Du berceau à la tombe, la marche est plus ou moins longue, mais la destination la même : le paradis ou l’enfer selon les croyants, la réincarnation pour les bouddhistes, et…rien pour les agnostiques. A nous de faire de cette marche une randonnée gratifiante, traversant de jolies prairies comme grimpant des chemins escarpés et parfois très dangereux. A s’abreuver à la rivière de la violence, on en oublie parfois à quel point son clapotis peut-être assourdissant, et ses eaux enivrantes. Mais heureusement, quelques groupes sont là pour nous rappeler que le Thrash n’est pas qu’une affaire de vitesse et d’emprunts plus ou moins discrets aux fleuves les plus importants. Et à ce petit jeu d’individualisme et de personnalité exacerbée, les américains de FINAL SIEGE ont plaqué une main impeccable sur la table.

Fondé il y a trois ans, ce collectif n’a pas pour le moment pas jugé utile de se promouvoir en démo ou EP, et lâche après quelques singles un premier album terriblement bien frappé. Originaires de New-York, dans l’état du même nom, FINAL SIEGE fait partie de cette seconde division underground de NWOATM qui refuse le statisme et les références trop poussées. C’est ainsi que leur premier effort, March to Your Grave tape les cinquante minutes et ose des compositions étirées au maximum, comme à la grande époque de METALLICA.

Avec des morceaux dépassant les cinq, six, voire neuf minutes, le quatuor (George - basse, Amir - batterie, Randy - guitare et Gil - guitare/chant) se démarque de ses petits camarades, mais pas seulement par une optique de durée. Les idées de compositions sont beaucoup moins génériques que la moyenne nostalgique actuelle, et le Thrash des américains est lourd, compact, strié d’arrangements bien trouvés, et soutenu par un chant un peu étrange, mais grommelant juste ce qu’il faut. Difficile de dresser des comparaisons au moment de situer ce longue-durée, qui pourra éventuellement faire penser à du MORTAL SIN plus écrasé et moins redondant, ou à un Thrash slave moins gauche.        

Constitué d’un nombre conséquent de plans, de lignes de basse mises en avant, de syncopes typiques et de cassures atypiques, March to Your Grave évoque à merveille une existence sombre et complexe, noyée dans la violence, et tentant de retrouver le presque droit chemin. Les déviations harmoniques, les ralentissements impromptus, les accélérations modérées, le parti-pris évolutif et le léger parfum Sludge des ACID BATH font de ce premier effort une incongruité dans la production actuelle, de ces œuvres qu’on écoute plusieurs fois pour tenter d’en extraire la substance primaire.

De fait, FINAL SIEGE ne plaira pas à tout le monde. Son Thrash, pesant et éprouvant rebutera les amateurs de facilité véloce, et interrogera les plus calés en la matière. Mais ce sont justement ces singularités qui en font une découverte intéressante en 2021, année une fois de plus rongée par le conformisme vintage. Et si « Democide » lâche les BPM et les cris comme un SLAYER en pleine forme, ne vous laissez pas leurrer par ce démarrage en trombe. Il est aussitôt contredit par un break purement Heavy/Thrash, avec un soupçon de parfum Death des années 90 qui vous indiquera que la route à suivre est loin d’être rectiligne et sans embuches. En jouant l’ambivalence, FINAL SIEGE gagne sur tous les terrains artistiquement parlant, mais risque aussi de laisser de nombreux fans potentiels sur le bord de la route. Ainsi, « The World Order », archétype de morceau à tiroir à la production étonnement et soudainement puissante, représente ainsi la quintessence d’un quatuor loin de se contenter de tirer quelques ficelles faciles. Rois du climat oppressant, jouant constamment sur les frontières séparant les genres, les quatre américains n’ont pas fait le choix le plus facile, mais proposent justement une musique plus mure, plus complexe et plus dense.

Aucun raccourci n’est emprunté pour laisser reposer les muscles mentaux, puisque tous les ingrédients sont mélangés avec flair pour faire de cette ballade vitale une succession d’épreuves à franchir. Ainsi, « Pulverizer », malgré son intitulé plus ou moins clair, emprunte au Doom et au Southern Heavy leurs recettes les plus amères, avant de jeter dans la bataille un riff simplissime et redondant, provoquant les défenseurs du Hardcore sur leur propre terrain.

De même, « To the Ground » entame les hostilités par un soli tapping à la DESTRUCTION live, avant une fois encore d’imposer un beat bancal soutenu par des sextolets de double grosse caisse très précis.

Ne reste plus à « As Time Runs Out » d’achever de nous perdre en altérant nos sens, grâce à un habile jeu d’harmonies simples et de construction en gigogne. Proche de METAL CHURCH, de CORROSION OF CONFORMITY, de DOWN, le groupe tire alors sa dernière cartouche, et creuse la tombe du conformisme. Alors, j’admets que le tout est assez étrange et déstabilisant, mais bien plus rentable que ces copies cheap mises sur le marché pour piocher dans le porte-monnaie des plus crédules. Nostalgie distordue, atmosphère confinée, morceaux qui proposent plus d’idées que des discographies entières, pour un résultat encore en demi-teinte au niveau de l’accroche, mais qui berce un beau bébé au destin imprévisible.

Titres de l’album:

01. Democide

02. I Defy

03. The World Order

04. Frontline Sacrifice

05. Pulverizer

06. To the Ground

07. March to Your Grave

08. As Time Runs Out

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