Presque nouveau venu sur la scène BM française, MOR sort enfin de sa tanière pour grogner en longue-durée, via ce Hear The Hour Nearing! au point d’exclamation assez menaçant. Menaçant, mais pertinent. Deux ans après un gros live baptisé de son année de sortie, le quatuor de Rouen nous assène un énorme coup sur la nuque sous la forme de neuf morceaux oscillant entre Black puriste et Black atmosphérique, dans la grande tradition des pur-sang de l’écurie des Acteurs de l’Ombre. Classicisme de rigueur, mais loin d’une épure à la plume nordique ascétique, ce premier album se poserait plutôt comme postulat de mise en demeure, dans une époque où la guerre fait partie intégrante du quotidien de millions d’êtres humains.
MOR et ses musiciens aux initiales mystérieuses (J.P. - basse, D.H. - batterie/chant, B.R. et B.S. - guitares) plante donc le décor d’une secousse sismique cotée 8 sur l’échelle de Richter. Une secousse produite de main de maitre par des sismologues qui connaissent leur boulot, et qui savent faire sonner le Black traditionnel comme une nouvelle apocalypse à venir.
La prise de contact est donc rude, et cette brutalité sourde est accentuée par une production très grave qui fait trembler les pavillons. On subit donc un son aplatissant et ample à la fois, comme si l’éthique Raw pouvait pour une fois s’accorder d’un mixage carré et professionnel. Mais aucun doute à avoir : MOR est terriblement féroce, comme le souligne l’ouverture traumatique « The Vanishing of Matter ».
Les riffs, les arrangements, les structures respectent un point de vue traditionnel, avec une grosse part laissée à l’action/réaction, et des pics épidermiques de violence qui se manifestent via un tapis de blasts et de lignes vocales d’une gravité sentencieuse.
Le produit est donc complet, comme très souvent avec les élèves Ladlo, et cette pochette étrange au symbolisme abscons permet d’appréhender la musique avec en tête des éléments peu précis. Pour être clair, le BM qui vous attend tapi dans l’ombre est cruel, vorace, mais aussi mélodique et nostalgique, ce qui permet d’aérer légèrement cette pièce à l’oxygène se faisant rare. « The Letter of Loss », le chapitre le plus long du métrage, tente et parvient à retranscrire en musique une lettre de désespoir quant à la perte d’un être cher, et imbrique un passage en son clair fragile à une reprise gigantesque qui tient plus du char d’assaut que du passage du facteur.
MOR est donc chez lui avec les Acteurs, et honore le legs d’un label qui depuis des années œuvre pour la cause avec une foi sans failles. Entre les attaques létales des années 90 et la musculature d’un monstre nihiliste des années 2010, Hear The Hour Nearing! nous propose une apocalypse avancée, alors que les spécialistes nous prévoient un point de non-retour en 2050.
Aussi intense qu’une séance de torture à Guantanamo, aussi obscur qu’une nuit sans lune entre disciples encapuchonnés, ce premier album impressionne par sa justesse et sa bestialité clinique. Sans aller jusqu’à vous vendre de l’inédit qui n’en est pas, il convient de souligner que le quatuor ose suivre des pistes moins fréquentées pour valider son propos. « Sulfur », premier single, rappellera la méchanceté du MARDUK le moins accommodant, mais aussi la vague suédoise bruitiste de la fin des nineties, lorsque les discours se radicalisaient. Loin du Noise et du minimalisme puriste, Hear The Hour Nearing! joue la carte de l’assurance crasse et du culot totalement justifié. Ainsi, les musiciens n’ont pas à se perdre en présentations inutiles, jetant immédiatement l’huile bouillante sur le supplicié.
Une belle diversité dans la brutalité, une envie d’exploser les compteurs et de faire constamment monter la pression, pour un disque construit avec une logique implacable, et une énergie recyclable incroyable. « Sutcivni Los », l’un des titres les plus evil que vous pourrez écouter ce premier semestre valide une fin d’album orgiaque et maniaque, et « Smaragdina » enfonce encore un peu plus le clou dans le cercueil de l’admiration vouée à 1349, avec ses nombreuses cassures et ces deux guitares qui sonnent comme des bourrasques.
Froid, mécanique, MOR s’affirme et bande les muscles. « Eden », plus proche de l’enfer le plus terrible que du proverbial jardin au pommier et serpent, joue la complexité, mais ne glisse jamais le long de la dangereuse pente avant-gardiste. D’ailleurs, la plupart des titres sont concrets, lucides, et frappent le plus fort possible sur une âme déjà bien abimée. On se laisse porter par un batteur qui connaît très bien son boulot, et qui en plus, se permet de vomir son fiel dans le micro sur un monde d’inégalité et d’égoïsme.
Une belle performance donc, qui ravira les amateurs d’un Black tirant presque sur le War Metal parfois, et qui n’a gardé du Raw Black que son intransigeance et ses excès sonores.
Presque à envisager comme un album de Black évolutif, Hear The Hour Nearing! ne fait pas que nous crier son avertissement. Il le hurle d’une voix inhumaine, et nous trimbale de purgatoire en bucher enflammé, telles des sorcières/fans prenant leur revanche sur la bigoterie ambiante. Une sacrée claque pour un volume déraisonnable, mais totalement en phase avec sa philosophie extrême.
Et faites-moi confiance. J’emploie le mot « extrême » à dessein. Et pas animé.
Titres de l’album:
01. The Vanishing of Matter
02. Eden
03. Third Path
04. The Apprentice
05. Cave of Shadows
06. The Letter of Loss
07. Sulfur
08. Sutcivni Los
09. Smaragdina
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