To Paint a Bird of Fire

Perihelion Ship

01/10/2017

Autoproduction

On a longtemps pensé qu’OPETH était bien seul sur son piédestal. Et la réalité collait assez bien à cet état de fait, tant le groupe semblait à des années lumières de tous ses suiveurs. Alors, on se rassurait en parlant de KATATONIA, qui évoluait quand même quelques niveaux en deçà, ou d’ANCIIENTS, plus puissant que la majorité des groupes du cru. Mais après le retour de nos héros, et leur abandon presque total des growls au profit d’un chant clair, beaucoup plus en phase avec leur orientation musicale sur Heritage, on se demandait bien qui allait porter l’étendard de ce Metal progressif sombre et pourtant luxuriant, tant ce même héritage semblait trop lourd à porter pour le commun des musiciens.

Un semblant de réponse en fut peut-être donné l’année dernière avec la sortie d’un premier album étrange venu de Finlande, et proposé par un quatuor sorti de nulle part, bien déterminé à reprendre à son compte quelques ficelles permettant de combiner le Progressif le plus traditionnel au Death le plus extrême. Les PERIHELION SHIP ont pris tout le monde à rebours avec leur A Rare Thunderstorm in Spring, qui vit ses louanges chantés par la presse spécialisée, voyant en eux de dignes successeurs de Mikael Akerfeldt, la fraîcheur en plus, mais la longueur de carrière en moins…En synthétisant les aspects les plus Canterbury du Progressif et les nuances sombres du Metal extrême des années 90/2000, le quatuor (Andreas Hammer – guitare/chant, Jani Konttinen – orgue Hammond, mellotron, Jouko Lehtonen – basse et Jari-Markus Kohijoki – batterie) imposait sa patte et sa griffe, en parvenant à une osmose presque parfaite de la douceur évolutive et de la violence instinctive, relevant là le défi de combler un trou que personne ne semblait à même de reboucher.

On reprochait néanmoins à ce premier jet une certaine naïveté, travers qui semble t’il a été largement corrigé en une année, pour leur permettre de nous proposer aujourd’hui leur second LP, qui après quelques écoutes attentives, paraît imperfectible dans le style. On y retrouve cette instrumentation hors-norme, à base de mellotron, de stries d’orgue rappelant le PURPLE, cette basse ronde à la YES qui serpente autour des structures basiques, et ce chant lyrique, aussi convaincant dans ses caresses emphatiques que menaçant dans ses invectives diaboliques. Ce tout assemblé dans de grandes digressions dépassant souvent les dix minutes, sans lasser, atteint aujourd’hui une sorte d’apogée créative, mariant la mélancolie, la violence, la rêverie, et la lucidité dans un ballet étourdissant de créativité et de beauté, qui ose des couplets immédiats à la véhémence patente, et de longues parties instrumentales, qui loin de combler les espaces, proposent des arrangements riches et envoutants, qui nous ramènent aux meilleurs exercices du genre des années 70, sans trop piocher dans la liberté excessive de certains albums de l’époque (Tales, Lamb, et tant d’autres…). Volutes de notes en flutes qui se moquent, arpèges délicats et cordes en frimas, accents hispaniques pour subtilité historique, pour une transition ne cherchant pas la complication, mais osant le cristal d’automne pour amoureux d’harmonies qui résonnent (« River’s Three », même OPETH n’a jamais signé un tel intermède béni). Mais au-delà de ces précisions de contenu, To Paint a Bird of Fire s’adapte à son titre, et nous décrit l’envol d’un phœnix qui une fois les flammes supportées, renaît de ses cendres pour s’envoler vers un paradis en forme d’enfer de volupté.

