The Sisters of Mercy + Divine Shade

The Sisters Of Mercy, Divine Shade

6mic, Aix-en-provence (France)

du 17/05/2025 au 17/05/2025

Il y a dix ans, je me demandais encore si un jour dans ma vie je verrai la tête d'affiche de ce soir. Et finalement, c'est la quatrième levée. Après des décennies d'ignorance rancunière et sourcilleuse envers la France, Andrew Eldritch a peu à peu mis de côté son énigmatique grief contre notre pays. Je connais les Sisters of Mercy depuis presque toujours, je n'ai pleinement apprécié cette grande référence qu'à partir de la trentaine mais depuis, mon attachement n'a fait que croître. Peut-être inconsciemment parce que ce que l'ordre religieux dont le nom est emprunté a été créé avec l'aide de mon saint patron selon l'Église catholique et d'un comte de Barcelone à moitié Montpelliérain, ou que j'ai fait mon école à l'emplacement d'un de leurs anciens couvents… Quoiqu'il en soit les précédentes rencontres dans des lieux relativement lointains restent de chers souvenirs, parfois avec d'importantes découvertes. Vous vous rappelez peut-être aussi que la dernière remonte à même pas deux ans, avec sa setlist surprenante mais efficace.

La belle ville d'Aix-en-Provence s'est enfin dotée depuis quelques années d'une SMAC qui manquait vraiment. Nous étions déjà venus il y a deux ans, quasiment au jour près. Vu de loin, on peut se dire que la proximité avec Marseille rendait cet équipement superflu. Au contraire, elle participe à soutenir un peu l'offre musicale indépendante dans une région où c'est difficile d'exister en dehors du Rap, des variétés et de la grande musique classique. L'extérieur du bâtiment conçu par le célèbre architecte Rudy Ricciotti, dépasse à peine au-dessus de l'autoroute qui longe juste derrière, et veut imiter la roche de la Sainte-Victoire qui domine la cité. Mais le résultat fait trop toc, la couleur en grisaille est ratée alors que la pierre de construction est traditionnellement ocre dans la région.


Après avoir fait un peu de tourisme en chemin, me souvenant que le premier parking est sous-dimensionné, je me suis présenté assez tôt pour que le second, dans les cailloux, puisse encore m'accueillir. Si l'intérieur ressemble à toutes les SMAC, avec une cour intérieure, la salle de spectacle est particulièrement grande, surtout que les gradins étaient retirés. Ce n'était donc pas complet malgré une jolie affluence. Il y avait un peu de merch' (assez demandé), pour le public habituel assez typique des Sisters. Comme d'habitude il comptait beaucoup de corbeaux accusant de plus en plus les marques du temps, arborant un t-shirt du groupe, souvent en ménage. Mais aussi des rockers venus en curieux ou en hommage, des métalleux peu dépaysés (plutôt issus du Black) et des jeunes femmes très apprêtées. On saluera l'esprit de provocation du spectateur vêtu aux couleurs de The Mission.


Ironiquement, la première partie était assurée par DIVINE SHADE, que nous avions découverts justement en septembre dernier en ouverture du groupe de Wayne Hussey ! Mais cette fois, les Lyonnais se présentaient en duo : l'un à la guitare et l'autre pour le chant et les programmations, sans batteur live. Il ne fallait pas attendre beaucoup de changements en quelques mois dans leur Electro Rock tirant vers la Pop et une Dark Wave domestiquée, rappelant logiquement NIN, Filter dans les passages les plus lourds, le Depeche Mode des années 90 (mais pas Front 242 comme je l'ai entendu dire à côté). Au-delà de la guitare, le chant assez rauque évoluait souvent vers des cris agressifs avec le micro vocal tenu à distance. Cette partie vocale, parfois en français, était moins raffinée que la partie instrumentale, au moins en live. Embaucher un chanteur ayant une voix plus intéressante permettrait de progresser. À la décharge du chanteur, il doit être compliqué de gérer en même temps les programmations. Et malgré ce, Divine Shade a de vrais atouts : à l'aise sur scène, les deux membres haranguaient volontiers le public, pour une musique qui a des saveurs de mélancolie à fleur de peau. L'un des titres était co-écrit avec Gary Numan, pour lequel ils ont ouvert en Angleterre. Malgré l'absence d'un batteur qui poussait bien la première fois, ils conservent une capacité à varier vraiment le tempo d'un titre à l'autre ; ce qui permit d'emballer progressivement l'assistance notamment avec un morceau bien dansant de bout en bout en avant-dernière position. Le temps de jeu fut plus court qu'avec The Mission, limité à une demi-heure, mais leur aura permis de mieux se faire connaître de certains dans un contexte difficile (il est aussi délicat d'ouvrir pour les Sisters que pour Slayer jadis, pratiquement pour les mêmes raisons).



