A première vue, je n’étais pas le public cible de cette nouvelle réalisation ibère. Groupe mené par une chanteuse, options progressives, technique moderne et affutée, tout ça sentait le traquenard, mais je ne suis pas un lâche, et j’ai affronté la bête. Grand bien m’en a pris, puisqu’en un seul morceau, j’ai compris mon erreur de jugement et mon appréciation du plumage avant de connaître le ramage. Car avec son deuxième album, le collectif espagnol BORN IN EXILE propose bien plus qu’un simple exercice Progressif de base, et tout sauf une opérette symphonique de bas étage pour flatter le public avide de combos à voix féminines. Formé en 2012, ce quintet (Juanma Ávila - batterie, Carlos Catillo et Joaco Luis - guitares, Lucas Comuñas - basse et Kris Vega - chant) a mis un peu de temps à caler son line-up avant de pouvoir proposer un premier album, qui a finalement vu le jour en 2017. Drizzle of Cosmos présentait donc le visage d’un collectif bien rodé à son propre exercice, et des fondements permettant des extensions multiples. C’est ainsi que l’auditeur éventuel aura beaucoup de mal à caler les espagnols dans un créneau bien défini, leur approche mélangeant des éléments de Metal moderne et efficace, de Heavy progressif inventif et resserré, et de Metal mélodique très élaboré et peaufiné. Pour faire simple et plus clair, « Enchantress » nous ramène directement à l’époque du DREAM THEATER de début de carrière, celui de Charlie Dominici, et l’époque magique de When Dream and Day Unite. On y retrouve en effet le même sens du métissage entre Heavy Metal classique et classieux et Power Metal tirant sur le Thrash dans les moments les plus denses, et surtout, cette envie de s’extirper d’un carcan de genre trop restrictif. Bien évidemment, la comparaison ne résume pas toute la philosophie de ce groupe venu de Barcelone, mais il en balise grossièrement les contours, ce que les influences avouées sur la page Facebook ne font que confirmer.
Outre DREAM THEATER, les BORN IN EXILE citent volontiers SYMPHONY X, OPETH, RUSH, MYRATH, LEPROUS, CIRCUS MAXIMUS, mais aussi PINK FLOYD, TWELVE FOOT NINJA, pour offrir à son public une image sonore aussi vaste que possible. Instrumentalement, le quintet est au-dessus de tout soupçon, et propose des parties touffues, pointues, qui passent par tous les registres, instrumental capable d’évoquer en quelques secondes PRETTY MAIDS, DREAM THEATER, ECLIPSE, SYMPHONY X, sans tomber dans la paraphrase bête et méchante. Mais autant le dire sans ambages, le point de focalisation du groupe reste sa formidable chanteuse qui a le talent d’éviter tous les poncifs de vocalistes pseudo-opératiques qui inondent le marché de leur hululement pénible et rébarbatif. Avec un registre très étendu, Kris Vega s’adapte avec brio à tous les registres, capable de chanter fermement le Heavy le plus brûlant tout en lâchant quelques grognements de bon aloi, sans négliger le feulement de parties mélodiques qui lui vont à merveille. La chanteuse est donc versatile, et possède un timbre au grain prenant, adaptant son interprétation aux ambiances développées, qui sont aussi nombreuses que différentes. Le groupe privilégie bien évidemment les morceaux plutôt longs, mais jamais trop, restant dans les balises raisonnables de six minutes au plus, pour ne pas nous perdre dans un dédale faussement progressif sans sortie viable. Ces longs morceaux sont d’ailleurs l’occasion d’utiliser les idées les plus pertinentes, entre attaque Progressive franche et massive et nuance plus marquée, avec un « One More Line » sinueux, réconciliant NIGHTWISH, LACUNA COIL, DREAM THEATER et un Heavy Metal plus foncièrement nineties.
La production, claire et dense permet à chaque musicien de se sentir à sa place et d’en avoir assez pour s’exprimer, la basse s’autorisant quelques incartades en roulade pour se glisser entre la batterie et les guitares. Le clavier parvient même à laisser sonner ses notes, sans envahir l’espace, se contentant la plupart du temps de travailler sur des arrangements de fond, pour conférer à l’ensemble une patine synthétique sans empiéter sur la rudesse des guitares. Avec un mixage équilibré, le groupe espagnol peut donc mettre en avant ses nombreuses qualités, et se montrer à l’aise sur tous les terrains. C’est ainsi qu’après une salve de titres puissants et virils, Transcendence nous offre une pause salvatrice à mi-parcours, avant de reprendre de plus belle sa démonstration de force et de technique sur « Ziggurat ». Accentuant encore plus ses aspects les plus Power et Thrash, le groupe sort l’artillerie lourde, avec toujours en exergue ces riffs presque Néo que DREAM THEATER utilisait durant sa période Train of Thought/Octavarium entre 2002 et 2005. Les enchaînements sont d’ailleurs symptomatiques, mais cette rage en écume rappelle aussi les hybridations tentées par NEVERMORE sur ses albums les plus fameux, et c’est avec plaisir qu’on retrouve cette marche en équilibre sur la corde tendue entre les styles, Progressif dans l’esprit, mais avant tout aventureux et désireux de proposer autre chose qu’une simple démonstration. Et avec les syncopes proposées par le duo inventif et efficace Carlos Catillo/Joaco Luis, la rythmique s’en donne à cœur joie dans la variation des tempi, alors que la brillante Kris ose des cris rauques et sourds entre deux évacuations de gosier convaincantes. Très intelligent, le quintet s’est limité dans le temps, ne gardant que ses idées les plus pertinentes, proposant ainsi une succession de morceaux variés, mais tous reliés par un fil d’Ariane. Tentant le coup de l’arythmie pour mieux appuyer un riff roublard (« Save Us »), BORN IN EXILE se rapproche encore un peu plus du DREAM THEATER de « Honor Thy Father », avant de se décaler vers une grandiloquence évolutive sur le superbe « The Lighthouse of the Haunted Keeper ». Mélodies classiques mais mises en valeur par un chant velouté, crescendo en retenue qui évite les poncifs de constructions éculées depuis « Stariway to Heaven », pour un passage en revue exhaustif de toutes les tendances en vogues au vingt-et-unième siècle.