Outre sa richesse intrinsèque, c’est surtout sa progression qui rend ce second album si parfait. Loin de se contenter de digressions complexes destinées à prouver le niveau instrumental de ses concepteurs, To Paint a Bird of Fire se veut voyage dans le temps et l’espace très valide, ce que démontre à la perfection l’écart qui sépare l’entame « New Sun » de l’épilogue/question « New Sun », qui tout en partageant le même ADN, font montre de traits personnels très distincts. Les finlandais de PERIHELION SHIP nous entraînent donc aux confins de leur galaxie, pour y découvrir un nouvel astre de lumière, dont l’existence reste à prouver. En parlant de cette entame de LP extraordinaire, il convient de souligner l’efficacité et la suavité d’un morceau qui s’abreuve à plusieurs fontaines, et qui parvient sans peine à établir une nouvelle frontière entre brutalité extrême et délicatesse ne l’étant pas moins. Tandis que les guitares tissent un canevas aux mailles épaisses et resserrées, l’orgue aère le tout d’interventions mélodiques éthérées, sans perdre le fil de la narration. En se basant sur des harmonies complexes mais parfaitement assimilables, le quatuor peut se reposer sur une juxtaposition qui fait de ce premier morceau un parfait exemple de ce qui transformait OPETH en créature unique, bien avant son ultime mutation. Mais loin d’être de simples clones de cette référence incontestable, ces musiciens s’affirment en tant que tels, et unissent en un même élan le Progressif de papa et l’agressif du fiston, qui finalement, prendront plaisir à trouver but commun dans le même disque. Et cette performance-là est loin d’être anodine. On pense même à une entente cordiale entre MAGMA, ANGE, TYPE O NEGATIVE et KATATONIA, aussi incongrue soit la comparaison…

En miroir, se trouve donc la question nuançant la fausse affirmation, et « New Sun ? » de terminer l’album sur une nuance de taille. Les PERIHELION SHIP seraient-ils en passe de devenir les nouveaux maîtres d’un Progressif extrême, alors même que le trône semble vacant ? Si j’en juge par ces arabesques rythmiques et mélodiques, cette double grosse caisse impitoyable, et ce chant tout en dualité, la réponse semble évidente. Rarement musique aussi riche n’aura été si émotionnelle et expurgée de toute velléité démonstrative, préférant privilégier les sensations sur l’accumulation, bien que le nombre conséquent de plans confirme que les finlandais ne sont pas contre la superposition. Mais celle-ci est presque humble, et en tout cas logique, et surtout, validée par un chant versatile, aussi convaincant dans les grognements que dans les envolées lyriques à l’avenant.

Si l’orgue revendique clairement la paternité de feu Jon Lord, et si l’instrumental se réclame de la tradition en vogue dans les années 90/2000, la musique en elle-même échappe à la datation, et pourrait se vouloir errant dans la nébuleuse d’un couloir espace-temps bloqué entre les décennies. D’autant plus que dans l’intervalle, To Paint a Bird of Fire nous réserve de merveilleuses surprises, comme ce « The Sad Mountain », à l’intro DREAM THEATER des meilleures années, et à l’amplitude mélodique fabuleusement posée. Basse et mellotron à l’unisson, rythmique paisible pour flammèches vocales apaisantes, et soudaines décharges de violence Death à la MY DYING BRIDE passant du Doom à la vitesse, pour un opéra de l’étrange qui nous met en transe, et nous éloigne d’une réalité trop concrète pour être plus longtemps supportée…

Après un premier disque qui avait salement éveillé les soupçons, To Paint a Bird of Fire dépeint de ses pinceaux fins et de sa palette multicolore une brutalité atténuée de douceur instrumentale nouée, et s’avère être l’un des LP les plus fascinants de cet automne embrumé. De là à affirmer qu’OPETH s’est trouvé un héritier tout désigné, il n’y a qu’un pas que les plus enthousiastes n’hésiteront pas à franchir…


Titres de l'album:

  1. New Sun
  2. Bird Of Fire
  3. The Sad Mountain
  4. River's Three
  5. Wind Of No Echoes
  6. New Sun?

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 18/10/2017 à 17:47
90 %    984

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report

1984

mortne2001 10/01/2024

From the past

SÉLECTION METALNEWS 2023 / Bonne année 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2024

Interview
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Gargan

Très cool de découvrir ce groupe ! La présentation est plus fluide mais il faudrait laisser la place à un extrait à mon avis et ça permettrait de mieux rythmer la vidéo.

