NecroEclosion

Gravehuffer

15/01/2021

Black Doomba Records

Dans une bande de potes soudés, il y a toujours une répartition des rôles. Il y a le leader, beau gars, avec un bon job, qui généralement rince les autres avec le sourire de ceux qui ont réussi. Il y a le quadra moyen, à la vie de famille moyenne, avec quelques gosses et des tonnes de regrets. Il y a aussi l’éternel adolescent, celui qui refuse de vieillir et d’affronter les échecs, qui végète de petit boulot en petit boulot et qui vous serine toujours avec le passé. Il y a celui qu’on revoit de temps en temps, mais qui ne fait pas vraiment partie du cercle intime. Et puis, il y a évidemment l’outcast, celui qu’on a jamais pu faire rentrer dans une catégorie, d’un caractère bizarre mais qui a toujours une bonne blague, avant de s’isoler pour aller parler aux fleurs ou regarder son téléphone. Le mec un peu strange mais qu’on aime bien justement parce qu’il n’est pas comme les autres. Il occupe un emploi stable qu’il n’aime pas forcément, a des hobbies un peu décalés (collectionner les cerfs-volants, faire les vide-greniers pour y dégoter des photos d’animaux empaillés), est fidèle, mais sort toujours une réplique complètement hors-contexte à table ou au contraire, assomme un connard d’une punchline qui laisse ses potes admiratifs. GRAVEHUFFER fait partie de cette dernière catégorie, et tient à son singularisme sur la scène extrême américaine, et ce, depuis sa naissance Thrash sous le nom de KROM en 2008.   

GRAVEHUFFER c’est le proverbial sac à puces dans le jeu de quilles en plastique. Le groupe totalement improbable, sorte d’entreprise familiale avec des employés/associés se connaissant par cœur depuis la fin des années 90, et s’aimant d’un amour fraternel sincère. Rien de tape à l’œil chez eux, pas de chef d’œuvre à signaler en trois albums, mais une propension à ne jamais faire les choses comme les autres. Leur musique ? Un Crossover salé et bordélique qui recoupe leur passé et leur présent, une fascination pour le Thrash, le Death vintage, le Crust fourré, la Fusion improbable, et les surprises imbuvables. Et encore une fois, les originaires de Joplin dans le Missouri nous ont réservé un traitement spécial, à deux doigts des plus gros tarés mixeurs de l’impossible de l’underground (Patton, TNTLLY, IWABO, et puis tous les autres frappés du bulbe), mais encore assez logique pour ne pas donner le tournis.

Les mecs sont sympa, ressemblent à des quadras moyens de la classe moyenne, pourraient être ce mec que vous croisez à la sortie du supermarché avec sa bière et ses couches, un peu comme les DESCENDENTS qui sont aussi punks dans l’image que les clients du barbecue du dimanche. Des mecs qui ne souhaitent pas attirer l’attention, et qui pourtant en deviennent le centre lorsqu’ils s’emparent de leurs instruments. Et avec ce troisième album dans la musette, le quatuor (Travis McKenzie - chant, Ritchie Randal – guitare/chant, Jay Willis – batterie/chœurs, et Mike Jilge – basse) s’est pris pour l’héritier musical spirituel du professeur Frankenstein, et a créé la chose, la créature la plus improbable qui soit, une créature qui aime l’underground et dont la culture est suffisamment étendue pour nous zapper « You Should Be Dancing » des BEE GEES en plein déluge Thrash de derrière les fagots (« Death Before Disco »). Une créature à qui on a appris les vertus du travail artisanal, élaboré at home, prenant en compte tous les détails dans la globalité. Pas le truc qui cherche la perfection, au contraire, mais qui aime les choses personnelles et bien faites.

