Pour être tout à fait franc, j’y suis allé à reculons. Ce graphisme sentant bon les années 90 n’avait rien pour inspirer confiance, d’autant que la caution Thrash n’en est plus une depuis longtemps. Mais les choses étant ce qu’elles sont, et le ragoût pouvant attendre, j’ai tenté ma chance au petit bonheur, pour finalement découvrir un gang tout à fait capable, à défaut d’être révolutionnaire. Mais qui peut prétendre l’être en 2025 alors que toutes les saccades ont été striées, et tous les breaks développés ? La question n’appelle pas de réponse, mais en l’état, LEGACY OF PAYNE est tout à fait capable de vous enthousiasmer de sa charge virile et épaisse.

Originaires de Ribatejo, ces cinq musiciens sympathiques (Flavio Guerra - basse, Alexandre Tirapicos - batterie, Paulo Marques & Nuno Romero - guitares et André Bento - chant) se proposent donc de revisiter des lieux communs, sans trop traîner dans les parties communes à la recherche des commodités. Pourtant, celles qu’ils emploient sont d’usage. Gros son, attitude franche, fluctuation entre Heavy vraiment sourd et Thrash à la bourre, pour mieux mettre en exergue un capital technique pas bégueule. En gros comme en détail, une énième version du Thrash à la ricaine avec cette âpreté typiquement européenne.

Spawn Of Creation est le premier de sa lignée, et affiche déjà un sale caractère. Basé sur un principe simple d’alternance, ce longue-durée est plutôt agréable en oreilles, solide, persuasif, pugnace et bien bourre-pif. La voix d’André Bento, grave et graveleuse fait pencher le projet sur le versant Death où il vaut mieux éviter de glisser, mais la complémentarité des deux guitares s’encarte sans ambages dans la tradition la plus fatale. « We Born » est d’ailleurs un indicateur sérieux des transactions à venir, avec son tempo échevelé et sa hargne aux crocs acérés.

Les lusophones ne nous veulent donc que du bien. Sous cette pochette ingrate se cache donc un disque compétitif, qui sait mettre en avant ses arguments sans forcer la main, et même faire preuve d’une légère inventivité dans les arrangements qui pourrait valoir une caution Crossover bienvenue. C’est en tout cas ce que semble exprimer le très syncopé « March Into Damnation », hymne de première catégorie qu’un boucher expérimenté pourrait découper en tranches fines. On sent une base HEATHEN/DEATH ANGEL sur laquelle viennent se greffer des éléments plus violents, et ainsi créer un léger décalage entre la puissance et la lubrification des pignons.

Du groove, de l’intensité, une centrale électrique tournant à bon régime, telles sont les impressions dégagées par un disque qui sent l’investissement à cent pour cent. Cette atmosphère délétère que l’on aime tant lorsque les groupes de Thrash se subliment est bien présente, et nimbe le concept dans une sorte de brouillard des sens que « Skull Crusher » impose de son agencement pour le moins alambiqué. Une petite poussée technique n’aurait pas nui à l’ensemble, mais ne faisons pas la fine bouche. Les ingrédients sont fort bien dosés, et l’acidité du chant renvoie même aux débuts d’ATHEIST, avant que le groupe américain ne fasse la bascule vers un Techno-Thrash/Death culte et précieux.

Car LEGACY OF PAYNE n’oublie pas la mission première de son sous-genre. Jouer vite, fort, en totale confiance, pour produire une chaleur infernale, proportionnelle à la vilénie du sauvage « Gates of Madness ». Mais ces inserts plus purement Heavy, ces mélodies tuées dans l’œuf et cette osmose patente provoquent une variété non négligeable, comme si le quintet affichait plusieurs visages.

La seconde partie est donc la plus fourbe, avec son insistance très vicieuse. On s’englue dans des toiles tissées entre les époques, pour mieux faire la relation entre les années 80 et l’arachnide old-school de la promotion 2020. Impossible de ne pas être fasciné par la virulence d’un « Reign of Death » qui passe en revue toutes les obligations contractuelles, allant même jusqu’à plaquer ce fameux beat chaloupé si bien utilisé par les cadors du Big 4.

Il convenait de soigner sa sortie, et Spawn Of Creation en a bien pris note. « Burn Them Down » sort le lance-flammes et brûle tout aux alentours, d’une position ferme et subtilement diabolique. Le stupre morbide coule par tous les pores, et si le groupe a une maîtresse dans chaque port, ces dernières doivent attendre en tremblant le retour de leur amant. Fougueux et impétueux, il fournit des va-et-vient terribles, cherchant dans la jouissance la catharsis à sa bestialité intérieure.

Il ne faut donc jamais se fier au plumage. Seul le ramage compte, et celui des portugais de LEGACY OF PAYNE vaut largement plus qu’un fromage. Ou alors, un bon.

Titres de l’album

01. Intro

02. We Born

03. Open Neck

04. State of Agression

05. March Into Damnation

06. Skull Crusher

07. Gates of Madness

08. Reign of Death

09. Burn Them Down

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