Nous connaissons tous quelqu’un qui ne parle pas beaucoup. Quelqu’un qu’on ne voit que très rarement. Quelqu’un qui sait se faire discret, mais qui dès qu’il ouvre la bouche, se montre pertinent, créatif, et diablement intéressant. C’est ce genre de personne que j’aime plus que tout, loin des m’as-tu-vu et des forts en gueule qui ne peuvent pas s’empêcher de l’ouvrir même en sachant que leur discours est stérile et leur présence facultative. Depuis le début de leur carrière, Ictus (guitare/basse/chant) et N.K.L.S. (batterie) ne nous ont pas bombardé d’interventions et d’actions, mais ont savamment distillé leur art au travers de réalisations rares, dans tous les sens du terme. Leur premier LP éponyme de 2015 révélait les contours d’un art précieux, d’une façon étrange de traiter le Black Metal, franche d’un côté, mais presque Post de l’autre. Une façon étrange, mais ambitieuse, refusant les facilités nordiques, et le minimalisme frustrant des ensembles Post se contentant de quelques notes éparses répétées ad nauseam. En cinq ans, le duo a plus volontiers privilégié l’absence et le silence, même si le split en compagnie d’HEIR et SPECTRALE est venu rompre l’habitude de ne pas entendre parler d’eux, et de ne pas les entendre parler. Mais il fallait bien qu’un jour ce silence soit rompu, et en 2020, le duo revient par la grande porte avec un second long qui ne fait pas semblant d’être singulier. Et ce second album a été amené de la manière la plus intelligente qui soit, au travers d’un guise teaser de quatre épisodes cryptiques que vous pouvez toujours découvrir sur leur page Facebook. Des petits courts métrages abscons, filmés genre super-8, qui présentent une histoire qu’on pressent noire et tragique, et qui l’est assurément.
Alors, enfin, G.O.H.E nous rappelle au bon souvenir rare d’IN CAUDA VENENUM. Depuis la sortie de l’album éponyme d’OPETH, une recherche sur ces mots renvoie immédiatement en Suède, alors que notre groupe, celui de Lyon, mérite lui aussi tous les honneurs du moteur de recherche le plus célèbre du monde. Et G.O.H.E mérite en effet tous les honneurs des horreurs, développant la musique la plus riche et hypnotique de ce marché qui se satisfait souvent d’un verbatim sans intérêt. Une fois encore, l’association française a joué la complexité et l’hermétisme, n’offrant que deux longues compositions à ses fans, sans forcément chercher à s’en faire de nouveaux. Et c’est ainsi que cette nouvelle histoire nous entraîne dans les dédales de l’âme humaine pour y piocher ce qu’elle contient de plus sombre, et y décrire l’image via un Black Metal unique, qui n’en est pas vraiment, et qui prend de plus en plus des airs de Metal progressif extrême, sans aucun équivalent sur la scène, en termes artistiques. Au sein de l’écurie des Acteurs de l’Ombre, IN CAUDA VENENUM est à l’abri de l’extérieur et des labels peu à cheval sur l’esthétique et le parti-pris le plus pointu. Gérald n’exige pas de ses poulains qu’ils se produisent à intervalles réguliers, même si un petit featuring ne le gêne pas plus que ça. C’est ainsi que nous avons récemment retrouvé N.K.L.S. à la batterie et à la basse pour le premier album de CREPUSCULE D’HIVER, mais ne soyons pas dupes. Le percussionniste n’est jamais aussi à l’aise que dans son combo d’origine, qu’il épaule depuis 2012.
