Pauvres Créatures

Decima

03/04/2025

Autoproduction

D’un côté, un film de Yórgos Lánthimos, avec Emma Stone, jouant habilement sur les codes littéraires de Mary Shelley et chantre d’un féminisme fort à propos. De l’autre, un premier album, celui de DECIMA, qui partage donc ce nom pour un résultat tout à fait différent. Ce qu’on sent dès le premier regard posé sur les photos promo. Quatre individus drapés de noir, encapuchonnés, sorte d’archétype de l’image d’Epinal, pour une approche sensiblement différente du tout-venant. Lequel choisir ? Les deux, puisqu’ils partagent cette envie de souligner l’important sans éluder l’anecdotique.

DECIMA vient de la région Rhône-Alpes, se compose de quatre musiciens dont seuls les pseudos sont connus, et a déjà frappé à nos portes les mains chargées d’un premier EP paru en 2019, et baptisé La Grande Oeuvre Humaine. Vaste thématique, puisque l’homme, capable du meilleur comme du pire et du sublime au dérisoire a entaché sa propre histoire d’exactions et de concrétisations, opposant la violence impitoyable au génie créatif. Est-ce le créneau choisi par ce premier long ? N’allons pas jusque-là, mais accordons à cet album des qualités indéniables.

Le groupe lui-même laisse la porte ouverte. Parlant de Blackened Death, de Post Black, DECIMA ne cherche pas la précision à tout prix, et préfère laisser son inspiration dériver de façon naturelle. Et cette confrontation permanente entre brutalité et délicatesse est certainement le point fort d’un disque très court, mais déjà très personnel. On y trouve ces accords mineurs joués sur des cordes sans distorsion, ces cassures soudaines qui dynamisent et rebondissent, et ces contemplations qui rendent « Union », le premier titre dévoilé, aussi intime qu’un journal du même nom enfermé dans le tiroir d’une table de chevet.

Rien n’est inconnu ici. L’attitude, les structures, les enchaînements sont classiques, la voix évidemment râpeuse, la batterie incontrôlable, et la guitare en moulinage permanent. Mais en percutant le Black Metal d’une énergie purement Death, le quatuor s’aménage des espaces conséquents, et peut se permettre de dévoiler des idées très personnelles. On se prend donc de passion pour cette musique âpre, mais qui sait aussi se montrer délicate, et pas seulement sur ses intros.

En se reposant sur la légende française en matière de Metal noir, DECIMA décime, pourfend les rangs serrés, et propose une philosophie qui tient parfois de la vengeance. Impossible de ne pas voir dans les circonvolutions de « Dépendance » une façon d’adapter le classicisme à une rigueur impeccable, sans occulter cette envie de laisser son ADN sur la scène de crime. Un ADN complexe à reconstituer, formé de petites branches disparates, et qui une fois assemblé, donne des images dignes de la littérature fantastique des 19ème et 20èeme siècle.

Cet album est un hommage à Ovide, Mary Shelley et tous les poètes qui ont un jour écrit sur la Création d’une nouvelle humanité et sur sa fin.     

Ovide, poète latin né en 42 avant Jésus-Christ, Mary Shelley, auteure anglaise née le 30 août 1797 à Somers Town, le grand écart est conséquent, et les liens plutôt lâches. Mais la complétude des philosophies et des talents permet de tenir l’équilibre sur un entre-deux mouvant, parfaitement décrit par ces quelques chansons qui ne demandent qu’à être appréciées. Mais Pauvres Créatures ne cherche pas la séduction à tout prix, surtout pas. C’est à vous de faire l’effort de pénétrer les arcanes secrètes d’un style hybride, pour constater l’inévitable : l’humanité s’aménage quelques dernières années avant l’apocalypse, et les meuble avec tout le plaisir qu’on peut encore trouver.

Avant que le rideau ne tombe.

Pour mettre en scène cette première/dernière, le groupe use de tous les subterfuges, mais fait aussi preuve d’une belle emphase qui parfois le confine au Doom le moins sépulcral. Tablant tout autant sur le morbide que sur la mélancolie, se laissant enfin aller sur les premières mesures de « La Destruction », DECIMA a très bien construit son effort, et en ressort grandi.

Garant d’une certaine tradition BM, le groupe propose donc un produit très fini, qui ouvre des perspectives multiples. On peut attendre de DECIMA un magnum opus qui redéfinira les règles du Black Metal moderne, tout autant qu’une carrière humble mais riche. Laissons donc Pauvres Créatures répandre son fiel dans les veines d’une foule perdue dans sa masse. Et constatons les dégâts. 

Mais pas tout de suite.

                                                                         

Titres de l’album:

01. Rêves

02. Création

03. Sentiments

04. Union

05. Dépendance

06. La Destruction


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par mortne2001 le 30/05/2025 à 17:22
82 %    207

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