Bien placé et repu, je ne bougeai pas pendant l'intermède. Il fut aussi long que la première partie et le public cria plusieurs fois son impatience, en vain.



La toile étant enfin levée, l'obscurité se fit enfin dans une acclamation unanime, et THE SISTERS OF MERCY entrèrent en scène avec le traditionnel brouillard qui allait nimber constamment le spectacle. Le set débutait par l'enchaînement de deux titres du dernier album (de 1990…) en medley habituel pour les fans, dans des versions quelque peu réarrangées, puis un premier inédit sur un tempo similaire. Il était déjà évident que nous allions alterner, comme en 2023, entre des morceaux anciens et ces titres récents qui forment la moitié du programme depuis six ans et qu'Andrew Eldritch s'est remis à composer plus régulièrement. En attendant, trois énormes classiques firent grimper définitivement la foule dans la célébration (noire), braillant en chœur le refrain de l'indémodable "Alice" sous le moulinet du fidèle Ben Christo à la première guitare. Il maîtrise le poste à la perfection comme pour le solo de saxophone repris à son instrument pour un somptueux "Dominion".

Pour être sobre, la scénographie est néanmoins pensée afin de dissimuler et brouiller autant que montrer. Au brouillard s'ajoute un éclairage à contre-jour. Andrew Taylor alias Eldritch arpente le plancher pour se tenir de préférence à l'une des extrémités de la scène, à deux pas des coulisses, jamais de dos mais le plus souvent de profil, laissant souvent le centre complètement vide. Ou bien il se plante au milieu d'un spot pour apparaître comme une transfiguration aveuglante, voire expose son visage osseux couvert de lunettes noires dans l'angle de l'un des rares éclairages orientés normalement. Seules de fines potences luminescentes décoraient la scène avec raideur, dans des éclairages monochromes saturés. Jusqu'en concert, toute l'esthétique du groupe dégage un sentiment de mystère fascinant, insaisissable autrement que par fragments éblouissants laissant imaginer bien plus que ce qui est parcimonieusement montré. Comme un messie musical jouant sur le désir. C'est simple mais très maîtrisé, et c'est la clé de l'attachement des fans. Cette attitude incluait toujours sa part de dilettantisme affecté, la star adulée étant vêtue d'un bête marcel noir laissant très bien voir ses poils axillaires dans le contre-éclairage (…) et une cigarette apparaissant entre ses doigts, souvent tendus dans des poses peu mobiles.

Les titres inédits étant disponibles sur les plateformes grâce à certains pirates passionnés, certains fans les connaissent. De plus, le son les rendait impeccablement, avec ces motifs clinquants à la guitare électrique claire, dans le droit fil des plus anciennes compositions du groupe sous un line-up complètement différent il y a plus de quatre décennies. Parfois enrobées par des claviers, assez brèves, épurées, certaines de ces nouveautés sont belles à faire mourir d'envie Gregor Mackintosh ou Johan Edlund, comme "I Will Call You". C'est vraiment un gâchis qu'on se refuse à publier ne serait-ce qu'une compilation live décente de toute cette création accumulée depuis trente-cinq ans !

