Suffocation + Enterprise Earth + Sanguisugabogg + Organectomy

Suffocation, Organectomy, Sanguisugabogg, Enterprise Earth

Le Rex, Toulouse (France)

du 28/01/2024 au 28/01/2024

Cela faisait presque longtemps, nous voici de retour à Toulouse… Ma dernière rencontre avec Suffocation remontait à peu (l'été 2022) mais la qualité du dernier album suffisait à convaincre que cette nouvelle tournée vaudrait le détour. Au départ, j'avais même prévu de passer toute la fin de semaine sur place car Orphaned Land avait aussi programmé une tournée, qui devait s'arrêter au Metronum deux jours avant. Mais le retour de la guerre les a amenés à reporter le voyage, presque au dernier moment. Qu'à cela ne tienne, j'ai réduit mon plan mais maintenu le volet le plus violent, car ça promettait.

Bien que le Rex soit une salle de concerts depuis une dizaine d'années, je n'ai découvert le lieu que récemment. À Toulouse comme ailleurs, la réduction du nombre de salles se fait sentir. C'est situé au débouché de l'ancienne route de Paris sur les boulevards et la place Arnaud Bernard, soit juste à l'entrée nord de la vieille ville, et à deux immeubles de la maison où est né Claude Nougaro, pour aborder le sujet de la chanson aimable, poétique et populaire qui nous rassemblait tous ce soir.


Si j'ai bien suivi, cette tournée des brutes commençait à peine. Et le succès public n'avait rien de commun avec la tournée estivale de Suffocation où le groupe n'avait emmené aucune première partie, dans une autre salle moins adaptée d'un autre quartier et devant une assemblée réduite aux fans locaux pas encore partis en vacances. Ce soir, on approchait du plein même si la billetterie était ouverte. La capacité du Rex étant d'un demi-millier de personnes, cela faisait plaisir et je n'étais pas le seul à avoir fait du chemin pour l'événement (le dimanche, c'est plus facile). Dans le couloir d'accès, le merch privilégiait l'habillement mais on pouvait aussi trouver des accessoires signés et des vinyles (pas de cds…). Au reste il y avait déjà beaucoup de gens habillés aux motifs de la tête d'affiche, qui a un statut d'institution du Metal extrême tout entier.


Pile à l'heure prévue, c'était un pensionnaire de Unique Leader qui se chargeait d'ouvrir le feu. ORGANECTOMY vient de Nouvelle-Zélande et c'est un bon exemple de la production habituelle du label de feu Erik Lindmark. Leur Death brutal fortement teinté de Slam n'offrait nulle originalité mais c'était bien ce qu'il fallait, le public a été rapidement emballé. Le chanteur avait son growl filtré pour sonner comme l'évier qui se vide, sans tomber dans la pire caricature de ce type d'effet. Comme c'est une formation plutôt expérimentée en réalité, l'ensemble tapait tout à fait d'aplomb pour déployer un riffing empruntant largement au beatdown, en fin de compte. Mais quelques passages accélérés ont permis à la fosse d'apparaître dès le groupe d'ouverture, ce qui n'est jamais évident. Entre deux titres on apprit qu'il y a normalement un cinquième membre qui a dû malheureusement renoncer à suivre la tournée. Même si la puissance d'un son correct mais pas franchement fin pouvait le cacher, il m'a bien semblé à plusieurs reprises qu'une seconde couche de guitares était effectivement samplée, le guitariste sur scène jouant la partie de rythmique de fond exigeant une gestuelle très différente du riff principal. Le bassiste avait un instrument sans tête, sous sa casquette. D'une rigueur quasi professionnelle, Organectomy ne peut être taxé de la mollesse si courante dans leur style. Maîtrisé, typique, basique, c'était idéal pour commencer et la conformité aux attentes de l'assistance a permis aux mutileurs de convaincre tout le monde à ce niveau, voire de gratter quelques nouveaux fans. Organectomy a clairement déjà atteint ses limites artistiques et probablement techniques, au milieu d'un terrain balisé et d'une cohue infinie d'autres groupes du même acabit. Mais se greffer sur une telle tournée est un atout énorme pour sortir de la masse.


On souffrit un peu avec un interlude meublé de Rap américain. Mais cela amusait les fans plus jeunes qui ont plus l'habitude de baigner dedans.


