Transcendence

Born In Exile

06/03/2020

Art Gates Records

A première vue, je n’étais pas le public cible de cette nouvelle réalisation ibère. Groupe mené par une chanteuse, options progressives, technique moderne et affutée, tout ça sentait le traquenard, mais je ne suis pas un lâche, et j’ai affronté la bête. Grand bien m’en a pris, puisqu’en un seul morceau, j’ai compris mon erreur de jugement et mon appréciation du plumage avant de connaître le ramage. Car avec son deuxième album, le collectif espagnol BORN IN EXILE propose bien plus qu’un simple exercice Progressif de base, et tout sauf une opérette symphonique de bas étage pour flatter le public avide de combos à voix féminines. Formé en 2012, ce quintet (Juanma Ávila - batterie, Carlos Catillo et Joaco Luis - guitares, Lucas Comuñas - basse et Kris Vega - chant) a mis un peu de temps à caler son line-up avant de pouvoir proposer un premier album, qui a finalement vu le jour en 2017. Drizzle of Cosmos présentait donc le visage d’un collectif bien rodé à son propre exercice, et des fondements permettant des extensions multiples. C’est ainsi que l’auditeur éventuel aura beaucoup de mal à caler les espagnols dans un créneau bien défini, leur approche mélangeant des éléments de Metal moderne et efficace, de Heavy progressif inventif et resserré, et de Metal mélodique très élaboré et peaufiné. Pour faire simple et plus clair, « Enchantress » nous ramène directement à l’époque du DREAM THEATER de début de carrière, celui de Charlie Dominici, et l’époque magique de When Dream and Day Unite. On y retrouve en effet le même sens du métissage entre Heavy Metal classique et classieux et Power Metal tirant sur le Thrash dans les moments les plus denses, et surtout, cette envie de s’extirper d’un carcan de genre trop restrictif. Bien évidemment, la comparaison ne résume pas toute la philosophie de ce groupe venu de Barcelone, mais il en balise grossièrement les contours, ce que les influences avouées sur la page Facebook ne font que confirmer.

Outre DREAM THEATER, les BORN IN EXILE citent volontiers SYMPHONY X, OPETH, RUSH, MYRATH, LEPROUS, CIRCUS MAXIMUS, mais aussi PINK FLOYD, TWELVE FOOT NINJA, pour offrir à son public une image sonore aussi vaste que possible. Instrumentalement, le quintet est au-dessus de tout soupçon, et propose des parties touffues, pointues, qui passent par tous les registres, instrumental capable d’évoquer en quelques secondes PRETTY MAIDS, DREAM THEATER, ECLIPSE, SYMPHONY X, sans tomber dans la paraphrase bête et méchante. Mais autant le dire sans ambages, le point de focalisation du groupe reste sa formidable chanteuse qui a le talent d’éviter tous les poncifs de vocalistes pseudo-opératiques qui inondent le marché de leur hululement pénible et rébarbatif. Avec un registre très étendu, Kris Vega s’adapte avec brio à tous les registres, capable de chanter fermement le Heavy le plus brûlant tout en lâchant quelques grognements de bon aloi, sans négliger le feulement de parties mélodiques qui lui vont à merveille. La chanteuse est donc versatile, et possède un timbre au grain prenant, adaptant son interprétation aux ambiances développées, qui sont aussi nombreuses que différentes. Le groupe privilégie bien évidemment les morceaux plutôt longs, mais jamais trop, restant dans les balises raisonnables de six minutes au plus, pour ne pas nous perdre dans un dédale faussement progressif sans sortie viable. Ces longs morceaux sont d’ailleurs l’occasion d’utiliser les idées les plus pertinentes, entre attaque Progressive franche et massive et nuance plus marquée, avec un « One More Line » sinueux, réconciliant NIGHTWISH, LACUNA COIL, DREAM THEATER et un Heavy Metal plus foncièrement nineties.

La production, claire et dense permet à chaque musicien de se sentir à sa place et d’en avoir assez pour s’exprimer, la basse s’autorisant quelques incartades en roulade pour se glisser entre la batterie et les guitares. Le clavier parvient même à laisser sonner ses notes, sans envahir l’espace, se contentant la plupart du temps de travailler sur des arrangements de fond, pour conférer à l’ensemble une patine synthétique sans empiéter sur la rudesse des guitares. Avec un mixage équilibré, le groupe espagnol peut donc mettre en avant ses nombreuses qualités, et se montrer à l’aise sur tous les terrains. C’est ainsi qu’après une salve de titres puissants et virils, Transcendence nous offre une pause salvatrice à mi-parcours, avant de reprendre de plus belle sa démonstration de force et de technique sur « Ziggurat ». Accentuant encore plus ses aspects les plus Power et Thrash, le groupe sort l’artillerie lourde, avec toujours en exergue ces riffs presque Néo que DREAM THEATER utilisait durant sa période Train of Thought/Octavarium entre 2002 et 2005. Les enchaînements sont d’ailleurs symptomatiques, mais cette rage en écume rappelle aussi les hybridations tentées par NEVERMORE sur ses albums les plus fameux, et c’est avec plaisir qu’on retrouve cette marche en équilibre sur la corde tendue entre les styles, Progressif dans l’esprit, mais avant tout aventureux et désireux de proposer autre chose qu’une simple démonstration. Et avec les syncopes proposées par le duo inventif et efficace Carlos Catillo/Joaco Luis, la rythmique s’en donne à cœur joie dans la variation des tempi, alors que la brillante Kris ose des cris rauques et sourds entre deux évacuations de gosier convaincantes. Très intelligent, le quintet s’est limité dans le temps, ne gardant que ses idées les plus pertinentes, proposant ainsi une succession de morceaux variés, mais tous reliés par un fil d’Ariane. Tentant le coup de l’arythmie pour mieux appuyer un riff roublard (« Save Us »), BORN IN EXILE se rapproche encore un peu plus du DREAM THEATER de « Honor Thy Father », avant de se décaler vers une grandiloquence évolutive sur le superbe « The Lighthouse of the Haunted Keeper ». Mélodies classiques mais mises en valeur par un chant velouté, crescendo en retenue qui évite les poncifs de constructions éculées depuis « Stariway to Heaven », pour un passage en revue exhaustif de toutes les tendances en vogues au vingt-et-unième siècle.

Transcendence se termine même par un dernier morceau de bravoure, « Torch », qui permet de valider le titre de l’album et de provoquer des accointances fantômes entre les espagnols et les américains de CRIMSON GLORY, les deux groupes partageant ce point de vue sur une complexité précieuse qui ne tombe jamais dans l’élitisme. On peut même parfois penser à du QUEENSRYCHE dernière époque mixé à du DREAM THEATER plus percussif, et au bout du compte et de l’écoute, on ne peut que saluer les efforts d’un groupe qui cherche à aller plus loin que les figures d’usage pour forger son propre style.         

                                                

Titres de l’album :

                        01. Heretic Antiphon

                        02. Enchantress

                        03. Living Inside Me

                        04. Herd Of Deception

                        05. One More Line

                        06. Ziggurat

                        07. Save Us

                        08. The Lighthouse of the Haunted Keeper

                        09. Torch

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par mortne2001 le 02/08/2020 à 14:20
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