Justice of Fire

Power

18/09/2020

Dalley Metal Music

Si vous n’avez pas vu passer cet album sur vos radars en 2020, c’est normal, ne vous inquiétez pas. Il est en fait sorti en 1994 de façon tout à fait confidentielle sur le label US Rock the Nation, mais a bénéficié cette année d’une remasterisation léchée. Chose tout à fait naturelle, puisque c’est son auteur et compositeur qui a travaillé sur ce lifting, et qui nous permet d’apprécier à nouveau l’un des pans les plus méconnus du Power Metal US des années 90, et l’un des secrets les mieux gardés du Heavy Metal trépidant et flamboyant venu du New-Jersey. Pour ceux n’ayant jamais entendu parler de POWER, sachez que ce concept a été fondé en 1992 par le guitariste volubile Daniel L. Dalley, sorte de Malmsteen/Blackmore/Turilli sorti du fin fond de l’état de BON JOVI, qui maniait aussi la basse et pas mal d’autres instruments, mais dont ce Justice of Fire est visiblement le seul témoignage discographique. Niveau influences, on peut dire que POWER se plaçait sous l’égide des maîtres de JUDAS PRIEST et de tous les défenseurs de la cause d’un Heavy joué de façon très agressive et opératique (ICED EARTH, SANCTUARY, etc…), et qu’il proposait une musique classique d’excellente facture, mais totalement noyée dans la production Nu Metal de l’époque qui voyait la génération des KORN et DEFTONES prendre le pouvoir. Ainsi, sorti sur un petit label et ne bénéficiant que d’une promotion mince, Justice of Fire n’eut pas droit aux éloges et reste aujourd’hui un album anecdotique mais assez recherché, ce qui explique sans doute ce retour à l’actualité.

Mais la question qui se pose reste la suivante : pourquoi vous parler d’un album paru il y a vingt-six ans, qui n’est pas un chef d‘œuvre, et qui ne figure pas sur les listes des albums les plus mésestimés de leur époque ? Simplement parce qu’on retrouvait au poste de chanteur un certain Alan Tecchio, LE Alan Tecchio, qui nous avait déjà fait vibrer les tympans au sein de HADES et WATCHTOWER, et qui à l’époque s’agitait la tignasse dans NON FICTION. Et ce chanteur d’exception que l’on trouve aujourd’hui au micro dans MIKE LEPOND'S SILENT ASSASSINS livrait ici la performance vocale d’une vie, permettant à son organe d’atteindre un seuil de puissance qu’on ne lui connaissait pas jusqu’à lors.

Nous étions pourtant habitués à ses prouesses suraiguës dans WATCHTOWER, et à son sens de la nuance dans NON FICTION, mais le classicisme du cadre de POWER lui permettait de se lâcher dans un registre purement Heavy Metal qui autorisait toute la démesure de son brillant organe. Et autant le dire, le principal intérêt de cet album encore aujourd’hui reste la partition lue par Alan, l’instrumental pourtant léché de Dalley ne proposant qu’un tapis d’arrangements agressifs hérités des années 80. Ce qui ne veut en rien dire que le travail du guitariste ne méritait que mépris ou indifférence polie, mais autant admettre que POWER restera le concept le plus formel au sein duquel Tecchio a évolué, loin des arabesques Thrash/Jazz de WATCHTOWER, ou du Thrash théâtral et pluriel de HADES. Et ce côté traditionnel à autorisé le chanteur castrat à balancer la sauce sans se soucier d’une quelconque considération de complexité, puisque la musique de Justice of Fire était à l’image de sa pochette, un incendie de guitare permanent, un bûcher sur lequel les hérétiques Nu Metal étaient condamnés à brûler, et un véritable feu d’artifices de riffs tous plus puissants les uns que les autres. Soutenu à la batterie par Mike Watt (SYSTEM ADDICT), Daniel L. Dalley s’autorisait tous les caprices, et cédait à sa passion d’un Power Metal vraiment échauffé, penchant clairement du côté Thrash vers lequel il glissait sans jamais tomber dans le ravin de la brutalité. Les choses étaient claires dès « Hands Over Time », rythmique à la JUDAS, guitare effilée et tranchante, batterie avec double grosse caisse coincée sur « on », et chant évidemment cherchant à provoquer les plus grands interprètes du cru, donnant même des sueurs froides à Michael Kiske, Geoff Tate, Bruce Dickinson et Rob Halford.