SANGUISUGABOGG est un phénomène pour avoir percé au niveau mondial en quatre ans à peine et malgré la pandémie. Je crois que c'est déjà leur seconde tournée en Europe et ils ont une bonne base de fans. Ils sont arrivés avec cette familiarité typique de jeunes ricains qui venaient là comme s'ils allaient jouer devant leurs amis de toujours dans l'Ohio. On n'avait plus entendu de guitare aussi compressée depuis Mortician et ce son extrêmement gras et saugrenu tranchait avec celui guère plus raffiné mais au moins plus traditionnel du précédent groupe, dont la toile de fond à son nom était restée accrochée derrière la batterie d'Eric Morotti. Pour autant, le recours très régulier aux beatdowns était similaire. Le growl porcin et les paroles savoureusement stupides de Devin Swank, les quelques samples introductifs, le jeu ferme de Cody Davidson sur une batterie terriblement grêle, tout cherchait à repousser les limites des caractéristiques connues du Slam Death (le logo illisible étant donc manquant). Quoique les vocaux étaient moins trafiqués qu'en version studio.

Le public répondit encore plus positivement et malgré l'absence de basse qui rendait la chose vraiment astringente à mes oreilles, je me laissais aller à headbanguer tant certains riffs emballaient méchamment. Des slammers apparurent même sur le bord de la scène. C'est sans doute ainsi que leur succès assez foudroyant peut s'expliquer : servir un Death de Troll des cavernes retardé mental devient crédible avec un bon art de la syncope accrocheuse, et quelques accélérations passant le cap du blast traditionnel. L'un des guitaristes, dont c'était l'anniversaire, faisait les chœurs et portait un t-shirt de Kickback. Ceci en disait autant de l'hommage au pays visité que de la part d'inspiration tirée d'un certain Hardcore, qui est la source de la substance Slam de leur Death de prépubère accro aux splatters qui a mis son popo en photo de profil sur snap. Les quelques harangues et annonces de titres de Devin Swank, levant régulièrement son gros bras gauche, formaient une communication suffisante. Le dernier titre fut "Dead as Shit", particulièrement acclamé pour son premier riff simple et efficace, qui culmina la communion avec les fans et une brochette de slammers sur scène. En parlant de Slam, Sanguisugabogg est déjà à la tête de la nouvelle génération. Même si j'en ne suis pas ressorti converti à cette conception du Death Metal qui n'est pas franchement la mienne, on pouvait ça se laissait manger comme le suggéraient les premières douleurs articulaires.


À partir de quatre groupes sur le plateau il y en a inévitablement au moins un où l'attention décroche un peu, on va se relâcher vers le fond et se ravitailler à l'aise. Prévisiblement, c'est ENTERPRISE EARTH qui fit les frais de ces besoins en étant le groupe le plus décalé de la direction globale du programme. Mais cette différence justifiait aussi qu'on s'y intéresse, même de plus loin. Et puis ils avaient aussi une poignée de fans à eux dans le tas. Leur son tranchait déjà avec tout le reste, moins accordé dans les graves et bardé de polyrythmies qui allaient pas mal à leur Deathcore. La masse de cheveux du growleur-chanteur contrastait avec les têtes rases des deux instrumentistes à ses côtés, le guitariste arborant fièrement un t-shirt sans manches à la gloire du Priest. Le propos était nettement plus varié, le quartet montrant un goût certain pour l'expérimentation mesurée à coup de samples orchestraux, guitare sèche, envolées vocales montrant les capacités du titulaire dans divers registres. Apparemment, ce chanteur n'est arrivé que récemment dans le groupe. Il paraît également que ce goût pour les breaks inattendus serait à l'image de leurs thèmes sortant des codes du style. À mesure, l'inspiration Meshuggesque laissait mieux entendre la base Deathcore tout à fait classique. Quelques solos de guitare faisaient du bien aussi, à ce stade. Ceci dit, je n'ai pas été non plus transporté par toutes ces audaces de composition, rafraichissantes mais pas bouleversantes tant s'en faut, voire hasardeuses pour certaines. Devant, le groupe moissonnait quand même un certain succès en mettant cette troisième couche de pilonnages à l'unisson, certes plus colorée. La fracture entre Death traditionnel et Deathcore a beau s'accentuer culturellement, cela passe encore le temps d'un set. Le chanteur se mit torse poil au bout d'un moment. Alors qu'ils ont un nouvel album à défendre, une discographie déjà solide et une musique objectivement plus ambitieuse, le deuxième groupe Américain de la soirée dut se contenter d'un temps de parole équivalent aux deux groupes précédents.


Le dernier intermède était meublé par un enchaînement de classiques de groupes tous New-Yorkais. Je ne sais pas qui était derrière, mais ça ne pouvait pas être un hasard.


