Découverte intéressante de notre label chéri Les Acteurs de l’Ombre, qui avec RÜYYN sort un peu des sentiers battus, tout en restant sur sa chasse gardée. Hors des sentiers battus puisque ce groupe est encore jeune, et qu’il n’est pas vraiment un groupe, mais plutôt un one-man-band qui donne l’illusion de l’être. Chasse gardée puisque le projet évolue évidemment dans la sphère BM classique, l’enclos de prédilection de Gérald.
RÜYYN est donc le projet pas si fou de Romain Paulet, ex-ERASED MEMORY, qui s’est lancé à bras raccourcis dans le lyrisme d’un Black Metal pluriel, s’occupant de toutes les étapes de composition, d’interprétation et de production. On peut immédiatement le louer pour le travail accompli, énorme, puisque rappelons-le, ce projet était d’abord sorti à compte d’auteur avant d’être récupéré au passage par la maison de disques nationale. Et c’est une belle affaire pour Gérald, tant on sent que le concept a un potentiel énorme, qu’il développe déjà en partie sur les cinq morceaux de ce premier EP éponyme.
Décoré d’un sublime artwork signé Joanna Maeyens (HANTERNOZ, PASSEISME, PAYSAGE D’HIVER), minimaliste et hivernal et qui situe bien le contexte glacial ce cette musique certes classique, mais terriblement efficace, Rüyyn est déjà une sacrée étape franchie par le musicien français, qui oppose son professionnalisme et son talent à sa jeune expérience. Digne d’une sortie internationale de grande envergure, cet EP est d’une maîtrise rare, d’une beauté formelle et d’une violence froide, reprenant à son compte divers éléments du Black atmosphérique, du Black nordique le plus violent, et du BM français, aventureux et ambiancé. Adepte d’une approche fondamentale mais évolutive, Romain nous présente donc l’une de ses facettes sans dévoiler sa personnalité, et cette pudeur extrême a quelque chose d’intrigant dans les faits, spécialement lorsque le tempo décélère pour permettre à l’auditeur de se plonger dans un monde hivernal sombre et pourtant immaculé.
Ce monde est d’ailleurs décrit avec force détails dans le premier chapitre de ce voyage, aux étapes sobrement baptisées de chiffres romains. « I » et ses plus de neuf minutes d’introduction est la meilleure pour tenter de percer le mystère RÜYYN, projet éminemment traditionnel, et pourtant très personnel. En choisissant d’aborder toutes les thématiques du genre auquel il fait allusion, Romain Paulet synthétise des décennies de violence pour en régurgiter un feuillet plus efficace que bien des discours. Et ce « I » dévoile plusieurs facettes du musicien/compositeur, son appétit pour une brutalité sourde et presque clinique, son inclinaison à intégrer des mélodies en congères dans une structure figée, et son envie d’exploration d’un univers pas tout à fait fermé qui cache encore bien des recoins sombres.
Si la production trahit dès les premières secondes le soin apporté par l’auteur à l’enrobage, avec ces guitares effilées, cette rythmique sèche et ce chant impeccablement mixé entre les deux, Romain prend son temps pour dévoiler ses secrets, et ne lève qu’une partie du voile qui nimbe son « groupe » dans une aura de mystère. On comprend assez vite que l’homme a une affection prononcée pour la vitesse, eu égard à ces blasts conséquents et permanents qui bousculent l’auditeur, mais on comprend aussi que cette bestialité froide d’avant-plan peut s’exprimer d’une autre façon que cette succession d’idées supersoniques.
Ce que le créateur exprime de façon assez poussée sur « II », qui se rapproche du BATHORY période Viking. La lancinance, cette guitare linéaire qui appuie le même lick pendant de longues minutes, cette puissance majestueuse qui émane des mélodies en filigrane, tous les éléments sont en place pour démontrer que le jeune musicien a tout compris aux bases, et qu’il souhaite y broder sa propre œuvre.
Assez proche de la scène française de l’orée des années 2000, et pourtant bien de son temps, RÜYYN n’a cure des étiquettes, et si sa musique garde cette marque indélébile du classicisme, elle n’en est pas moins suffisamment fascinante pour réconcilier les publics et les générations. Entre grandiloquence théâtrale et cruauté brute, accroches presque Thrash et accélérations étouffantes (« III », le chapitre le plus efficace du lot, qui se permet même un riff purement groovy), ambitions soulignées par un timing étiré et des entames Ambient (« IV »), Rüyyn est un EP dense, qui nécessite plusieurs écoutes pour en saisir toute la richesse. Et si les thèmes musicaux semblent encore un peu timorés, si la confrontation entre les légendes d’hier et les acteurs d’aujourd’hui n’est pas totalement inédite, on sent déjà un potentiel énorme, qui ne demande qu’à s’exprimer dans un contexte moins restreint.
Mais la voix est assurée, le niveau instrumental conséquent, les idées multiples, et le sens de l’agencement concret. Nous attendons donc de savoir ce que le futur à la sauce RÜYYN va nous réserver, mais on sent clairement que Romain Paulet est capable de pondre un magnum opus.
Titres de l’album:
01. I
02. II
03. III
04. IV
05. …
Voyage au centre de la scène : interview de Jasper Ruijtenbeek (The Ritual Productions)
Jus de cadavre 07/05/2023
Élue pochette de l'année. Et musicalement c'est pas dégueu. Faut que j'écoute ça attentivement.
29/05/2023, 16:54
Ça sentirait pas un peu la pochette faite par IA ça ?. Midjourney sera bientôt le "cover artist" le plus productif sur Metal archives...
26/05/2023, 20:56
Le premier album a énormément tourné chez moi, gros Hardcore à bagarre avec riffs à la Slayer mais toujours avec une ambiance... jouasse ! Genre, du HxC en chemise Hawaïenne.Mais là je dois dire que le titre Good Good Things m'a fait dr&o(...)
25/05/2023, 18:25
RIPC'est quand même le second du line originel qui passe l'arme à gauche....
25/05/2023, 15:17
Grosse perte, voilà un Monsieur dont la contribution à la scène Rock en général est largement inconnue.Un grand merci pour avoir permi tant de chose et montrer non pas une mais plusieurs voies possibles pour s'exprimer dans la musique.
25/05/2023, 08:37
MARDUK a communiqué depuis en disant que ce n'était là que l'une des nombreuses fois où il est apparu totalement ivre sur scène (il aurait par exemple fait un streap tease sur scène...) et que c'était une condition de départ p(...)
25/05/2023, 08:35
Du calme les excités antitout, vous disiez pareil de slayer, jouer avec l'interdit c'est tout à fait l'esprit adolescent du metal
24/05/2023, 21:49
Le clip - aussi moche soit il - est déjà bien plus intéressant que 99% des clips métal réalisé en usine désaffecté avec ces sicos mode playback.
24/05/2023, 16:39
L'intelligence artificielle n'est pas - par définition - l'intelligence. Un bon monde d'assistés qui se prépare.Le clip n'est pas si mal malgré tout.
24/05/2023, 15:10
Juste au moment où je me mets à apprécier de nouveau pleinement Type-O après une parenthèse de presque vingt-cinq ans... Comme quoi il reste toujours un public pour les grands groupes même après leur disparition active.
24/05/2023, 13:44