Enslaved + Svalbard + Wayfarer

Enslaved, Wayfarer, Svalbard

Victoire 2, Saint-jean De Védas (France)

du 15/03/2024 au 15/03/2024

Grâce au partenariat avec Garmonbozia, l'association What the Fest enchaîne les jolis coups avec la seule date en province de cette tournée. Annoncée depuis longtemps et bénéficiant de l'aura de la tête d'affiche, elle a convaincu quelques locaux qu'on ne voit plus trop aux soirées de rechausser leurs rangers. L'effet d'attente m'amena aussi à me replonger succinctement dans la vaste discographie d'Enslaved, ce que je ne fais pas toujours. Je ne suis pas un très grand connaisseur du Black, mais leurs thèmes de base et leur aventurisme musical me suscitent plus d'intérêt que les autres grands noms de la scène Norvégienne. Et au terme d'une magnifique journée printanière, nous rallions donc une nouvelle fois Victoire 2, un peu en retard bien que juste à temps.

Les groupes avaient du merch' en quantité moyenne, mais je ne m'y suis guère attardé. Le temps de retrouver quelques camarades dans une affluence correcte, comprenant des fans venus d'un rayon assez large, mais tout de même loin du plein ce qui est assez ingrat. Après tout, c'est sans doute un plaisir élitiste qui nous attendait et peut-être aussi que l'hétérogénéité des premières parties a dissuadé un certain nombre d'hésitants.


Avec quelques minutes d'avance, les quatre Américains de WAYFARER s'avançaient sur scène dans une pénombre ton sur ton en accord avec leurs tenues entièrement noires, le guitariste non chanteur portant un chapeau qui indiquait bien où était leur enracinement culturel. Après une intro' lentement montante, ils ont déployé un mélange d'Americana, de Country et de Death Doom Mélodique épique qui sonnait classique, tout en étant très original sur le fond. Les références à la culture du Midwest (ils sont de Denver) apportaient une coloration unique, une réinvention de Primordial ou Agalloch née au pied des Rocheuses, tout en noir et blanc à l'instar du logo du dernier album qui apparut en fond de scène. Les vocaux étaient partagés entre le bassiste et le guitariste, sans qu'il y ait une différence majeure ; mais on remarquait que les parties claires étaient honnêtes sans pour autant avoir un grain qui aurait accentué la personnalité sonore du groupe. Ils m'ont immergé dans leur univers sans trop de mal par leurs montées lentes, mélancoliques et élégantes parsemées de quelques samples et même de bonne grosse double. L'innovation esthétique sobre mais pertinente d'un groupe qui repousse la frontière, comme leurs aïeux, m'a séduit. L'éclairage comprit ensuite des nuances d'un jaune dur comme le soleil des prairies. Communiquant normalement, ils reconnurent évidemment que c'était la première fois qu'ils venaient dans le sud de la France. Le set s'arrêta au bout d'une demi-heure que j'aurais volontiers prolongée. Pour l'anecdote, deux des membres sont aussi dans Stormkeep.

Comme par hasard, des gens présents fans de Metal Folk et de musique traditionnelle américaine n'ont pas beaucoup aimé. Surprenant ? Pas vraiment : il est courant de ne pas apprécier le mélange de deux styles qu'on aime, tant on recherche dans l'un et dans l'autre des sensations différentes selon nos états d'âme multipolaires. Les trouver mélangés est déstabilisant pour l'âme.


Avec un nom comme SVALBARD on pouvait s'attendre à la formation nordique ultime, la première vague de drakkars montée à l'assaut des terres glacées et inconnues... Que nenni ! Ils sont Anglais et leur musique est tout ce qu'il y a de plus moderne. Ce Post-Hardcore à gros son Métallisé emprunte au Black, à l'Emo (beaucoup), au Hardcore New-School de tradition (!), au Shoegaze pour ses quelques moments calmes. La sensibilité brisée émanant des riffs, les growls et hurlements envoyés par la guitariste Serena au micro ravivaient les sensations connues ici même il y a quelques mois avec Brutus. L'autre guitariste du quintet, installé tout près des coulisses très à gauche en regardant, assurait une partie des vocaux et là encore l'utilité de se les partager ne tenait pas à varier les timbres : c'est que cela permet surtout de répartir l'effort, dans un registre qui est en réalité plus fatiguant pour la gorge que le Death guttural bien maîtrisé. Mais c'est Serena qui assurait la communication, tentant d'utiliser un peu de français et arborant un large sourire pour expliquer des titres finalement bien engagés sur des thèmes de la génération des millenials, ou déchirés par les conflits internes. Musicalement, tout cela est tellement entendu de nos jours que cela sonnait très familier, même les non-fans étaient en terrain très connu et j'y prenais un certain plaisir car on y goûte à la fois une énergie accrocheuse et une petite fragilité émouvante. Toutefois il me semblait aussi que les riffs auraient pu être enchaînés dans n'importe quel ordre sans que cela changeât quelque chose : il y manque peut-être la rigueur d'harmoniser une même composition pour qu'elle soit clairement lisible dès la découverte, comme le font les Belges. C'est ce qui fait la différence entre les bons et les grands, dans tous les styles. Je trouve aussi qu'on abusait des roulements de batterie, dans des parties néanmoins exigeantes tant elles changent souvent et tant le batteur tapait vigoureusement. Svalbard put s'exprimer un peu plus longtemps et sa musique dans le vent mais touchante et tourmentée remporta évidemment le succès attendu auprès d'un public qui n'était assurément pas intégriste.

On retrouvait encore du monde au dernier intermède. Une fois les gobelets remis à niveau, nous allions camper en bande juste devant la table de mixage. Ceux d'entre nous qui avaient déjà vu Enslaved connaissent sa finesse sonore et c'est toujours en étant bien dans l'axe que l'on profite le mieux du son, dans cette zone.