Cette fois, SUFFOCATION s'installa sans autre intro que le beuglement de la masse et ouvrit le feu avec un premier extrait du dernier album. Le son n'était pas parfait (difficile de bien mixer après trois groupes sonnant si diversement) mais il s'améliora par la suite et n'empêcha pas dans l'immédiat d'obtenir une chaleureuse acclamation confirmant l'excellent accueil obtenu par cette publication. Le déterrage d'un titre issu du plus anecdotique "Blood Oath" indiquait cependant que comme d'habitude, nous allions parcourir toutes les étapes discographiques de cette longue carrière et, somme toute, les extraits d'albums moins marquants passent bien par petites bouchées entrelardées dans le reste. Ricky Myers, qui a balayé toutes les réticences depuis beau temps, a maintenant imposé sa propre attitude, exhaussant sa grande taille sur les retours, donnant des coups de faux de ses deux bras tatoués. Il se permet même un peu d'humour, par exemple quand le second guitariste Charlie Errigo entonna un vieux riff bien connu de Death pour régler sa guitare… Mais on risque d'attendre encore longtemps pour voir les New-Yorkais tenter des reprises. Pour l'instant, les morceaux-titres des vieux albums rétament toujours sans merci, emportant à nouveau le moshpit dans la tornade ou d'autres dans un headbang frénétique.

Les superlatifs sont assez vains pour évoquer ce dont est capable Suffocation qui est non seulement un fondateur, mais encore aujourd'hui dans une autre dimension du Death Brutal. Cette sauvagerie méthodique est encore un modèle de par son fondement classique, des compositions pensées comme des ensembles structurés au tempo varié, laissant place à quelques solos ébouriffants où Terrance Hobbs agitait ses dreadlocks. En pendant Derek Boyer n'est pas en reste avec sa tignasse blonde devenue iconique, quasiment accroupi sur sa basse qui sous-tend chaque titre ; lui aussi s'offre quelques solos en forme de ponts d'une précision implacable. Combien de groupes négligent cet élément si précieux pour toucher les sommets de la brutalité musicale, à commencer par ce soir même ?

S'il était plus difficile de bien tout voir que l'autre fois, le jeu d'éclairages jusque-là correct pour les autres groupes recourut régulièrement à un contre-jour faisant paraître les musiciens comme des formes noires dans un fond orangé, ne laissant en lumière que la toile de fond au nom du groupe, donnant une dimension esthétique visuelle assez inédite dans mes souvenirs.

Dans un public assez éloigné de la parité, les conjointes courageuses s'amusaient quand même bien, tant une telle démonstration ne peut laisser personne indifférent. Si les slammers n'osaient plus prendre appui sur la scène, ils surgissaient ici et là dans l'assistance. S'il est moins truculent que Frank Mullen, Ricky Myers ne manque pas de rappeler l'histoire du groupe antérieure à son arrivée, notamment pour introduire "Catatonia", le premier morceau créé par Suffocation, très direct et à jamais imparable. La setlist s'orientait peu à peu vers les plus anciens titres pour faire grimper encore la tension. L'un des guitaristes de Sanguisugabogg (celui avec un t-shirt de Discordance Axis) rigolait depuis le côté de la scène avec Eric Morotti, dont le mix de la batterie fidèle à la tradition du groupe et à ce que devrait toujours être le Death brutal nous épargnait tout son de casserole. David Swank réapparut soudainement sur scène pour doubler le dernier couplet de "Liege of Inveracity", comme un geste de complicité entre générations (le passage de témoin attendra). Alors que nous pensions être suffisamment pulvérisés après un ultime extrait terrassant du premier album, comme nous étions un peu en avance sur l'horaire, le groupe revint rapidement sur scène et Ricky sonda en vitesse le public en offrant deux titres au choix comme rappel. Ce fut assez curieusement celui issu de l'album éponyme qui l'emporta, sans doute parce que cela leur faisait plaisir de varier plutôt que comme reflet sincère d'une volonté collective consultée en un éclair… Ce n'est pas grave, un titre un petit peu moins agressif était une bonne manière de nous raccompagner vers la descente, après cette démonstration de rage posée quasi inhumaine en une heure dix.


Seraphim Enslavement/ Cataclysmic Purification/ Breeding the Spawn/ Dim Veil of Obscurity/ Pierced From Within/ Funeral Inception/ Perpetual Deception/ Effigy of the Forgotten/ Catatonia/ Hymns From the Apocrypha/ Liege of Inveracity/ Infecting the Crypts

Bind  Torture Kill.


En se rhabillant calmement, avant d'affronter le froid vif d'un méchant vent d'ouest nocturne, on retrouvait quelques vieux camarades qui n'avaient pas quitté les premiers rangs ou au contraire préfèrent toujours garder du recul sur le spectacle. Des courbatures sévères m'ont saisi sans avertir dès mes premiers pas sur le boulevard, confirmant que ce plateau Death nous avait durement rossé ! Il est à présent certain que je ne pourrai hélas pas revenir ici même pour Obscura/ Cynic/ Cryptosis, mais le programme est déjà convenablement rempli jusqu'à la fin de l'hiver.


par RBD le 01/02/2024 à 17:52
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Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Nubowsky
@77.192.239.20
01/02/2024, 21:06:51

En effet, excellente date qui méritait largement le déplacement depuis Montpellier. Les anciens sont encore bien présents. Vivement le second round au Hellfest..

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