Black Metal, Canada, voilà qui est aguicheur. Ceci étant dit, le Black Metal est probablement l’un des seuls sous-genres dont la qualité ne dépend pas de la nationalité. Si les scènes francophone et anglophone rivalisent d’ingéniosité et de créativité, l’Europe de l’est, du Nord, la Grèce, les pays hispaniques et lusophones sont aussi des références, ce qui en fait l’un des styles les plus prisés. Mais au-delà de tout chauvinisme, je me dois de mettre en avant ces groupes s’exprimant dans notre belle langue, leur parti-pris artistique étant systématiquement - ou presque - le meilleur sur le marché.

Et ce marché ne propose aucuns primeurs, non. Il étale plus volontiers des fleurs fanées, des morceaux de viande aux origines douteuses, des ferrures étincelantes, et des arbres généalogiques bizarres. Cet étalage permet de fouiner et d’éprouver le plaisir de la découverte, le même qui m’a animé lors de la découverte du deuxième album de VESPERAL.

Allons-nous lire les prières du soir alors que le soleil s’en va vers sa couche ? Non, pas vraiment puisque ces quatre montréalais sont plus volontiers portés sur le blasphème et la tradition sombre. En lice depuis trois ans seulement, ce groupe aux capuches larges et aux clous longs a de quoi rivaliser avec bien des têtes d’affiche, suite à la parution il y a deux ans d’un introductif Nuits Blanches. Peu de sommeil, mais pas de léthargie pour autant. Ce premier chapitre était nerveux, mais aussi largement ambiancé, et nous étions quelques-uns à nous demander quelle suite allait lui être offerte. La réponse est désormais disponible en NYP sur le Bandcamp du groupe, sous la forme de sept nouveaux morceaux.

VESPERAL signe avec La Mort De L’Âme un retour tonitruant. Mais parle-t-on de la mort dans l’âme ou de la mort de l’âme ? Les deux options sont viables, et cette perte de repères et d’existence est formidablement bien illustrée par le magnifique « I & II – La Perte de Soi / Brouillard Fantômatique ». Longue intro classique à la mélodie pastorale, attaque soudaine à l’approche des trois minutes, pour un BM qui honore ses propres ancêtres tout en respectant les influences nordiques. Son très propre, guitare assassine qui mouline comme un mixeur, voix en arrière-plan blindée d’écho, pour un périple dans la neige menant à une vérité assez évidente :

Le Black Metal le plus formel a encore de nombreux adeptes.

VESPERAL n’a pourtant pas choisi le chemin le plus facile. « Nos Délires d’Autrefois » le souligne avec une belle fougue, et de nombreux plans se succédant à une vitesse remarquable. Très portés sur l’ambiance dans la violence, le quatuor sait aménager quelques transitions plus harmonieuses qui ne sont pas sans évoquer la grandeur d’EMPEROR, dans un registre moins emphatique mais tout aussi dramatique. Les mélodies qui tournent comme des typhons emportent les doutes avec elles, et mâtinent cette seconde réalisation d’une aura mystique, énigmatique, comme des silhouettes se dessinant au loin dans le brouillard. L’adjonction de synthés permet de créer des couleurs un peu plus lumineuses, sans que l’âpreté n’en perde de sa puissance. Et la superbe dont fait preuve le groupe est relativement impressionnante, son art consommé du formalisme légèrement dévié le conviant de facto aux agapes de la brutalité la plus sourde et rigide.

Je concède effectivement que La Mort De L’Âme s’affilie au mouvement le plus primal de sa catégorie. En subissant les assauts de « VI – La Corde d’un Pendu », il n’est guère difficile d’imaginer un pauvre hère se balançant les pieds dans le vide d’une vieille grange. Le panorama proposé par les canadiens est blafard, sans espoir, certes nostalgique d’une certaine façon, mais quand même très pragmatique. Pas grand-chose n’est laissé à l’interprétation libre, puisque les titres sont concis et d’une agressivité appuyée.

Un disque de perdition pour ceux tentant tant bien que mal de se retrouver. Mais où exactement ? Sur des chemins escarpés, menant à des abris de fortune d’où s’échappent des sons inhabituels, aux inflexions presque Rock. « Souffle Glacial » joue en effet sur la franchise d’un Heavy Metal classique aux chœurs grégoriens, dans la plus directe lignée d’un MAYHEM des jours malheureux.

De quoi satisfaire tout le monde, sans verser dans la condescendance ou l’excès de zèle. L’amertume de certaines parties, la glorification des anciens, et cette importance attachée au contexte permettent à VESPERAL de prendre ses distances avec la masse old-school, mais aussi avec les défricheurs les plus expérimentaux. Un entre deux est trouvé, bien que l’appellation Atmospheric Black Metal prenne ici tout son sens.

La Mort De L’Âme est un pèlerinage sur des terres profanes, sèches comme un hiver rigoureux, mais qui résonnent encore des dogmes d’antan. Point de nihilisme, mais un égocentrisme pur et dur. Le moi je, et rien d‘autre. Parce que les autres, c’est l’enfer. Et l’enfer, on connaît déjà.

Titres de l’album

01. I & II – La Perte de Soi / Brouillard Fantomatique

02. III – Nos Délires d’Autrefois

03. IV – Lorsqu’une Chandelle S’atténue

04. V – Mauvais Présage

05. VI – La Corde d’un Pendu

06. VII – Souffle Glacial

07. VIII – Cruel Silence

Bandcamp officiel