait, et drivé par un riff très malin qui s’offre quelques fioritures délicieuses ainsi qu’un break tout à fait incongru sur lequel Erica peut donner de sa voix, l’une des plus puissantes du créneau.

Après une décennie de carrière, nous sommes fiers de continuer à nous engager sur des routes créatives différentes au niveau sonore et musical. Nous espérons que le public comprendra notre sincérité et notre dévouement en écoutant ce nouvel album.

Je l’ai compris, et vous allez le comprendre aussi, puisque tout ça saute aux oreilles comme des puces sur le dos d’un chien. Des puces qui prennent leur temps pour sucer, au rythme du doomy « When the Will Becomes the Chain », clôture infernale d’un disque phénoménal. Osmose, synthèse, partage, plaisir et appétit pour la scène, Heat Lightning est la validation de ces changements que le groupe a effectués. Des changements qui lui ont fait du bien, et permis de rester sur la route sans avoir à se forcer. Essayer pour ne pas stagner est une preuve de créativité. Après tout, ceux qui n’essaient pas ne se trompent qu’une seule fois.

Titres de l’album:

01. Blind Wolf

02. Heat Lightning

03. Above the Law

04. The Fight of Your Life

05. King of Tides

06. Franklin County Line

07. Let’s Spill Some Blood

08. High Threshold for Pain

09. When the Will Becomes the Chain

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