Les téléphones se levaient volontiers à mesure que l'assistance reconnaissait de nouveaux classiques, généralement plus velus que les autres d'ailleurs, pour maintenir l'esprit de vaste communion et délasser cet état d'âme si spécial procuré par la découverte de ces titres récents sans doute voués à l'oubli à terme, lesquels ne sont pas dénués d'émotion. Si Ben Christo se cantonne à une interprétation relâchée mais parfaite d'un répertoire qu'il pratique depuis longtemps, plus quelques chœurs graves, c'est de l'autre côté que l'on montrait plus de chaleur. Le second guitariste Kai, d'origine Japonaise, habillé de manière féminine (cela m'avait trompé il y a deux ans !), encourageait régulièrement le public par gestes et bougeait pas mal, empruntant par moments une guitare sèche raccordée – sur "Here" par exemple. Sa tessiture haute lui permet aussi de restituer facilement les chœurs féminins de "More", notamment. Eldritch leur montrait de l'affection en leur enlaçant le cou. Au fond, derrière une table nappée d'un treillis de camouflage militaire, il m'a bien semblé que c'était l'ancien guitariste Chris Catalyst revenu maintenant pour gérer les effets synthétiques, la basse programmée et l'infatigable Doktor Avalanche (nom historique de la BAR du groupe). Avec sa calvitie et les lunettes noires de rigueur, on aurait un clone d'Eldritch, dans une attitude immobile assez différente de celle qu'il avait à son précédent poste. Dans l'intervalle, il a joué aussi dans Ghost et Ugly Kid Joe…

Le chant du père Eldritch emprunte toujours ce marmonnement grave, solennel et retenu à léger trémolo, souligné par une réverbération en accord avec celle des guitares, qui parvient à communiquer des émotions nuancées. Naturellement, il n'intervint pratiquement pas entre les titres, ceux-ci étant de toute façon enchaînés de manière très serrée pour maintenir sans interruption le charme sur la masse des fidèles conquis. On ne s'étonne même plus de ce choix de servir en cascade beaucoup de titres dans des versions raccourcies distinctes des versions originales souvent plus délayées. Ce chapelet rapide d'émotions crée un sentiment d'intensité qui fait la saveur particulière de ces concerts pour le fan du groupe. Dans la foulée d'une dernière triplette d'inédits obéissant à l'alternance entre riffs et passages tintinnabulants sur des tempos parfois assez enlevés, nous prîmes dans la face un "Temple of Love" très costaud qui emmena certaines dans l'hystérie, avec les chœurs assurés avec autorité par Kai. Les quatre Sœurs se retirèrent sous les vociférations d'une foule heureuse. L'attente fut assez longue mais presque tout le monde savait que le rappel était compris.

Il commença par un moment de grâce : l'exhumation de ce "Never Land" envoûtant, minimal et tristement rêveur, titre le plus apaisé de tout le show qui imposait un sentiment de saisissement recueilli assez exceptionnel. Nous restâmes jusqu'au final sur le deuxième album, avec le déchaînement général provoqué par "Lucretia" dont la mythique ligne de basse était trop discrète dans le mix malgré l'introduction ménagée pour favoriser la montée de tension et l'ensemble des paroles reprises en chœur par la salle. Enfin le mordant "This Corrosion" vint une fois encore clore le set, en version raccourcie, comme un inlassable manifeste contre ce pauvre Hussey et une certaine conception de la musique.


Dr Jeep – Detonation Boulevard/ Don't Drive on Ice/ Ribbons/ Alice/ Dominion – Mother Russia/ Summer/ I Will Call You/ Marian/ Quantum Baby/ Eyes of Caligula/ More/ But Genevieve/ I Was Wrong/ Here/ When I'm on Fire/ On the Beach/ Temple of Love

Never Land/ Lucretia My Reflection/ This Corrosion


Après un salut sous la pleine lumière (!?!), le quartet laissa les roadies distribuer les setlists et les mediators pendant qu'ils rangeaient. En sortant nous retrouvions quelques connaissances, avec lesquelles nous avons pris le temps de redescendre de ces quatre-vingt minutes de grand bonheur dans la pénombre. Cela ne m'a pas empêché de me paumer pitoyablement pour regagner l'hôtel. Et pourtant je croyais connaître. Les prochains concerts ne me feront pas courir ce risque.


par RBD le 21/05/2025 à 12:02
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