Au classement des noms les plus improbables et incongrus, les chiliens de SE ARMO LA GORDA devraient intégrer le top 10 sans trop de difficulté. Qu’est-ce qui peut pousser des musiciens à se baptiser la grosse prend les armes ? Un désir de se faire remarquer à moindre frais ? Un humour décalé ? Autre chose ? Une véritable signification que seul le groupe pourrait nous expliquer ? Je n’en saurai pas plus que vous, mais après tout, quelle importance ? Le seul point crucial de cette sortie est justement sa qualité dans un registre fort encombré et qui depuis les années 80 joue le proverbial jeu du chien dans celui des quilles, piquant au Hardcore de quoi rembourser le Metal, et inversement. Le Crossover est donc toi toi mon toit ici, et cette pauvre dame en surpoids est peut-être chargée de le défendre contre vents et marée.

Ou contre un trop grand sérieux, absolument pas de circonstance.

SE ARMO LA GORDA vient du Chili et est à peu près aussi épicé que son pays. Fondé depuis plus d’une décennie du côté de Viña del Mar, ce quatuor n’avait pas encore donné matière à réflexion sur ses inflexions, autrement que par deux maquettes lâchées en 2013 et 2025. Difficile donc de se faire une opinion avant de croiser la route de ce premier long, formel, attachant, sans ombrelle mais avec la sueur collant au t-shirt.

Il est inutile de nier le côté ibère de toute cette affaire. On sent l’exubérance du soleil à la moindre intervention, et si le Thrash de ce petits excités (Pancho Carcinomatoide - chant/textes, Mauricio Plasma - guitare/chœurs, Enzo Mutante - basse et Elsa Podiondo - batterie) n’est pas des plus originaux, son énergie intarissable lui permet de se faire une petite place dans l’actualité.

Comme un taco rempli de substances toutes plus hot les unes que les autres, Guatones Moshers célèbre le culte de Scott « not » Ian et Billy Milano, en pointant du doigt les arguments les plus ventripotents d’un genre popularisé à New-York avant d’être propagé sur toute la Californie. Le Chili adopte donc le costume de Venice, mais développe des arguments personnels très stimulants. La grosse basse incontournable, les riffs les plus agités, et surtout, ce chant totalement improbable aux « r » roulés l’écume aux lèvres nous plongent dans le marasme d’un monde violent, mais qui sait s’accorder une pause avant de déprimer de nouveau.

« Anarko » est à ce titre l’hymne attendu d’un album couru. La rythmique compétitive, le phrasé agressif et cette pugnacité qui le confine à la rage montent la température à des degrés très respectables, en hommage à toute cette scène des années 1985/1988 durant lesquelles le Hardcore louchait sur le Metal et l’inverse, les deux publics fréquentant soudainement les mêmes salles, indépendamment des querelles de clocher.  

Une affiche au CBGB’s aurait pu proposer ces marsouins en entrée. De qui, je ne saurais dire, mais cet amalgame copieux aurait fait le bonheur d’un public un vendredi soir pluvieux. J’imagine sans peine l’enthousiasme des gus en hurlant à plein poumons « Fuck ‘Em All », concentré de Kill Em’All passé en quarante-cinq tours et braillé par la bande à Mike Muir.

En mode AGNOSTIC FRONT hispanique, « Hardcore Egocéntrico » monte la cadence, mais évite soigneusement les galères du Thrashcore, trop épidermique pour vraiment filer la trique. Guatones Moshers est suffisamment caliente comme ça sans avoir à en rajouter, et si la redondance du machin finit parfois par tester les limites de notre patience, il est globalement entraînant, marrant, hystérique et même dément par moments. « Retroadicción », up tempo radioactif nous brûle les chairs, alors que « Thermonuclear Palta Mayo » aborde le sujet des explosions maousses pour nous coller une bonne secousse.

Toute cette affaire est donc joyeuse et démonstrative. Mais surtout, groovy et effective. « Comprar Metal Sale Caro », totalement WTF abandonne toute narration logique, en attendant que « El Thrash No Se Inventó En Quilpué » n’explose toute convenance de son indécence et de sa rythmique en chien de faïence. Les morceaux d’anthologie sont donc nombreux, et si un peu plus de concision n’aurait fait de mal à personne, on reste sur une bonne impression, d’autant que le quatuor se lâche sur une reprise de SIGMA en guise de final.

SE ARMO LA GORDA a j’en conviens un nom étrange, mais qui s’accorde d’une musique qui m’arrange. Les chiliens ont abordé la problématique sous son angle le plus heureux et débridé, et proposent une poignée de morceaux bien agités, comme si le bocal n’arrêtait pas de trembler. Méfiez-vous toutefois de la dame en surpoids. Ses pétoires ne sont pas chargées à blanc, et elle non plus. 

Titres de l’album

01. Marcha Mutante (Intro)

02. La Gorda Mosh

03. Thermonuclear Palta Mayo

04. The Accumator

05. Anarko

06. Se Armó La Gorda

07. Fuck ‘Em All

08. Hardcore Egocéntrico

09. Retroadicción

10. Comprar Metal Sale Caro

11. El Thrash No Se Inventó En Quilpué

12. P.V.C. (SIGMA Cover)

Bandcamp officiel