G.O.H.E développe donc une histoire que je vous laisserai suivre via les paroles imprimées à l’intérieur du splendide digipack proposé par la maison de disques, qui affectionne toujours autant le support physique, et qui le considère comme une œuvre d’art à part entière. Et quelle autre dénomination pour désigner le contenu d’un album massif de deux compositions de plus de vingt minutes, qu’on écoute comme un livre d’horreur pour les oreilles. « Malédiction » et « Délivrance », en tant que deux chapitres uniques, forment un ensemble voué à l’extrême le plus bouillant, le plus créatif, et j’avoue m’être surpris moi-même de la brièveté effective de l’ensemble. On pourrait craindre avant d’écouter cette musique des longueurs insupportables, mais il n’en est rien, bien au contraire. Sans rien changer à leur art et leur approche de la violence, les deux musiciens jouent presque le même jeu que les HYPNO5E, mais transforment la lumière en ténèbres éternelles, et nous entraînent dans une spirale descendante, comme le faisait le génie Reznor à l’époque de The Downward Spiral. Entre la crudité d’un BM basé sur les guitares, la basse et le rouleau compresseur de la batterie, ce chant écorché et désincarné, et ces parties de cordes qui renforcent le tout d’un paradoxe de délicatesse, G.O.H.E poursuit les expérimentations d’In Cauda Venenum, mais va beaucoup plus loin, beaucoup plus fort, et aussi longtemps. En basant leur philosophie sur des images sonores et des atmosphères mélodiques ou brutales, et le duo propose une musique unique en son genre, parfois lancinante comme du Doom, parfois ambitieuse comme du Symphonique, mais délibérément hors du temps, hors des modes et des genres, pour échapper à toute étiquette.
Il est difficile de séparer les deux morceaux, qui sont construit peu ou prou sur le même modèle. Des alternances incroyables, des fulgurances géniales, et cette sensation de se plonger dans un maelstrom d’idées qui se télescopent comme des évènements à l’issue inéluctable, à l’image de ces films désespérés dont on connaît la fin avant qu’elle n’arrive. En tissant un canevas très serré qui permet tout juste à quelques inserts narratifs de passer les mailles, IN CAUDA VENENUM distille ses indices, mais ne se révèle jamais complètement, comme si ce secret se devait d’être encore partiellement caché pour protéger l’avenir. Mais les passages intenses le sont vraiment, les rares silences sont imposants, les cordes volent comme des lames et coulent comme des larmes, et les segments les plus rapides proposent une sorte de jonction entre EMPEROR, le classique français, et les BO anglaises de films victoriens. A part sur la scène, les musiciens le sont aussi dans le cœur de leurs fans qui savent qu’ils ne seront jamais comme les autres, et qu’ils continueront leur exploration sans s’autoriser la moindre concession. Et c’est pour ça qu’on aime par-dessus tout ces riffs sombres, ces plans rythmiques lancinants, ces harmonies amères qui suggèrent une tristesse non feinte. Et la production de l’album, massive à souhait, ne fait que renforcer la personnalité compacte et complexe d’un concept album qui vous emmènera loin des heures et plus près des heurts, loin des automatismes stériles de centaines de groupes se contentant de rabâcher la même formule jusqu’à épuisement. Le premier album d’IN CAUDA VENENUM était un petit miracle en soi. Le second en est un aussi, et je ne crois pas aux coïncidences.
Appréciez ce disque comme vous si vous y découvriez une histoire unique, racontée de dizaines de points de vue différents. Comme si des dizaines de voix s’élevaient pour rapprocher les cieux de la terre. Et délivrez-vous d’une condition humaine bien trop restrictive de nos jours.
Titres de l’album:
01. Malédiction
02. Délivrance
De la bonne chro bien pompe-dard !
Et sinon opomax, t'as des soucis pour te faire pomper le tien ou pas?
Salut Opomax.
Pour info, chez Metalnews, on ne chronique pas tout, on reçoit trop de demandes. Du coup on préfère parler de ce qu'on aime, car on n'a pas de plaisir particulier de descendre une production.
De plus, en matière d'art en général et de musique en particulier, l'appréciation d'une œuvre est purement et simplement subjective.
Libre à toi d'apprécier ou non nos écrits, le respect devant rester une notion incontournable dans les échanges...
Merci
Ben non mortne2001 puisque tu ne te fais jamais prier pour. ;)
Ah ah quel merveilleux sens de la répartie. Reviens quand tu veux tu es le bienvenu, on aime le beau verbe ici, spécialement lorsqu'il est proportionnel aux attributs ;)
Bah du coup, ça m'intéresse d'écouter ça ('tain de firewall au boulot !).
Allez, file au pot Max !