La salle fut plongée dans une lumière sanguine et monta à nos oreilles la mythique introduction d'"Orange Mécanique", décalage savoureux et troublant envers l'identité si marquée d'ENSLAVED qui arriva sous une grande acclamation. Le batteur Iver et le claviériste Haakon étaient installés sur des estrades en arrière, les trois membres plus anciens étant au premier rang. Grutle avait en plus de sa basse une mini console sur un trépied à sa droite, dont il usa dès le premier morceau issu du dernier album. Le début du set demeura focalisé sur la partie la plus récente de l'imposante discographie des Norvégiens. Je n'ai eu aucun mal à m'y couler du fait que ce mélange de Black et de Progressif expérimental est de très haute volée, un vrai voyage musical au-delà du folklore dans lequel il a pris naissance. Un titre comme celui évoquant les habitants des forêts des Alpes scandinaves, dans les spots vert vif, était un bon exemple. Le respect des codes les plus fondamentaux de la composition (mais pas de ses formats) permet de s'accrocher aux tempos, aux répétitions qui structurent les passages, pour mieux jouir de la variété grisante des arrangements. Concrètement, je prenais mon pied dans cette démarche qui, en soi, est proche de celle de leurs compatriotes Ihsahn et In Vain dont je portais le t-shirt (nouvel album imminent…), même s'il faut tout de suite admettre que le show en cours était mené avec une intensité incomparable. Cela n'aurait pas été possible sans la qualité du mix, dont on profitait pleinement effectivement à la place où nous étions, et qui aurait pu former parfaite matière à débat sur les avantages respectifs d'écouter en live ou chez soi avec un bon matériel. Pendant ce temps, on découvrait que Grutle montrait un certain sens de l'humour qui détendait un peu l'atmosphère, montrant un profil plus sympathique que d'autres groupes de sa génération. Notamment, il relevait que c'était l'une des premières fois qu'Enslaved jouait dans le sud de la France, à part qu'il se souvenait de Toulouse.


Tout à coup la scène baigna dans une lumière rouge à nouveau, tandis qu'Iver lança un blast qu'il ne lâcha plus, et que se mit en place dessus un titre à la manière du plus ancien répertoire, une quintessence du Black Norvégien originel totalement hypnotisante, aux paroles mystiques, magnifié par des arrangements où se sent quand même l'expérience. Cette perle nordique me transformait en fan de Black pour un soir, à envoyer ma tête à droite et à gauche (mais voûté, pour ménager les cervicales). Chaleureusement ovationné, ce morceau plus radical que le reste annonçait les premiers emprunts au répertoire le plus ancien. Même moi, j'ai reconnu le brillant et captivant "The Dead Stare" emblématique de la démarche créative d'Enslaved. L'alternance entre périodes me régala tout autant, même si je n'ai pas beaucoup tapé des mains à l'unisson sur le titre épique et plus Metal Folk exigeant que vraiment Black qui sollicitait cette participation, ce n'est pas mon truc. Mes amis connaisseurs pointus des anciens albums exprimaient peut-être plus sobrement leur plaisir, moi j'étais euphorique comme si je vivais le meilleur concert de Black de ma vie – ce qui était probablement le cas, en touriste du genre que je suis. C'est apparemment un morceau plus récent qui acheva la partie principale du set.

Iver fut le premier à revenir sur scène tout sourire, commandant avec aménité des cris à l'unisson du public conquis, puis remonta à sa place pour exécuter un solo de batterie efficace et classique… tout ça est familier du bon gros concert de Metal, mais brise sévèrement les clichés du Black Norvégien des origines, sa méchanceté, son intransigeance sans égal... Toujours à la blague lui aussi, quoique dans un registre plus simple que chez Opeth, Grutle afficha peut-être plus aisément sa complicité avec Ivar et Arve, ses compagnons de plus de trente ans qui occupaient ensemble le front de scène. Un ultime titre extrêmement ancien – et bien Black extrême à l'ancienne – fut annoncé pour terminer pour de bon le spectacle sur une saveur puriste, Enslaved ne reniant rien malgré l'immensité du chemin parcouru. Nous nous séparâmes avec les Vikings assez simplement, car il n'y avait plus rien à ajouter à une telle démonstration qui m'a marqué certainement plus que les autres groupes de Black que j'ai pu voir, même si ce n'est pas mon univers de prédilection.


Il n'y a pas lieu de narrer ici, et c'est tant mieux, ce qui s'est passé pendant l'after décidé dans l'euphorie des retrouvailles et du bon moment passé ensemble. On se bornera à évoquer la bande-son entamée logiquement par du Bathory et passant ensuite par PanterA, du Punk-Oï, Bolt Thrower, Autopsy, Type-O-Negative, King Diamond…

Malheureusement, mes obligations professionnelles m'empêchent d'aller voir et revoir les deux belles tournées Death Metal qui passent ailleurs à travers la France en cette seconde quinzaine de mars. Ça se compensera avec de belles petites affiches qui s'annoncent en ville au printemps.


par RBD le 20/03/2024 à 15:39
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Commentaires (3) | Ajouter un commentaire


Ivan Grozny
membre enregistré
21/03/2024, 21:01:06

Tournée vue à Paris, merci pour le report.


Humungus
membre enregistré
23/03/2024, 11:02:16

Je plussoie à mort ta bande son d'after hé hé hé...


RBD
membre enregistré
24/03/2024, 19:53:46

Tout le mérite en revient à notre hôte, je n'ai influé en rien sur les choix successifs. Autrement dit, cela me convenait aussi.

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