Si la vengeance est un plat qui se mange froid, la revanche est un mets qui se déguste chaud. Voire très chaud. De ces goulées qui vous brûlent la gorge comme des piments de l’enfer, et que des litres d’eau ne suffisent pas à éteindre. Les colombiens de REVENGE l’ont bien compris. Eux qui depuis 2002 arpentent les scènes internationales pour propager la bonne parole d’un Metal agressif et mordant, nostalgique à outrance, mais toujours méchant et mélodique à la fois. Le quatuor de Medellin aborde en 2025 son virage le plus crucial, via un dixième album censé célébrer une domination nationale sans partage. Le fait est, et malgré des accents déjà connus, que Night Danger est l’un des hauts-faits Heavy de cette première moitié d’année.

Enregistré, arrangé, mixé et masterisé par Andrés Valencia Ríos au studio Ritual H. de Medellin, Night Danger est un petit bijou de vitesse et de passion. Si le passé des colombiens est largement assez riche pour qu’on les cerne sans difficulté, ce dixième chapitre d’une saga épouvantée n’en reste pas moins une plutôt bonne surprise, de par ses riffs francs et ludiques, et sa rythmique infatigable en mode je ne ralentis que lorsque je m’approche trop près du ravin.

Ravin, RAVEN, c’est facile, mais les frères Gallagher pourraient se sentir honorés par ce message musical limpide, eux qui ont souvent fricoté avec les liens unissant le Heavy et le Speed. Le célèbre trio n’est certainement pas la seule inspiration du quatuor formé par Esteban "Hellfire" Mejía (guitare/chant), Hell Avenger (batterie), Night Crawler (guitare) et Camilo Hernandez (basse), mais il a beaucoup compté, tout comme l’écurie Mausoleum, ou le Canada d’EXCITER et consorts.

Toujours prompt à dégainer le premier, REVENGE continue donc son petit bonhomme de chemin, qui le rapproche à chaque étape d’une certaine forme de perfection dans l’imitation. La limitation à l’inverse, n’est pas prise en compte : les hymnes doivent fumer des pneus, présenter des chromes polis, et un moteur précis dans les tours. C’est en tout cas ce que nous apprennent les deux premiers morceaux de ce nouveau disque, « Black Sight » et « Night Danger », qui en dix minutes exposent les faits : de la brutalité sympathique, de la vilénie tendre et typique, et une envie de jouer un Metal non édulcoré. Bien sûr, le tout est aussi classique que la deux-millième incarnation live de « Heavy Metal Maniac », aussi couru que la hype qui précède toujours chaque nouvelle entrée dans le dictionnaire du passé, mais l’investissement total incarné par le dément et puissant « The Hammers Fall » excuse bien des facilités.

Les garçons dans le vent nous déroulent encore une fois leur tapis rouge sang, en profitant d’un équilibre sonore parfait. Nul n’est lésé, et les parts égales. On peut même percevoir la basse, alors même qu’elle se contente de doubler les parties de guitares, ce qui en dit long sur la précision de ce mixage. Et si pour apprécier ce sympathique barouf, il vaut mieux mettre ses principes de côté, l’aspect Speedy Gonzales de l’affaire la rend plus attachante et ébouriffante. Le Speed est donc roi, et le Heavy lui vient en soutien de toute sa foi. « Soldier’s Heart » s’acharne à conserver le même nombre de BPM, avec toujours en relief ces deux guitares à l’allemande en arrière-plan, qui paient leur dime à DESTRUCTION, celui des deux premiers albums. C’est frais, c’est dispo, ça recycle à fond la peau, mais c’est revitalisant et enthousiasmant. C’est en gros un exercice de style comme on en note une bonne dizaine par semaine, le stylo ferme et l’appréciation sans complaisance. Mais dans ce créneau de plus en plus exigeant, les REVENGE occupent sans peine le haut du classement.

On se dit une fois la moitié de l’album avalée que le rythme va se poser. Forcément. Obligatoirement. Surement ? Mais il n’en est rien, et le quatuor garde le pied au plancher, quitte à donner à ce go-fast des allures de train d’enfer sur une autoroute impaire. Il est tout à fait justifié de considérer ça comme de la constance un peu forcée, et surtout, de regretter l’absence d’un morceau un tantinet différent pour que le paysage change des éoliennes et des rambardes d’acier.

C’est un parti-pris, que le groupe a choisi, et il n’y a pas grand-chose à y faire. La marchandise, quelle qu’elle soit doit-être livrée aux petites heures du matin, alors pas question de freiner ou de s’arrêter. La distance doit être parcourue le plus vite possible, et « Desire from Pain » en rajoute une couche en sollicitant le turbo. L’affaire est donc rondement menée…et même un peu trop. On se retrouve coincé dans cette quadrature du cercle qui n’offre aucune solution probante, et la lassitude finit par cogner comme une damnée à la vitre de la portière côté passager.

On pourra toujours pointer du doigt la conclusion probante de « Crushing Death », qui décélère et s’empiffre de Heavy, et qui arrive juste à temps pour que le jugement soit plus clément. Mais est-ce suffisant ?

REVENGE cherche à se venger de quoi finalement ? Du manque de jus du moteur old-school ? De la disparition corps et âme de la vague Speed des années 80 ? De l’assimilation un peu trop systématique de l’Amérique du Sud à un chaos barbare et sans réel essence ? Aucune idée, mais ce coup de poing souligné d’un balayage est tout de même un poil prévisible.

Plus d’un poil d’ailleurs. Des poils. Des cheveux. Une perruque.

Titres de l’album :

01. Black Sight

02. Night Danger

03. The Hammers Fall

04. Soldier’s Heart

05. Misty Night

06. The Devil Race

07. Desire from Pain

08. Crushing Death

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