C’est bien simple : s’il n’y avait pas ce logo et ce titre d’album qui attestent du caractère contemporain de cette réalisation, on s’y croirait. Un dessin un peu gauche à l’iconographie occulte, une mort en image d’Epinal, l’inévitable pentagramme, et les tonalités jaunes et roses qui ne sont pas sans rappeler le premier EXCEL. Le décor est planté par les finlandais de CONJUR, qui s’affirment comme un groupe de Brutal Thrash. Sans aller jusqu’aux extrêmes, ce premier album est corsé, lié à la mouvance Crossover la plus crue, et nous trimbale de New-York à Venice, sans bouger un orteil de son Helsinki natal.

Thrash old-school, old-school Thrash, on commence à s’y perdre, comme si le style était resté bloqué en 1987/1988 sans que personne n’y trouve à redire. Or, le propre d’un sous-genre est de pouvoir évoluer comme bon lui semble pour s’adapter aux époques. Mais ces quatre finlandais n’ont cure d’une quelconque évolution, préférant laisser le chaos baigner dans son jus.

Eero Karila (basse), Taavi Nätynki (batterie), Veikka Lassila (guitare) et Jami Mustola (guitare/chant) sont bien loin des sommets de bestialité qu’ils décrivent comme étant leur univers. Leur Metal est certes bouillant, et réchaufferait une nonagénaire malienne exilée en territoire Inuit, mais il reste raisonnable en décibels, et surtout, garant de cette étique Punk et Hardcore que certains groupes californiens imposaient à travers leur œuvre. On se basera donc sur cette cadence raisonnable et sur cette basse brillante et claquante pour affilier le quatuor du nord à un Thrash mesuré, certes exubérant dans les refrains, mais totalement maitrisé sur les couplets. Et comme les soli se montrent sous un jour aguicheur, l’option bordélique est rapidement mise de côté.

Concentrons-nous plutôt sur les plans. Il y en a un certain nombre, non négligeable, les finlandais adoptant parfois des postures progressives pour souligner leurs ambitions. Et nul besoin d’aller taquiner gratuitement le chronomètre comme les grands-frères de METALLICA, puisqu’en moins de quatre minutes, CONJUR expose plus de théories que la concurrence. On se délectera donc de ce « Punishment », pugnace et définitif, qui change de cap comme Scott Ian de « not », mais on s’inclinera surtout aux pieds de l’imparable et syncopé « Omens Of Death » qui chipe à Dave Mustaine ses saccades si personnelles pour danser sur des charbons ardents. Doués dans l’imitation, les musiciens citent sans vergogne, mais en ayant la délicatesse de vraiment s’approprier les gimmicks. C’est une raison qui en vaut une autre, mais qui permet à You’re Next… de se montrer vraiment intéressant à défaut d’être novateur.

« Omens Of Death » est la preuve incontestable que CONJUR a parfaitement digéré ses influences. En s’éloignant légèrement du Hardcore métallique, il travaille son fond pour imposer des mélodies symptomatiques des agresseurs les plus doués, les TESTAMENT, SUICIDAL, et autres acteurs de la scène qui ont rapidement compris qu’une grosse mandale suivie de coups de pied hystériques ne vous permettaient pas de garder l’attention. Sur ces cinq minutes, elle est happée par un enchaînement de riffs malins, qui se perdent dans une harmonie amère avant que le thème principal ne revienne s’imposer. De l’excellent travail, qui plaira tout autant aux gros bourrins qu’aux amateurs de mets plus fins.

Autre exemple d’envergure, le final « Scorched Earth », qui déboule en acoustique avant de s’installer confortablement pour sept minutes de déroulé olympique. Ce feeling Punk qu’on retrouvait chez DETENTE ou SACRILEGE et qu’ENFORCED a adopté comme crédo propulse cette grosse machine, et permet à la chaine de production de rouler à fond. C’est d’ailleurs dans ces moments d’emphase et d’insistance que les finlandais sont à leur meilleur, même si quelques saillies plus fulgurantes montrent aussi un visage séduisant.

L’entame « Rathole » en fait partie, et combine l’ouverture légère d’un LAAZ ROCKIT et la crasse d’un WARFARE, pour un pas de deux agité et enragé. Une science des chœurs exacte permet de décrocher la timbale Crossover sans avoir à forcer, et cette production étonnamment nette qui met la basse en avant sont deux des plus gros atouts de ce collectif qui connaît bien son boulot.

De l’autre côté du spectre, on tombe sur des envies plus médium, qu’un binaire en mid soutient de son groove. « Rite Of Immortality » renoue donc avec l’intuition MEGADETH, avant de partir en vrille comme un Dan Lilker débauché et profitant de son temps libre.

Beaucoup d’énergie donc, un guitariste/chanteur convaincant, au timbre rauque et aux accents qui gratouillent, une section rythmique un minimum imaginative, et une belle collection de licks qui s’imbriquent comme les pièces d’un puzzle californien.

Je vous en CONJUR ?

Mais de quoi ? Simple. D’écouter cet album et de l’apprécier pour ce qu’il est, à savoir une belle carte de visite distribuée entre initiés et qui découlera sur des concerts enflammés. Un nouveau représentant du froid est né, accueillons-le comme il se doit. Mais prévoyez des t-shirts et des jeans slim plutôt que des langes. Le bébé est déjà gros et grand.  

Titres de l’album

01. Rathole

02. You’re Next

03. Punishment

04. Omens Of Death

05. Rite Of Immortality

06. Law Of Silence

07. Scorched Earth

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