Transcendence se termine même par un dernier morceau de bravoure, « Torch », qui permet de valider le titre de l’album et de provoquer des accointances fantômes entre les espagnols et les américains de CRIMSON GLORY, les deux groupes partageant ce point de vue sur une complexité précieuse qui ne tombe jamais dans l’élitisme. On peut même parfois penser à du QUEENSRYCHE dernière époque mixé à du DREAM THEATER plus percussif, et au bout du compte et de l’écoute, on ne peut que saluer les efforts d’un groupe qui cherche à aller plus loin que les figures d’usage pour forger son propre style.
Titres de l’album :
01. Heretic Antiphon
02. Enchantress
03. Living Inside Me
04. Herd Of Deception
05. One More Line
06. Ziggurat
07. Save Us
08. The Lighthouse of the Haunted Keeper
09. Torch
Superbe ce papier avec un chroniqueur qui, ça se sent, a vécu l'époque Roadrunner et sa superbe compilation (a la non moins superbe pochette) Stars on Thrash.Achat obligatoire.P.S : Euh moi une ex m'appelle pour prendre de mes nouvelles et me proposer (...)
19/03/2024, 12:13
Très cool de découvrir ce groupe ! La présentation est plus fluide mais il faudrait laisser la place à un extrait à mon avis et ça permettrait de mieux rythmer la vidéo.
19/03/2024, 08:17
Perplexe également.Dehydrated et Out of the Body (Out, pas Ovt sans déconner ! C'est quoi leur manie de remplacer les U par des V ?) sans Martin Van Drunen, j'ai même pas assez de curiosité pour écouter ce que ça peut donner.
19/03/2024, 07:52
J'avais aimé le premier Vltimas. Il fait partie de cette tonne d'albums que l'on oublie mais qu'on ressort de temps à autre pour se les repasser et se dire "ah ouais, c'est pas mal" avant de les remettre en place.J'ai écout&eacut(...)
19/03/2024, 07:43
Tant mieux pour ceux qui aiment moi ils me font chier avec cette fétichisation du metal old school.
18/03/2024, 17:37
J'aime bien le principe de réenregistrer des classiques pour voir ce que ca donne avec un son actuel. Le problème est double ici : réenregistrer des morceaux récents n'a que peu d'intérêt, et surtout en me basant sur le titre mis en é(...)
18/03/2024, 13:13
Oui, et non. Dans le sens que s'ils veulent vendre leur compile qui sent très fort le réchauffé, il vaut mieux qu'ils écoutent un minimum la base de fans qui seraient potentiellement intéressés par l'objet (et ils ne sont pas Maiden qui peu(...)
18/03/2024, 08:05
J ai adoré ce film qui m'a fait connaître ce groupe. Depuis je me repasse leurs tubes.
17/03/2024, 14:07
J’ai pris la version cd version digipack plutôt que le vinyle car il y avait 3 titres bonus .trop tôt pour donner un avis mais je ne m’ennuie pas, sans être transcendant mais on peut pas exigeant avec ce groupe et une telle carrière. Cela dit il fai(...)
16/03/2024, 11:55
Bon...Pour l'instant, je ne l'ai écouté qu'une seule fois...Mais dans l'ensemble, j'ai été quelque peu déçu.La faute à un côté Power bien trop présent tout au long de l'album.
13/03/2024, 07:24
groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom. FOUR
13/03/2024, 06:17
Commande faite direct au label.Hâte d'écouter les nouvelles versions de The Song of Red Sonja ou The Thing in the Crypt.Meilleure nouvelle de la semaine,Merci pour la chronique en plus hyper favorable
11/03/2024, 15:32
Terrible.Déjà que le EP envoyait sévère dans la veine Wotan, early Blind Guardian ou Manowar, voici l'album !Achat obligatoire
11/03/2024, 14:55
toujours pas de Phobia à l'affiche.... j'y ai cru pour les 25 ans et tout ...
11/03/2024, 07:39