Elle imagine
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La chaleur immobile des villes blanches.
Quelle superbe mélodie que celle pondue par les frères NACASH dans les années 80. Une tonalité mineure intimiste, des mots simples qui touchent tout le monde, et un tube immortel qu’on susurre à sa partenaire un soir de romantisme aigu. Mais on me souffle à l’oreille que le groupe d’aujourd’hui n’a rien à voir malgré une presque homonymie flagrante. En effet, les NACHASH ne sont pas du tout frères, ne chantent pas du tout les villes blanches, et font un boucan peu compatible avec une soirée en amoureux. Mea culpa, et bien mea.
NACHASH, c’est une certaine idée du Black Metal des origines, et surtout, un retour qu’on n’attendait plus. Sept ans d’attente depuis un premier album largement célébré par l’underground et les zines, soit l’équivalent d’une pause cigarette d’Axl Rose. Phantasmal Triunity résonne encore de ses échos blasphématoires, et l’envie de connaître la suite nous titillait les esgourdes. Heureusement pour nous, Signal Rex nous l’apporte sur un vieux plateau rouillé, emballé tel quel, et aussi sauvage qu’un premier de l’an bien blindé.
NACHASH, c’est aussi une certaine idée de la fourberie. En plaçant aux avant-postes trois morceaux brefs et concis, les trois musiciens (Tiller - batterie, R - basse et A - guitare/chant) nous font le coup de la blitzkrieg qui se transforme en guerre de position. Avec seulement sept morceaux au tracklisting, le power-trio espère ratisser plus large, en réconciliant les amateurs de son original et les accros à la copie parfaite.
GBK, ARES KINGDOM, MORTUARY DRAPE ou VARATHRON sont cités dans le désordre pour placer les enjeux, même si la bio nous avertit du caractère personnel de cette seconde réalisation. Si les points communs sont certains, l’individualisme de NACHASH est de plus en plus frappant, spécialement en découvrant la richesse morbide et ténébreuse du mid tempo « Eschaton Magicks », premier morceau fleuve qui en annonce quelques autres.
Doté d’un son épais et graveleux, agité par une excitation nordique des années magiques, Eschaton Magicks charcle dans les grandes largeurs, et la machette est bien aiguisée. Avec une guitare omniprésente qui endosse tous les costumes, et une rythmique stable et solide, Eschaton Magicks a de faux airs de classique instantané, de ceux que l’on cite dans le futur pour ne pas oublier le passé. Mais point de passéisme. L’art est justement de recycler d’anciennes méthodes pour les faire briller d’une patine contemporaine, et si le cirage DARKTHRONE et le chiffon IMMORTAL sont à portée de main, c’est pour mieux relier les époques sans trahir ses convictions.
Ce deuxième album comble-t-il toutes les attentes générées par son aîné ? Plutôt sept fois qu’une, et les quarante minutes passent très vite en cette bonne compagnie. Car le trio a beau être un peu fourbe, il donne beaucoup de sa personne. « Death's Mordant Blaze » insiste dans cette veine de BM en tempo pilonné, se reposant sur le chant abrasif de A qui vocifère comme un beau diable en rendant hommage à HELLHAMMER et BATHORY.
Construit sur un crescendo, Eschaton Magicks s’offre une ampleur exponentielle, et dévoile ses ambitions avec beaucoup d’intelligence. Cette basse autonome qui place ses notes avec pertinence, cette batterie au rendement industriel qui n’offre que peu de répit à sa double grosse caisse, et ces riffs qui s’accumulent comme des preuves à charge font de cet album une prise de pouvoir par la force, mais aussi la finesse.
Le chronomètre est donc mis à contribution. Commençant raisonnable pour finir épique, NACHASH garde ses meilleures cartouches pour la fin, et nous écrase d’un emphatique « Empyrean Graves », majestueux comme un mausolée, et insidieux comme un virus religieux. En écrasant le tempo, le groupe joue le malaise, et insiste sur les aspects les plus craspecs d’un style qui s’est toujours voulu transposition musicale de la laideur. C’est donc un retour aux sources que le trio nous propose, tout en développant son propre imaginaire.
Si la cohésion pousse parfois à se mélanger les pédales au niveau des thèmes, reproduisant le même schéma d’un morceau à l’autre, les idées fleuve permettent de s’extirper facilement du marasme, pour déguster tartare le morbide et hypnotique « Wherein the Devil Dwell ». Plus de huit minutes de violence ininterrompue, une fois encore distillée dans l’acidité de reflux gastriques dissonants.
NACHASH est décidément bien à l’aise lorsque l’inspiration le prend, et cet épilogue cruel et sentencieux vaut bien des discours haineux. Si 2025 est à l’image de cet album, si cette année à venir est aussi brutale, si les mois qui nous attendent se calent sur cet esprit de malice fatale, alors nous risquons fort d’en prendre plein la poire.
Et ça, vous ne pouvez pas l’imaginer. Même dans le froid rigide des villes noires.
Titres de l’album:
01. Stygian Nightmare
02. Sojourner of the Dark Passage
03. The Scythewielder
04. Eschaton Magicks
05. Death's Mordant Blaze
06. Empyrean Graves
07. Wherein the Devil Dwell
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