L’Italie, parent pauvre du Metal dans les années 80, au même titre que la France, à salement rattrapé son retard en termes d’inspiration depuis une dizaine d’années. A tel point que les groupes locaux font aujourd’hui figure de chefs de file de mouvances qu’il est relativement ardu d’identifier…
Fini les copier/coller et autres succédanés de succès Européens et Américains, l’heure est à la création nationale, et le talent dont font preuve nos amis musiciens transalpins est tout simplement bluffant. Une nouvelle évidence nous en est donnée aujourd’hui via le second LP des originaires de Viareggio, BUIOINGOLA, qui avec Il Nuovo Mare mélangent tellement de courants différents qu’ils parviennent à nous noyer dans un nouvel océan, pas encore décelable sur les cartes musicales classiques.
Cet album fait suite à l’introductif et intrigant Dopo L’Apnea, paru en 2013, qui versait déjà les cendres du conformisme dans une mer d’originalité instrumentale, et pousse le concept de l’inconnu encore plus loin, nous laissant dériver sur un radeau de la Méduse extrême qui nous mène sur des rivages inconnus, peuplés de créatures étranges, rêvant en monochrome d’une mort certaine, qui pourtant nous font sentir plus vivant que jamais.
Dans les faits, et selon l’argumentaire de son label Sentient Ruin, le trio Italien (Diego Chuhan – guitare/chant, Thomas Gianardi – batterie et samples, Omar Bovenzi – basse/chant) pratique un genre d’amalgame entre Néo Crust acide, Darkcore ombrageux et Post BM nuageux, et il faut admettre que ces indices sont les bons, et qu’ils mènent sur une piste de Post Metal ténébreux qui n’a que très peu d’équivalent sur la scène Européenne actuelle.
Si Dopo L’Apnea privilégiait parfois les longues ambiances délétères (on se souvient d’un traumatique « Oceano » qui déboitait le quart d’heure sans complexes), Il Nuovo Mare adapte son optique et son format, sans pour autant modifier sa philosophie de base.
Les fondements sont toujours les mêmes, de longs passages contemplatifs et sombres, de soudaines et fulgurantes montées de violence et une orchestration dramatique qui transforment cet album en progression opératique effrayante, dont le libretto est maculé d’images saisissantes, de paysages désolés, et de grandes étendues aquatiques vertigineuses.
En substance, et pour être prosaïque, la musique distillée sur les sept interventions de ce second album évolue comme les scènes d’un film pour les oreilles qui nous entraîne dans un monde onirique pas vraiment rassurant, mais captivant de pessimisme et enterrant les dérives artistiques de la renaissance Italienne sous une chape de plomb d’eau dont on ne s’extirpe qu’au prix d’un essoufflement presque fatal.
On trouve sur ce disque de quoi alimenter nos fantasmes suicidaires les plus sombres. Mise en abime d’éléments Post Punk rigides et froids comme le corps d’un noyé repêché sur la grève (« Attesa », à la limite d’un Dark Ambient vraiment terrifiant, suggérant une hybridation entre la folie schizophrénique des VIRGIN PRUNES et un LUSTMORD plus volontiers obsédé par les grandes étendues marines que par l’espace ou les cavernes), adaptation libre d’un Darkwave rugueux aux impératifs d’un Post BM vraiment viscéral (« Polvere »), Crust impitoyable noyé dans un maelstrom d’idées Black comme autant d’écueils susceptibles de fissurer la coque du navire de fortune («Latenza », pas vraiment de latences mais une polyrythmie épuisante qui se coupe les croches sur des riffs acides et un chant de sirène), ou inclinaisons Doom/Sludge écrasantes comme un soleil noir ne réchauffant pas un hiver de désespoir («Eclisse »).
Pas de longue homélie cette fois-ci, mais une succession d’idées en format court ou médian formant un tout aussi violent que troublant, comme une tempête déchainant les éléments pour mieux provoquer le silence.
Les BUIOINGOLA n’ont pourtant pas choisi la voie la plus facile pour parvenir à leurs fins. Les fans d’extrême risquent d’être déstabilisés par cet ouragan d’influences qui se télescopent dans des courants ascendants et descendants, et dont certaines ne font clairement pas partie de la galaxie Metal.
Ainsi, « Silencio » évoque plus volontiers la vague Darkwave/Post Punk des 80’s, avec quelques citations obscures et autres clins d’œil au CURE le plus nihiliste, aux JESUS AND MARY CHAIN, et même aux SISTERS OF MERCY les plus ombrageux, ce qui risque de faire se hérisser quelques poils de froid. Mais avec un peu d’ouverture d’esprit, il n’est pas difficile de concevoir que Il Nuovo Mare se veut justement point de liaison entre ces vagues glacées d’il y a trente ans, et la lame de fond Post Black du vingt-et-unième siècle, comme un pont chancelant qui menace de s’écrouler sous chacun de vos pas.
