Alors eux, je ne les connais pas, mais ils me plaisent déjà. Avec leur dégaine Scooby-doo, ils ont l’air de redresseurs de torts, sauf qu’ils n’ont pas le clébard en question. Et d’ailleurs, je me demande qui est Sammy sur cette photo ? Certainement pas le gros méchant tatoué au premier plan qui d’ailleurs détonne un peu dans le paysage. Non, je miserai plutôt sur le quidam sur la gauche, qui a l’air de l’être d’ailleurs, et qui cache un peu Daphne derrière. Quant à savoir si le dernier de nos amis est le grand frère de Vera…c’est une autre question. Et puis, cette pochette m’interroge aussi. Elle cumule les allusions et les clins d’œil, et se réfère à parts égales à Mad Max, The Walking Dead, Toxic Avenger, Les Infectés, et autres illustrations d’un futur dystopique placé sous le signe de la gangrène absolue et de l’errance un peu foutue.

En parlant de Mad Max, je situe l’action. La dérive australe de ce cher Max, chaotique et ultraviolente est en quelque sorte la transposition cinématographique de ce premier album fort en bouche, et qui sent bon le sable des grands déserts qui t’arrive en pleine face. Lunettes de protection et foulard sur la bouche recommandés donc, avant d’attaquer le problème de front. Quel est donc ce Thrash groovy que cette bande hétéroclite nous balance en pleine face ? Pour obtenir une réponse claire et rapide, une seule solution : passer l’album et encaisser ses cinquante minutes en restant sur ses gardes.

Ces tonalités jaunâtres et sèches donnent le ton. On sent que l’action va être rude et dénuée de sentiments. Après tout, on n’endosse pas le rôle de zombies en goguette en susurrant des mots doux. Ces quatre vilains (Izak Easterbrook - batterie, Chris "Bull" Woods - guitare/chant, Dan Andrews - basse et Aleks Radmanovich - guitare) assument leurs positions en rentrant dans le lard des créatures qu’ils rencontrent. Il faut dire que leur véhicule est préparé et agrémenté de quelques fantaisies griffues. Largement de quoi tailler dans la masse et se frayer un chemin vers la reconnaissance.

Du groove donc, pour une fluidité assez étonnante qui permet d’éviter le trop grand formalisme d’un Thrash Bay-Area dont on supporte de plus en plus mal les ersatz. Comme un croisement entre MACHINE HEAD et MORTAL SIN, Violent Vacation permet à THRAXAS! de se démarquer de la concurrence, en une poignée de titres seulement. Car si « Blast Shadows » reste très classique dans son entame, « The Rage of 1000 Suns » entame la mutation vers quelque chose de plus monstrueux et personnel. On comprend que la bande est atypique, assez téméraire, et bien décidée à ne pas faire de surplace. Alors, on se concentre sur ce superbe artwork signé des mains de Dan Goldsworthy, et sur ce son peaufiné dans tous les secteurs par Chris Blancato. On rebondit d’idée en idée, de plan en plan, et on fonce tête baissée à la recherche d’un abri plus sûr que la moyenne. 

THRAXAS! n’est certes pas le héros austral du siècle, mais il est un combattant redoutable. Doté de capacités techniques non négligeables, et d’une aisance de composition remarquable, le zombie à quatre têtes sait mettre l’ambiance, et relève la température de quelques degrés via l’infernal « Violent Vacation ». Nos amis sont du genre bavard, et n’hésitent pas à laisser leur carnet de bord se maculer d’annotations et autre souvenirs de trajet. Le moteur de l’engin, propulsé par le duo Izak Easterbrook/Dan Andrews ronfle sérieusement, et ne donne aucun signe d’essoufflement. Le conducteur Chris "Bull" Woods peut donc se concentrer sur la route, alors que son copilote brode des soli tout à fait capables. Il est d’ailleurs plaisant de retrouver une guitariste dans ce costume, les dames étant la plupart du temps cantonnées au poste de bassiste.

Mais les THRAXAS! ne font rien comme tout le monde. D’abord, en s’éloignant du vintage pour le vintage. Ensuite en proposant des titres alambiqués et une durée globale assez étirée. Ensuite, en se moquant des styles pour imposer le leur, fait de Thrash technique, de Groove Metal en commerce équitable, de Heavy charitable, et de Dark Hardcore allusif. Cette mixture est parfaite pour décorer un monde rongé jusqu’à la moelle et qui agonise sous les impitoyables rayons du soleil.

« Rapid Descent Into Madness… and Brutality » et ses sept minutes est l’apogée d’une méthode ambitieuse, qui autorise toutes les dérives. Les glissés à la Dave Mustaine, les plans fun à la RISK/TANKARD, la virtuosité à la CORONER, et l’originalité sèche à la GAMMACIDE. Aussi radical qu’il n’est nuancé, ce premier album est d’une maîtrise bluffante, et peut donner des complexes à bien d’autres orchestres moins bien préparés. Ce long instrumental renoue avec une tradition qu’on pensait perdue, et nous ramène à l’âge d’or de « The Ultraviolence » et « Interstellar Experience », lorsque le chant se mettait en retrait pour quelques instants.

Nul besoin de gimmicks putassiers lorsqu’on joue une musique aussi solide que pensée. Les déviations en terrain lourd (« A Guide to Torture », une véritable démonstration de bon sens), les segments roulés plus pépère pour ne pas s’embourber (« Glory Is Reserved for the Dead » mid tempo gluant qui donne envie de se refaire Le Salaire de la Peur), l’arrivée qui se profile au loin (« Thy Plague Bearer » qui évite de peu la morsure par la vitre arrière restée ouverte), le plan de route est précis, et permet au véhicule de regagner ses pénates après quelques frayeurs.

« Bloody Fist Face Lift » accueille nos anti-héros avec détachement, et signe la fin du périple. THRAXAS! s’est acquitté de sa tâche avec brio, et devient de facto le meilleur fouineur de sa génération. Même sans chien. Même sans Vera.

Titres de l’album

01. Blast Shadows

02. The Rage of 1000 Suns

03. Violent Vacation

04. Exemplary Punishment

05. Rapid Descent Into Madness… and Brutality

06. A Guide to Torture

07. Glory Is Reserved for the Dead

08. Sentenced To Debt

09. Thy Plague Bearer

10. Evolution of Revolution

11. Bloody Fist Face Lift

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