Daniel L. Dalley était alors très honnête dans la description de son bébé. Il affirmait qu’il était né sous la protection de parrains comme MEGADETH, KING DIAMOND ou CACOPHONY, les films d’horreur de l’époque, et tout un tas d’autres obsessions du même tonneau. La thématique était évidemment apocalyptique, et la musique « in your face », ce que les premiers morceaux confirmaient de leur franchise et de leur ampleur. Le flamboyant guitariste s’autorisait donc un état des lieux du Power Metal des années 90, avec tous les clichés virils inhérents au style, mais il avait au moins le mérite de les agrémenter d’arrangements de claviers, de samples divers, histoire de conférer à son histoire une touche plus personnelle. Bien sûr, les soli étaient tout top notch, joués à mach 3, dans le plus pur style des gâchettes Jason Becker, Marty Friedman et tous les pur-sang de l’écurie Varney, mais aussi formaliste la musique fut-elle, elle avait ce sens de l’emphase qu’on ne reconnaissait que chez les plus grands et n’acceptait aucune concession. Et Daniel, qui n’était pas homme à flagorner dans le vide avait effectivement écouté avec beaucoup d’attention les albums de KING DIAMOND, dont on retrouvait la patte occulte sur un morceau comme « Firewalk ».

En proposant un album certes connoté, mais incendiaire et passionné, le guitariste du New-Jersey laissait donc son empreinte dans l’histoire du Metal. D’autant que si l’homme n’avait pas une imagination débordante, elle était suffisante pour aérer cet unique album, et « Rising Son (Through The Eyes Of God) » de calmer un peu le jeu sur ses quelques secondes d’intro avant de reprendre le rythme de croisière. Le jeu de Daniel, visiblement légèrement enrichi de techniques propres à ce cher Andy LaRocque faisait donc merveille, et trouvait en Alan Tecchio l’interprète impeccable. L’association des deux hommes marchait donc à plein régime une fois accepté le principe de formalisme, et autant dire que l’épique « Deceiver Of Truth » ne faisait pas semblant avec ses onze minutes de délire. Véritable pont d’orgue de l’œuvre, ce morceau avait l’appui nécessaire pour convaincre les plus sceptiques, et la batterie de Mike Watt se mettait au diapason pour nous proposer des plans percutants.

Ce qu’on pouvait reprocher à POWER était évidemment ce systématisme dans les plans qui laissait les morceaux trop similaires, mais ce reproche était commun à tous les groupes du créneau un peu trop obsédés par la puissance. Et avec « Justice Of Fire », le title-track de huit minutes, POWER prouvait qu’il avait tout à fait sa place à la cour des grands. Aujourd’hui, cet unique album reste un témoignage assez attendrissant des mid nineties, perdues dans les limbes de la transition, et surtout, une pierre de plus à apporter au temple construit en l’honneur du chanteur le plus impressionnant de sa génération. Vous pouvez trouver ce remaster sur le Bandcamp de Daniel Dalley, accompagné d’une pochette un peu plus moderne et nuancée. Si vous êtes complétiste ou nostalgique évidemment.  

                

Titres de l’album:

01. Prelude To Apocalypse

02. Hands Over Time

03. Firewalk

04. Rising Son (Through The Eyes Of God)

05. An Evil Presence

06. Deceiver Of Truth

07. The Vision

08. Justice Of Fire

09. Eternally



par mortne2001 le 30/01/2021 à 14:52
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