Ce deuxième effort se termine même dans des murmures soutenus par des cordes électriques pas vraiment caressantes, mais symbolisant un petit ilot d’harmonies qui peuvent se concevoir comme une oasis de terre perdue en pleine mer de doutes.
Puzzle étrange, aux pièces de taille raisonnable, Il Nuovo Mare s’autorise quand même une digression plus ample, incarnée par le fulgurant et insondable « Irriconoscibile », qui synthétise les terreurs nocturnes de TERRA TENEBROSA et les colères diurnes de WOLVES IN THE THRONE ROOM, usant sans abuser d’arrangements percutants et sifflants, et de thèmes abrasifs venant rompre la fausse tranquillité de surface.
Difficile d’accès, veillant jalousement sur ses mystères marins, BUIOINGOLA continue son travail d’exploration multiple et accumulant les références, tout en affinant son style personnel qui devient facilement reconnaissable de son refus des convenances.
En se frottant aux limites de la Darkwave, du Darkcore, du Crust lunaire et des cycles de vie/mort du Post Black le plus libre, le trio Italien parvient à créer une nouvelle mouvance, assez tétanisante, mais cathartique pour peu que l’affrontement de vos peurs les plus intimes ne soit pas un combat perdu d’avance.
Mais en attendant une analyse définitive qui ne viendra sans doute jamais, Il Nuovo Mare se pose en nouvelle pierre jetée à la mer de l’audace instrumentale Italienne, qui n’en finit plus de nous ensevelir sous les vagues de sa frondeur.
Titres de l'album:
Pour moi, par ordre décroissant préférentiel, ce sera :Massacra - Enjoy the ViolenceMercyless - Abject OfferingsLoudblast - Disincarnate
23/04/2025, 12:56
Allez, mon top 3 français des années 90: Massacra - Signs of the Decline Mercyless - Abject OfferingsLoudblast - Sublime Dementia
23/04/2025, 08:42
Je rajoute une couche avec l'album d'Anialator sorti en fin d'année dernière. Je l'ai beaucoup écouté et l'écoute encore avec plaisir.
22/04/2025, 19:35
Plus fan de Massacra que de Loudblast perso, même si je possède les deux premiers albums du groupe.
22/04/2025, 19:34
De mon côté j'ai toujours eu du respect pour le groupe même si ce n'est pas ma génération, je n'étais pas né quand ils se lançaient... Donc ils ne m'ont pas marqué comme ils ont pu le faire avec leurs fans de la prem(...)
22/04/2025, 17:35
Pour moi Loudblast, ce sont des suiveurs avec un bon train de retard sur ce qui se fait à chaque époque et Clearcut fait partie de cela... Bref, je ne suis pas très client de leurs albums, on m'avait chanté les louanges de Burial Ground, je me suis ennuyé..(...)
22/04/2025, 16:04
@RBD : ton dernier paragraphe est plein de vérité. Quant au pseudo DPD je préfère le laisser croire ce qu'il veut. Vu comment il écrit, il a pas dû encore sortir de l'école. J'encourage néanmoins les thr(...)
22/04/2025, 13:35
@Tourista : tu t'es trompé, la news sur les 40 ans de Loublast, c'est plus haut
21/04/2025, 20:53
Le Metal est parfois sur le fil du rasoir de la beauferie... Voire tombe carrément dedans.
21/04/2025, 11:45
Vidéo vue, merci.De mon côté, je préfère le son de Sublime à celui de Disincarnate et c'est aussi le style de death que j'affectionne. Bien lourd, posé et mid tempo tout en étant agressif. Par exemple, c'est pour cela qu(...)
20/04/2025, 18:02
Comme je le dis dans la vidéo, leur sommet c'est Desincarnate. Puis The Burial Ground. Je suis moins fan de Sublime.
20/04/2025, 14:08
Pour moi Loudblast c'est surtout Sublime Dementia et Cross the Threshold. (Quand à la vidéo je ne manquerai pas de la regarder ce soir).
20/04/2025, 12:45
Si je comprends, cette charge allait contre cette part non négligeable du public Metal qui reste bloquée aux groupes de leur jeunesse mais ont cessé de se tenir au courant dès qu'ils ont reçu des responsabilités (premier travail, première rela(...)
19/04/2025, 14:36
J'écrit comme un enfant de 5 ans ici et je dois encore ajouter des précisions, imagine le truc, peut-être que l'Ehpad c'est metalnews au final. Combien de personnes postent depuis leur lit de mort ici ?Le metal généraliste c'est d&eacut(...)
19/04/2025, 09:13
J'ai pas tenu 30 s...J'imagine qu'ils seront sur la mainstage au HELLFEST en juin prochain non ?
19/04/2025, 08:38