Alors, allons-y. Les tignasses, le cuir, les clous, les cartouchières, le regard défiant, les baskets à large languette, les jeans troués, le cuir, et même l’épée. Et si avec tout ça, vous avez encore des doutes sur la teneur en Metal du deuxième album des américains de VOID, c’est que vous avez un gros problème avec l’iconographie. Je concède que vu du dehors, la bande ressemble à un orchestre voué aux gémonies d’un True Metal un peu féroce, ou d’un Heavy/Speed en carrosse. Mais lorsqu’on connaît un peu son histoire de l’underground, on sait ce que prône ce quintet. Il a même un nom pour ça :

Le Haunted Thrash Metal.

Ok, j’apprécie, comme j’avais apprécié la méchanceté et la fureur de Horrors of Reality. Premier longue-durée sorti il y a trois ans, ce premier pavé le jetait dans la mare. L’avènement d’un nouveau leader de la nostalgie made in Virginie fut acclamé par la presse et le public, et ces louanges chantées sur la toile étaient tout à fait méritées. D’une approche radicalement différente de ses contemporains, VOID mélangeait un peu tout et pas n’importe quoi, pour créer une mixture délicieuse, aussi technique que fumeuse, et remplie de culot. Une science quasi exacte de la composition, des musiciens au talent maison, pour un album explosif, dans tous les sens du terme. Il fallait donc cravacher pour dépasser en intensité ce départ en fumée, et c’est exactement ce que le quintet a fait en couchant sur bandes numériques cet infernal Forbidden Morals.

Si vous aimez les comparaisons imagées, alors essayez d’imaginer une percussion entre le jeune ANNIHILATOR, FIFTH ANGEL, TOXIK et ACCUSER, et vous parviendrez peut-être à peindre un tableau fidèle à la réalité des faits. Car après une intro classique, le groupe se lance à corps perdu dans la bousculade, et nous envoie valser sur l’air de « Forbidden Morals », bijou de Techno-Thrash abordable et truffé de petites idées géniales.

Aaron Landry (batterie), Gabe LeJeune (guitare), Jackson Davenport (chant), Blake Adams (basse) et Chris Braune (guitare) incarnent donc la première ligne de défense américaine en termes de recyclage. Mais alors que la majorité de la scène passéiste se contente souvent d’un balbutiement plus ou moins honnête, les VOID jouent le larger than life, l’excès absolu, et le trop plein totalement assumé. Et cette folie fait de Forbidden Morals une pensée malhonnête tout à fait délicieuse.    

Magnifiquement produit, arrangé avec panache, ce second chapitre est proche d’une perfection étonnante, considérant que le style pratiqué n’a quasiment pas évolué depuis la fin des années 80. Certes, certains l’ont trempé dans la fluidité pour accoucher sans forceps du groove Metal, mais peut-on encore considérer le sous-genre comme étant fidèle aux enseignements nord et sud-américains et européens ? Le débat n’a pas lieu d’être ici, et seule la puissance des titres compte. Sauf qu’outre la puissance, les américains maîtrisent la nuance. Et lorsque les deux données sont équilibrées, ça nous donne des tueries de masse comme le monstrueux « Gateways of Stone », ou l’irréprochable et bref « Nine Blood Moons ». A la manière d’un OVERKILL passé dans le peloton de tête du conservatoire de la Bay-Area, VOID saccade à outrance, accepte le legs du crossover et du Hardcore, et soigne son Metal pour qu’il reste puriste mais appréhendable pour les novices. Et l’intensité dramatique dont fait montre cet enchaînement de bangers risque de faire école bien au-delà des frontières des Etats-Unis.

Habilement tronçonné en son milieu pour ne pas recycler, Forbidden Morals est une performance qu’il convient de saluer. Rarement groupe aura fait preuve d’une telle audace pour transcender ses influences et mériter cette appellation autocontrôlée. « Apparition » donne un petit aperçu de ce qu’aurait pu devenir MERCYFUL FATE en injectant plus de Californie dans son occultisme, et les soli de nous achever de leurs mélodies parfaites et de leur phrasé diaboliquement précis.

Surfant sur la nostalgie d’un timbre METAL CHURCH collé sur une enveloppe TESTAMENT (« By Silver Light », chef d’oeuvre de power-ballad dans la plus pure tradition US), devenant soudainement nerveux à l’idée de manquer le coche de l’agression spontanée (« Return of the Phantom »), VOID varie ses attaques, change de braquet, et se permet même le luxe de terminer sa course par un pamphlet progressif de toute beauté.

Comme un DREAM THEATER de Venice, « Beneath... Lives the Impaler » réconcilie la génération DEATH ANGEL à celle plus moderne d’ARCHITECTS, et pose un gros point final à cette aventure qui n’est définitivement pas de tout repos.

Voilà qui terminera sans doute aucun dans mon top 20 de fin d’année, car la perfection est rare dans le domaine du Thrash nostalgique. VOID s’affirme donc comme un sacré leader, de ceux qui mènent leurs troupes dans le bon combat, contre l’uniformité, la facilité et le recyclage sans intérêt.

Amen. 

Titres de l’album :

01. A Curse

02. Forbidden Morals

03. Gateways of Stone

04. Judas Cradle

05. Nine Blood Moons

06. Valeria

07. Apparition

08. By Silver Light

09. Return of the Phantom

10. Beneath... Lives the Impaler

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