Ils sont deux, mais ne sont ni Starsky et Hutch, ni Cagney et Lacey. D’ailleurs, on imagine assez mal l’un de ces duos jouer un Blackened Thrash aussi corsé, même si les enquêtes des précités ont du piment et réservent toujours des surprises. Non, eux s’appellent Manny Soares (batterie/chant) et Nicolai Orifice (guitare/claviers/fx), et ils agitent l’underground new-yorkais depuis quelques années, de leur musique méchante, agressive et puissante, puisant sa source dans la fontaine Thrash polluée de bactéries Black Metal plus ou moins létales.
STRESS ANGEL, c’est du stress, mais pas vraiment angélique. Il n’est donc guère surprenant de les retrouver au catalogue de Dying Victims Productions, label toujours friand de petites gâteries bruyantes et malpolies. Les passionnés les connaissent déjà, puisqu’ils se sont exprimés en longue-durée il y a trois ans, par le biais d’un premier album tonitruant. Et les échos de Bursting Church résonnent encore dans nos tympans fatigués, au point de ne toujours pas être remis de cette secousse sismique volume 8.
En 2024, le duo opère donc un retour fracassant, en neuf titres et quarante minutes de boucan. Plus encore que le rétro-Thrash, le Blackened Thrash exige un investissement total, le style ne supportant ni le juste milieu ni la modération de composition. Alors, les deux musiciens de Brooklyn ont une fois encore réveillé les démons qui chatouillaient autrefois les pieds de POSSESSED et du dortoir Cogumelo, histoire de leur demander si leur muse avait un peu de temps libre pour les inspirer.
Et visiblement, cette dite muse en avait.
Produit comme un album de proto-Black des années 80, mal embouché comme une démo de SODOM jouée par Euronymous dans son magasin Helvete, Punished by Nemesis sera au choix la Némésis de tous les amateurs de sensations calibrées, ou la catharsis des malades de l’attaque frontale et vicieuse. Les riffs virevoltent, la section rythmique a l’abattage de celle du DEATH de Scream Bloody Gore, et l’ambiance se repaît des restes laissés sur la table par PROTECTOR. Du beau mode pour un banquet sale et sentant la viande rance, pour un regard en arrière vers les racines, celles qui détruisent le bitume en avançant de plusieurs centimètres par an.
On peut évidemment rester de marbre face à cette démonstration occulte d’impolitesse crasse. Les thèmes sont d’usage, le rasage est approximatif, mais l’album dégage ce parfum irrésistible des flacons restés trop longtemps dans la pharmacie, et qui moisissent de joie sous le regard circonspect des quelques clients qui ont osé franchir la porte.
Un écho persistant et symptomatique du BATHORY des grandes années faussement sataniques, mais des structures intelligentes et qui ne se contentent pas d’accumuler les poncifs pour épater la maigre galerie. Avec quelques mélodies qui percent l’armure, et des breaks inventifs, STRESS ANGEL se tire de la masse grouillante des suppôts de Satan qui attendent leur supo en pestant.
Des barbares, mais des barbares éduqués, et plus intelligents que la moyenne. Un brio incontestable au moment de débrider la bestialité au détour d’un break bien amené, une manière de rester collé aux basques d’une éthique bestiale, celle-là même que le jeune SEPULTURA défendait bec et ongles, pour un tracklisting faussement simple et évident, mettant en relief une somme d’idées plus conséquente qu’on ne l’aurait pensé.
Des réminiscences de la scène Death de Suède, avec ces gimmicks en vautours qui planent au-dessus des charognes, pas mal de clins d’œil adressés à l’ancienne génération, mais de la générosité au moment de distribuer les paniers repas qui empestent le rance et le moisi. « Close To The Presence Of Suffering », parangon de cette démarche permet de mieux comprendre le cheminement, et d’apprécier les choix de production qui louchent méchamment sur la période 85/86.
Du ressentiment donc, mais des ambitions. Celle notamment de proposer autre chose qu’un vomi musical entre deux messes de la fesse, et de ne pas se contenter de citer HELLHAMMER dans le texte pour la énième fois. Classique mais bien foutu, traditionnel mais repu, ce deuxième album de STRESS ANGEL est une véritable déclaration d’amour au Thrash le plus Black, celui que les critiques craignaient il y a quarante ans, et qu’ils réduisaient à un barouf inintelligible et méprisable.
Plus Black que Thrash à l’occasion (« Jericho's Trumpet »), plus Death que Black à l’horizon (« Ridicules Of Death »), Punished by Nemesis est une douce punition pour les masochistes que nous sommes, et une façon de voir la réalité au travers du prisme occulte américain.
Solide et téméraire.
Titres de l’album:
01. Punished by Nemesis
02. Monsignor's Wish
03. Ritual Debt
04. Close To The Presence Of Suffering
05. Ancient Weakness
06. Jericho's Trumpet
07. Ridicules Of Death
08. Missionary Zeal
09. Ministerial Road
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