Je marche seul chantait Jean-Jacques Goldman. Une accroche comme une autre, mais un leitmotiv dans le petit monde du Black Metal. L’unicité et la solitude sont deux mamelles auxquelles les musiciens du cru s’accrochent comme des petits aux pis de leur mère, sachant pertinemment qu’on est jamais mieux sevré que par soi-même. Mais la randonnée en mode « je » a aussi ses limites. Une inspiration qui peut se tarir, et un manque de recul question objectivité quant à la qualité du travail fourni. De fait, les ermites acceptent parfois la contribution de quelques sauveteurs pour agrémenter leur vie d’ascète de quelques fantaisies moins autocentrées. C’est exactement ce qui est arrivé à KHÔRA, qui n’a rien à voir avec la chaîne de grandes surfaces, mais qui depuis 2012 agite sa Germanie natale de soubresauts dramatique et subtilement gothiques.
Au départ était Ole. Seul maître à bord et musicien accompli, le membre ou ex de formations comme LIMINAL, DAGOR DAGORATH, DEATHSTRUCK, LYCANTHROPY, MIRRORS OF OBSIDIAN, NUMENOR, TERRAWAVE, NIBURTA, AUTOKRATOR, CRYPTIC FOREST, THE KONSTELLATION, DEADEYEHUNT, ou GOAT STALKER se pavait une voie ténébreuse à travers les méandres du Black Metal symphonique et d’amplitude maximale, sans rien demander à ses voisins, mais après une démo, l’évidence le frappa au coin du bon sens. Il s’entoura alors de comparses prêts à mettre en musique ses idées, sans discuter ni rechigner à l’effort. Aujourd’hui, Ole est à la tête d’un quatuor complété par Kjetil (claviers/orchestrations, BABELS TÅRN, HAIMAD, PROFANE BURIAL), Göran (basse, CEREMONIAL DEATH, OMNIA MORITUR, SVARTGHAST) et Frédéric (chant, COR SERPENTII, ORAKLE, SA MAIN), et Ananke est son second témoignage, toujours aussi démentiel et proportionnel à la grandeur de cette vision à cheval entre Black Sympho, Black progressif et Black classique, le saint triptyque des amoureux des dissonances, des chœurs désincarnés et autres breaks agencés comme des crises de schizophrénie.
Ananke recense à peu près tout ce qu’on peut attendre d’une confirmation. Cinq ans après Timaeus, postulat sans ambages ayant gravé le nom de KHÔRA dans la pierre, Ole et les siens proposent une nouvelle farandole qui amusera beaucoup les fans de grandiloquence, quelque part entre EMPEROR, ARCTURUS, ISHAHN, et quelques membres du cheptel des Acteurs de L’Ombre. Composé de titres assez raisonnables, ce deuxième chapitre sent bon les ambitions les plus larges et riches, les inserts magnifiés, les transitions dignes d’une superproduction hollywoodienne ou bollywoodienne, et surtout, les coups de canon qui résonnent à des dizaines de kilomètres à la ronde. L’avertissement donné par « Empyreal Spindle », très formel, est pourtant d’une franchise désarmante. Ce premier morceau est une caution donnée pour refouler à l’entrée les amateurs de classicisme sans imagination, et les recycleurs de Norvège en deuil. Car la musique du projet international ne contourne pas la lumière, bien au contraire. Il l’embrasse comme une alternative solide, et une source d’inspiration pour un titre aussi dantesque que « On A Starpath ». Probablement - et même surement - morceau le plus alambiqué de cette jeune année 2025, il déroule un tapis sci-fi/cosmique de l’ampleur de la planète impériale de Foundation, avant d’occire tous les traîtres et de condamner les autres à un exil sur Terminus.
Oserais-je affirmer qu’Ananke est pour le moment l’album de Black symphonique et progressif de ces cinq derniers mois ? Oui, et avec des arguments indiscutables. Une pertinence dans la démesure qui côtoie les démons les plus vils, mais une lucidité technique utilisant avec intelligence les éléments les plus caractéristiques d’un Heavy Metal de tradition, pour offrir un mélange homogène et diablement (sic) savoureux. On le goute par lapées sacrées via « The Sentinel », qui n’hésite pas sur l’alcool emprunté aux caves de DODECAHEDRON ou SHINING, ou « Supernal Light », teigneux comme une hyène qui ne compte pas laisser son déjeuner s’échapper. Dualité sur pattes, ce deuxième long est d’une perfection bluffante. Assez culotté pour satisfaire les accros à la bizarrerie, coulé pour ne pas choquer les traditionalistes, Ananke est un banquet qui tient plus de la cuisine de chef que du buffet à volonté.
Mais vous pouvez en reprendre autant que vous le voulez, le prix sera le même. Donc…
J’ai moi-même abondamment chargé mon assiette avec « Crowned », monstre de plat de résistance roboratif plus que dessert rafraichissant. La majesté de l’apparence, la saveur du contenu, sont autant d’impressions laissées pile au bon moment, celui de fermer les portes et de déclarer le service achevé. Mais les initiés peuvent toujours rester au-delà de la fermeture des portes. Il convient donc de leur proposer des surprises qu’eux-seuls peuvent apprécier à leur juste valeur.
Encore une fois, les nuances s’affrontent dans un combat de palais des chefs. Une basse serpentine qui glisse le long de la gorge, un chant pimenté puis sucré, une guitare qui dilue les riffs pour égrener les aromates de la stridence et de la disharmonie, pour un coulis de percussions plus efficaces que réellement audacieuses. Mais cette façon de mélanger les fragrances et les saveurs aboutit à une prise en bouche de première catégorie, cinq étoiles brillant au-dessus d’une nuit gastronomico-musicale.
En parlant d’au-dessus, KHÔRA l’est, et largement. Je pousserai le constat jusqu’à affirmer que le collectif international est le héros le plus convaincant de la légende des Acteurs depuis bien longtemps. Avant 2025 même. Peut-être. En tout cas, Ananke s’écoute religieusement, puis s’écoute avec agitation, avant de faire partie de vous comme un chromosome oublié en route.
Peut-être qu’Ole marche toujours seul après tout. Mais il enregistre à plusieurs, ce qui me convient parfaitement.
Titres de l’album
01. Empyreal Spindle
02. Legion of the Moirai
03. Wrestling With the Gods
04. In the Throes of Ascension
05. Arcane Creation
06. On A Starpath
07. The Sentinel
08. Supernal Light
09. Crowned
10. Q.E.D.
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Oui comme ils le disent sur le site officiel, bonjour les prix des concerts aujourd'hui avec l'inflation ,Désolé mais je ne peux plus suivre. Trop chère les concerts
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Author & Punisher est aussi annoncé à Montpellier le 23 octobre 2025 avec Wyatt E et Yarostan à la place de Bong-Râ.
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Ça vaut vraiment le coup d'écouter ce qu'ils font, j'aime beaucoup et c'est vraiment bon !
09/06/2025, 21:35
Je comprends son raisonnement car je le partage en partie. Je déteste le mot "contenu" quand on parle de vidéo. Ca ne veut pas dire grand chose. Les lyrics video, je trouve que c'est une solution de facilité. On se contente de coller une(...)
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J'suis probablement trop vieux, je trouve ça atroce, autant à écouter qu'à regarder.
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