19/03/2024, 08:17

Arioch91

Perplexe également.Dehydrated et Out of the Body (Out, pas Ovt sans déconner ! C'est quoi leur manie de remplacer les U par des V ?) sans Martin Van Drunen, j'ai même pas assez de curiosité pour écouter ce que ça peut donner.

19/03/2024, 07:52

Arioch91

J'avais aimé le premier Vltimas. Il fait partie de cette tonne d'albums que l'on oublie mais qu'on ressort de temps à autre pour se les repasser et se dire "ah ouais, c'est pas mal" avant de les remettre en place.J'ai écout&eacut(...)

19/03/2024, 07:43

Arioch91

Ils n'ont pas encore viré la "nouvelle chanteuse" ?

19/03/2024, 07:39

DPD

Tant mieux pour ceux qui aiment moi ils me font chier avec cette fétichisation du metal old school.

18/03/2024, 17:37

stench

J'aime bien le principe de réenregistrer des classiques pour voir ce que ca donne avec un son actuel. Le problème est double ici : réenregistrer des morceaux récents n'a que peu d'intérêt, et surtout en me basant sur le titre mis en é(...)

18/03/2024, 13:13

Gargan

Oui, et non. Dans le sens que s'ils veulent vendre leur compile qui sent très fort le réchauffé, il vaut mieux qu'ils écoutent un minimum la base de fans qui seraient potentiellement intéressés par l'objet (et ils ne sont pas Maiden qui peu(...)

18/03/2024, 08:05

pierre-2

Pourquoi tout ce venin ???Y font ce qu'ils veulent non ?

17/03/2024, 14:26

Fran

J ai adoré ce film qui m'a fait connaître ce groupe. Depuis je me repasse  leurs tubes.

17/03/2024, 14:07

Nounours dit grizzly le magnifique

J’ai pris la version cd version digipack plutôt que le vinyle car il y avait 3 titres bonus .trop tôt pour donner un avis mais je ne m’ennuie pas, sans être transcendant mais on peut pas exigeant avec ce groupe et une telle carrière. Cela dit il fai(...)

16/03/2024, 11:55

Sphincter Desecrator

UHL: un groupe qui, quand il n'est pas là, manque.Désolé...

14/03/2024, 19:31

Humungus

Bon...Pour l'instant, je ne l'ai écouté qu'une seule fois...Mais dans l'ensemble, j'ai été quelque peu déçu.La faute à un côté Power bien trop présent tout au long de l'album.

13/03/2024, 07:24

Désanusseur de mère

groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom. FOUR

13/03/2024, 06:17

jo666

ça a l'air bien ce truc, en plus ils passent en mai à Grrrrnd Zero (69)

12/03/2024, 14:33

Cupcake Vanille

Vraiment une bien triste nouvelle...  RIP Blake 

12/03/2024, 08:25

MV

Sympa la fowce <3 

11/03/2024, 18:24

LeMoustre

Commande faite direct au label.Hâte d'écouter les nouvelles versions de The Song of Red Sonja ou The Thing in the Crypt.Meilleure nouvelle de la semaine,Merci pour la chronique en plus hyper favorable 

11/03/2024, 15:32

LeMoustre

Terrible.Déjà que le EP envoyait sévère dans la veine Wotan, early Blind Guardian ou Manowar, voici l'album !Achat obligatoire

11/03/2024, 14:55

senior canardo

toujours pas de Phobia à l'affiche.... j'y ai cru pour les 25 ans et tout  ...

11/03/2024, 07:39

LeMoustre

Miam

08/03/2024, 14:22