Le zigue sur la pochette m’a rappelé de loin le regretté Peter Hobbs, sauvage austral qui avait décimé les rangs des années 80 de son Thrash torride. Quoiqu’il ait aussi un air de méchant post-ap de la glorieuse époque italienne des sous Mad Max. D’une façon ou d’une autre, il incarne ce grand méchant qu’on rencontre en mode boss de fin de tableau, qui dispose d’un arsenal conséquent. Machette, fusil automatique, ball & chain, l’arme est au choix, mais le résultat est le même. Il vous plante furtivement, un peu lâchement aussi et réserve à l’héroïne des supplices inavouables.

Est-on pour autant dans un monde parallèle où l’oxygène est devenu denrée rare et l’eau une monnaie d’échange de grande valeur ? Un peu, la violence de cet univers étant assez proche d’une dystopie environnementale au contexte géopolitique complexe. Mais les italiens d’AWAKEN THE NIGHT résument ça de façon plus simple : Total Kommando. Ce qui vous en conviendrez est plus séduisant qu’une énième resucée de film d’action maladroitement traduit en musique.

Partageant avec les grands frères de BULLDOZER un penchant pour le mauvais goût, Haborym (basse), Creator (batterie), Luca Romanazzi (guitare) et Earthqüake (chant) revisitent le patrimoine paillard transalpin à grands coups de Speed Thrash délicieusement noirci d’impulsions BM. Pas foncièrement blackened quelque chose, AWAKEN THE NIGHT est plutôt une assemblée malpolie de rustres mal dégrossis. La finesse, absente des débats permet de s’épancher dans un registre très gras, qui s’inspire de la deuxième vague Thrash des années 80, mais aussi du revival 2010 pour donner l’impression que POSSESSED aurait pu s’agiter autour de Milan ou Florence. Mais ces sagouins de la région des Pouilles  n’ont guère besoin de transposer leur furie dans un vocable plus compréhensible pour le monde. Tout ce qu’ils souhaitent, c’est salir ce qui reste de pureté, et souiller le peu d’espoir qui subsiste. Mais vraiment pas beaucoup. Presque rien.

Et tout à la fois.

Total Kommando est une guérilla menée contre la morosité et le manque d’implication. Ecrits et composés par le groupe, ces hymnes à la débauche ont aussi bénéficié d’une production maison, et d’un mixage/mastering peaufiné par RR Productions. Le résultat est donc sous vos oreilles, brut, agressif, pugnace, délicatement rétrograde, et surtout, en réminiscence des grands vilains des années 80. Outre POSSESSED, on retrouve sur le carnet de bord les noms de KREATOR, SODOM, et de tous les joyeux bourrins qui faisaient tanguer le navire comme de gros pingouins. L’ambiance générale de l’album, torride, nous entraine sur les flots les plus agités pour un long-cours pas vraiment de tout repos. Mais la franchise étant de mise, « Emerald Fog » prend le compas par les cornes et joue franc-jeu sur les éventuelles régurgitations dues à la houle.

Ce premier album est une gigantesque saillie de gros cochon. Mais un cochon qui sait aussi se montrer romantique pendant l’acte, en remuant son groin sur des zones érogènes auditives. Avec un chant noyé d’écho qui fonctionne comme un avertissement lointain, des riffs salement troussés pour paraître obsédés, et une rythmique canon qui les tire justement à bout portant, Total Kommando réveille la flotte allemande toujours occupée à savoir d’où vient le vent, et celle plus américaine et underground des labels les plus confidentiels.

La nostalgie s’exprime donc à coups de chaîne et de rames sur la tronche. « Terrorchain » impose une cadence de moulinage complètement folle, pour que la bataille ne soit pas perdue d’avance. On fouette les esclaves pour qu’ils tournoient comme des éoliennes, et « Total Kommando » de signer l’hymne dont tout album de cet acabit a besoin pour entrer dans la petite histoire.

Exubérant, bouillant mais intelligent, AWAKEN THE NIGHT se met à la colle avec la nuit qui porte en elle tous les outrages trop visibles en plein jour. « At the Stake » plante un pieu en plein cœur, et ressuscite les cavales de RIGOR MORTIS à la croche près. Ce festival de crachats, d’immondices et de saloperies passées par-dessus-bord est un plaisir non feint que l’on partage entre initiés et mousses dépravés. Les italiens parviennent à maintenir la passion tout du long, en évoquant parfois un bon gros Heavy de pirates avec bandeau sur l’œil et perroquet pas bégueule.

« Speed Metal Attack! » sera d’ailleurs l’hymne de ce mois. En moins de trois minutes, le groupe retrouve l’enthousiasme d’une décade d’excès et de tentatives toutes plus sauvages les unes que les autres. Rois du percutant qui tapote le séant, les italiens troussent un répertoire paillard, que l’on hurle en sortant du placard, les poignets cloutés et le dos flanqué. D’un dossard VULCANO par exemple, pour honorer la scène sud-américaine qui a grandement contribué au radicalisme Thrash des années 1989/1992.

Boire une simple gorgée d’eau risque de devenir compliqué dans un futur proche et annoncé. Vous me direz qu’avec quelques bouteilles de rhum, on s’en sort très convenablement. Je ne peux qu’acquiescer. Et continuer de me retourner la tête au son d’un Speed/Thrash ventru. Ou disons plutôt, enrobé.

Titres de l’album

01. Nuclear Inverno (Intro)

02. Emerald Fog

03. Attila

04. Fast for Freedom

05. Little Pier the Mechanix

06. Behind the Blade (Interlude)

07. Terrorchain

08. Total Kommando

09. At the Stake

10. Speed Metal Attack!

11. Awaken the Night

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