L’histoire du loup travesti en agneau, on connaît, on n’en rappellera pas le principe. Un gros vilain qui se fait passer pour un saint, une triste enflure travestie en empathe, un petit grain qui s’avère terrible tempête. Le scénario est assez simple, et s’applique parfois dans le domaine de la musique, lorsqu’un groupe surgi de nulle part se présente sous des auspices sympathiques avant de révéler sa vraie nature. Et en découvrant le minois souriant du trio US WASTED ETERNITIES et leur majeur malicieusement tendu, on ne peut que se dire que leur Thrash va être fluide, velu, avec cette petite touche second degré que les mosheurs aiment tant.
Mais dans les faits, WASTED ETERNITIES est un vrai méchant. Une association de malfaiteurs qui manient les décibels comme CNews fouille les poubelles, avec habileté, générosité, et cette envie d’en déterrer les déchets les plus dangereux pour la santé morale ou physique. Fondé à Inglewood, Californie il y a sept ans, ce trio pas vraiment farceur (David Monroy - basse, Abdi Corado - batterie et Alejandro Rodriguez - guitare/chant) est introduit sur les sites référentiels comme une nouvelle sensation Thrash. Mais à l’image des insurpassables ENFORCED, les trois sagouins proposent une version très personnelle de la Bay-Area, région fertile qu’ils confrontent à la rudesse new-yorkaise, ou même à la vilénie ambiante de Portland.
Du gras donc, et bien saturé. Les tranches qui vous attendent sont épaisses, et leur potentiel de satiété énorme. Loin d’une simple allusion au Big 4 ou à tout autre outsider respecté et idolâtré, No Way Out s’ingénie à mériter son titre à chaque incarnation, rendant son tracklisting imperfectible et salement sauvage. Pour en être convaincu, il suffit de se jouer le terrifiant « Blind Faith », qui s’il n’est pas construit sur le même moule que son homonyme de chez KREATOR, fait la part belle à un Crossover démoniaque à l’ammoniaque. La production, bien compacte et dense accentue cette impression d’agression permanente à la limite de la paranoïa, créant de fait un décalage avec les options d’origine. Alors, WASTED ETERNITIES est-il vraiment un groupe de Thrash ou tout autre chose ?
On s’en fout.
Ce qui compte, c’est la qualité du travail proposé, et surtout, sa variété. Jamais deux fois la même approche semble être le leitmotiv de ces trois californiens bon teint, qui divergent parfois sur des chemins alternatifs et réminiscents de la vague nineties. Un peu grungy sur les bords, ce Metal est avant tout performant, et surprenant, lorsque l’amertume de « disc13 » vient caresser notre petit cœur blessé.
Produit amateur plein de bon sens et de hargne qui sent l’essence, No Way Out est un drôle d’album qui ne se catégorise pas facilement. On est tenté de le ranger sur les étagères du Hardcore métallique, avant de se raviser et d’y voir un aménagement SUICIDAL TENDENCIES plus brut, et plus brute. La comparaison a lieu d’être, eu égard à la hargne de « SOS » qui balance du riff comme on jette des appâts dans l’étang, pour attraper le plus de poissons possibles.
Rythmiquement imparable, musicalement peu aimable, WASTED ETERNITIES ne sera sans doute pas éternel, mais peut tabler sur un avenir assez envié. Cette façon de détourner les codes pour sonner plus sombre et vilain que ses copains est un atout de taille lorsqu’on se positionne sur l’échiquier old-school, et avec quelques pointes de vitesse qui font plaisir, No Way Out convainc sans avoir à forcer. « Egotrip », bourre-pif monstrueux qui laisse le nez explosé et les lèvres fendues est un exemple parmi tant d’autres des capacités de ces sagouins qui ne respectent donc rien.
Café tassé, prune non distillée, alcool à brûler, Red Bull par palettes entières, les parallèles et autres métaphores ne manquent pas, mais tout n’est pas destiné à bousculer sur cet album. C’est ce qui le rend unique et attachant, lorsque le final « Cruel Sun » garde le cap sur cette transition opérée par METALLICA entre Kill Em’All et Ride The Lightning.
Avec des saluts de la main adressés au COC le plus ombrageux, WASTED ETERNITIES brouille pas mal de pistes, et se pose comme découverte intrigante. Se faire remarquer par sa personnalité et son originalité naturelle étant la meilleure façon de passer la tête au-dessus de la horde, on peut espérer que les californiens vont être suivis à la hauteur de leur talent.
Titres de l’album
01. Snake Eyes
02. No Way Out
03. Trust The Traitor
04. Blind Faith
05. disc13
06. SOS
07. Egotrip
08. Cruel Sun
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