Je crois qu'il faut accepter que la scène Metal (extrême en particulier) va redevenir underground et invisible pour le profane (et c'est pas pour me déplaire). Le reste - vieux dinosaures des années 80 et jeunes groupes prêt à tout pour quelques l(...)
09/07/2025, 15:34
"la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises"En même temps quand on voit ce que propose les "jeunes" groupes faut pas s'étonner que les gens qui cherchent un peu de qual(...)
09/07/2025, 15:26
@Ivan : la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises.
09/07/2025, 13:52
Bonjour, moi je serais dans les premiers à réclamer plus de femmes sur scène, et éventuellement plus de diversité ethnique, mais je préfère largement un festival du type Fall of Summer, au Hellfest, et ce depuis 2015....
09/07/2025, 13:52
News à mettre en regard de celle sur le dernier concert de Black Sabbath, nous assistons à l'agonie d'une certaine idée de la scène metal, celle qui arrivait à faire consensus autour d'une musique de qualité et qui avait du succès. F(...)
09/07/2025, 13:16
"Avec qui en tête d'affiche? Radiohead ou Oasis?" bah ça n'a plus rien de choquant aujourd'hui. Barbaud parle de Placebo en tête d'affiche donc bon... Va falloir s'y faire, les fans de Metal ne sont plus du tout le public vis&eacut(...)
09/07/2025, 12:20
Si je voulais être méchant, je dirai : "Y a-t-il encore des fans de Metal au HELLFEST ?"
09/07/2025, 10:30
Avec qui en tête d'affiche? Radiohead ou Oasis? Plus sérieusement, je me de mande encore comment le festival peut afficher complet avec l'affiche qu'ils ont réalisée pour 2025. Comment les fans de metal peuvent encore leur faire confiance ?
09/07/2025, 10:13
@DPD : on te vois beaucoup t'attaquer aux groupes de croulants mais on ne te vois jamais la ramener sur tes groupes du moment, ce que tu aimes ou les groupes qu'il faut désormais en lieu et place de ces formations vieillissantes que tu dénonces tant...
09/07/2025, 06:45
@Jus de cadavreGenre ils on payés les frais de déplacement et l'hôtel, me fait pas rire, les enfoirés part 2. Au moins le juif Patrick Bruel tiens debout.
09/07/2025, 01:12
Très bon album avec 3/4 titres vraiment excellent et un bon niveau global.Quelques Slayeries comme sur Trigger Discipline mais rien de méchant. D'autant que le titre Gun Without Groom est vraiment terrible, en effet. Un très bon cru
08/07/2025, 23:59
Pour moi je vois c'est l'équivalent que de voir 2pac en hologramme (qui était homosexuel), peut-être même pire parce que l'illusion tiens mieux le coup, je reste sur cette position.
08/07/2025, 22:44
Les bénéfices du concert était entièrement reversés à une œuvre caritative. Aucun des groupes présents n'a palpé pour leur concert (en même temps c'était 20 minutes de live par groupe...). Après ça (...)
08/07/2025, 22:42
@SalmigondisJe sais pas si tu veux quelque chose qui fait plus l'unanimité j'ai vu Morbid Angel au bout et c'était de la merde, une prestation robotique au possible, j'ai pris plus de plaisirs sur des trucs plus locaux à la con. Il faut savoir tourn(...)
08/07/2025, 22:28
Mais quelle bande de clodos...tout le monde se branle du batteur sans déconner. Se faire du fric de cette manière c'est franchement pathétique. Massacra est mort et enterré...qu'il le reste pour conserver son statut CULTE. Honte &agrav(...)
08/07/2025, 21:54
Avant d'aller me faire voir ailleurs, je partagerai avec vous cet hommage Fernandelien :"Aux adieux de Black Sabbath, il tremblait pas mal d'la patte.Fais l'Ozzy, assis."
08/07/2025, 21:31
Ben tu m'étonnes, DPD, d'être passé à autre chose. En même temps, quand on a eu ces groupes là comme entités fétiches, on ne peut qu'aller de l'avant. C'est comme partir de zéro (je plaisante
08/07/2025, 21:26