Alors que je nettoyais ma collection de cartes téléphoniques en me demandant pourquoi je n’avais jamais pu en obtenir une flanquée d’une publicité Régilait, un doute m’assaillit comme le boute-en-train la jument : les lapins rêvent-ils de cloches en chocolat et d’enfants de Pâques ? Il n’y avait qu’une seule façon de répondre à cette interrogation, et les internettes allaient encore me dépanner de leur savoir. Un certain professeur Chuck Olhate avait publié une étude en 1956, prouvant que ces satanés lapins ne rêvaient que d’une seule chose : mordiller les sabots des paysans pour les déséquilibrer. Petits fumiers.

Mais alors, comme le chantait si bien JEFFERSON AIRPLANE, risque-t-on de tomber lorsqu’on va chasser les lapins blancs ? Bonne question, une fois encore, mais la problématique du jour se situe à un autre niveau, plus rare : les lapins noirs.

BLACK RABBIT, collectif batave nous propose justement son dernier EP, deux ans après un premier long qui avait permis de promouvoir leur nom. Ces cinq jeunes musiciens, adeptes d’un Thrash qu’Alice aux pays des mosheurs aurait qualifié de classique, reviennent donc avec une petite fournée de morceaux, dont un clippé pour l’occasion. Cette petite vingtaine de minutes de violence verbale et musicale vaut-elle le coup d’être en retard à un rendez-vous ? Oui, s’il n’est pas important et qu’il reste reprogrammable sans effort.

Avec quelques accents Death qui font la différence, insufflés par le chant rauque et malveillant de Nino Thomas, Chronolysis et sa superbe pochette à la Donnie Darko colmate une fuite dans un muret plus efficacement qu’une tarte aux myrtilles. Les riffs, solides, sont propulsés par une rythmique à l’abattage conséquent, et l’ambiance, chaude comme la braise peut évoquer ces week-ends barbecue avec une assemblée d’amis choisis. Le résultat peut faire penser à cette vague entre-deux de la fin des années 80/début des années 90, lorsque la frontière entre Death et Thrash n’était plus si bien gardée.

BLACK RABBIT s’adresse donc aux plus brutaux des thrasheurs, qui ne crachent pas sur un brin de modernité Metalcore dans ces cassures fines comme le tranchant d’une lame de rasoir. Ce qui permet à cet EP de ne pas l’être, et de continuer le travail entrepris sur Hypnosomnia. Un travail de façade, puisque les fondations sont déjà là et bien solides, avec quelques ornementations mélodiques qui enjolivent certains titres assez féroces. Ainsi, « To Be Alive, To Walk This Earth, That Is My Curse », le meilleur et le plus ambitieux du lot se rapproche des cotes floridiennes, avant d’être brutalement interrompu par un couplet des plus bucoliques, qui lui aussi s’efface sous l’incendie soudaine d’une paire de guitaristes en surchauffe. 

Jelle Brekelmans et Hidde Hofland lâchent donc leur inspiration au gré d’une construction en gigogne, qui nous éloigne pendant cinq minutes d’un schéma un peu trop bien dessiné. Puissance, nuance, persuasion et agression, quatre valeurs indispensables, qui hissent ce format court au rang des transitions plus que valables, avec toujours en exergue cette ouverture vers d’autres styles, plus modernes, qui viennent enrichir une philosophie traditionnelle. Quelques blasts toujours bien placés, une certaine grandiloquence dans les enchaînements, et toujours cette concision en bloc de béton, pour un édifice qui ne risque pas de se lézarder.

Difficile donc de coincer les hollandais dans une petite case trop étroite pour eux. D’autant que « Rancid Taste of Horror » s’aventure encore un peu plus loin dans le morbide via un petit pont de dissonances tout à fait charmant.

En somme, une récréation qui va faire plaisir à tout le monde. BLACK RABBIT se montre intraitable, mais reste ouvert à pas mal de suggestions. Des possibilités se dégagent pour un éventuel deuxième album qui devrait voir le jour dans un futur plus ou moins proche. D’ici là, j’aurais peut-être déniché une carte téléphonique Régilait, les deux évènements suffiront à me combler tranquillement.   

Titres de l’album :

01. Malevolent Glare

02. Paracusia

03. Pity the Mind of the Frail and the Feeble

04. To Be Alive, To Walk This Earth, That Is My Curse

05. Rancid Taste of Horror

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