Produit par GRAVEHUFFER, enregistré au Skunkwax Audio Unit par M.Jilge, mixé par le même M. Jilge

et masterisé par Garry Moore (avec deux « r » s’il vous plaît), NecroEclosion est encore une fois une piñata surprise sur laquelle on frappe de bon cœur pour en voir sortir les cadeaux les plus disparates. Dans cette piñata, il y a du Thrash évidemment, beaucoup, du Crust, pas mal, du gros Death qui tue, mais aussi un peu de Sludge, du Grind, enfin tout ce qui fait plaisir à nos amis, puisque c’est finalement comme ça qu’on les aime le plus. Pas question d’écouter GRAVEHUFFER si on aime les choses claires ou trop bien balisées : ici, c’est la liberté de ton qui prédomine, et dès « Custom Of The Sea », l’affaire sent le fourre-tout et l’exutoire à cette vie de province qui parfois gangrène de sa routine. Alors les guitares sonnent rêches, le ton général est plutôt festif MAIS hystérique, et le propos erratique, parfois, comme sur cette entame Death n’Roll, mais comme chaque piste possède sa propre identité, pas la peine de vous attendre à un album bien propre sur lui.

Le quatuor s’amuse, cherche le bon angle et le bon mot, s’épanouit dans un Rock n’Roll un peu sauvage, retrouve l’impulsion de DANZIG pour mieux la tremper dans un marigot ACID BATH ou WHITE ZOMBIE, et lâche de petites bombes groovy de la trempe de « Stingray ». Ce qui ne les empêche guère de s’amuser méchamment Crust, leur passion majeure avec la saillie « Hellhound », qui évoque ce que les MACABRE pourraient produire de meilleur s’ils prenaient le temps de composer.

Mais il y a aussi de plus gros morceaux sur ce nouvel album, des mélanges corsés de qualité, des titres qui prennent le temps d’imposer des riffs plus épais, qui rappellent les années 90, date de rencontre des trublions. Ainsi, « Sights To The Sky » nous ramène à cette époque un peu trouble, durant laquelle l’extrême se travestissait de tous les côtés pour ne plus ressembler qu’à un mélange hétéroclite. Même sentiment quand on pose ses oreilles sur le long « Smaller Than Death », bien gras et bizarre qui mixe un peu tout et n’importe quoi, qui aborde Sludge pour mieux saborder Grind. D’aucuns diront, avec raison sans doute, que cet album est un peu trop bordélique pour être honnête, et qu’il laisse un sentiment décousu et d’inachevé. Ces critiques sont en partie fondées, mais remettent aussi en cause le fondement même de la philosophie du groupe. Jouer ce qu’on ressent, et tant pis si les associations ne paraissent pas toujours logiques : le plus important étant le plaisir de jouer ensemble pour se décharger des problèmes du quotidien. Et puis, la logique intervient parfois, sur le thrashy « Ghost Dance » et ses cœurs fantomatiques. D’ailleurs, cette impression de famille amicale qui se retrouve à intervalles réguliers est renforcée par la présence de quelques invités de marque à la fête. Ainsi, on retrouve Dan « Chewy » Mongrain (VOIVOD) venu taper le solo sur « Sights To The Sky », Curran Murphy (ANNIHILATOR, NEVERMORE) venu en lâcher un lui aussi sur « Death Before Disco », et puis d’autres potes aussi, qui ont bien compris que l’amitié et le partage étaient les moteurs essentiels de cette carrière unique.

Alors, oui, les GRAVEHUFFER incarnent à merveille ce pote un peu bizarre, dont on ne comprend pas tout le temps les gestes ou l’attitude. Mais on l’aime comme les autres ce pote justement, peut-être plus, parce qu’il est imprévisible, mais terriblement attachant.

 

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Custom Of The Sea

02. Hellhound

03. Sights To The Sky

04. Death Before Disco

05. Stingray

06. Smaller Than Death

07. Ghost Dance

08. Quarantine Death Machine

09. Causes

10. Backpack

11. Mad Wolf


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 04/08/2021 à 14:02
78 %    965

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Midnight + Cyclone + High Command // Paris

Mold_Putrefaction 24/04/2024

Live Report

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
roulure

true norwegian roue libre

26/04/2024, 13:40

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Humungus

Putain !Si j'avais été au jus de cette date, j'aurai fait le déplacement boudiou...Pis je vois que tu causes de BARABBAS à Nancy ?!Et c'est... ... ... Ce soir.Re-Putain !

25/04/2024, 13:28

Tut tut!

25/04/2024, 12:44

Gargan

ça me fait penser à moi ivre mort parodiant Maurice Bejart, sur fond de Stravinski. Plus glucose, tu meurs. Mauriiiiice !

25/04/2024, 10:28

DPD

Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.

24/04/2024, 14:26

RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20