Desiderium

Somnuri

21/07/2023

Mnrk Heavy

La cuisine, c’est une question de dosage. La chimie, c’est aussi une question de dosage. La parfumerie aussi. Et la musique n’échappe pas à la règle. Il convient de trouver le juste milieu pour s’adresser au plus grand nombre possible, et éviter le piège du trop de ou du pas assez de. Trop de, et vous êtes enfermé dans un style. Pas assez de, et on peine à vous cerner. Pile ce qu’il faut, et vous fédérez plus de fidèles et suiveurs qu’une caravane Cochonou sur le tour de France. L’image est populaire, mais parle d’elle-même.

Mais pourquoi ce préambule ?

Parce que les américains de SOMNURI sont les rois du dosage, et parce que leur troisième longue-durée va plaire à un nombre conséquent de fans. SOMNURI est un trio né un jour affreux de je-ne-sais-quelle année, qui depuis, insiste lourdement et produit des œuvres tout à fait fascinantes, complexes, surprenantes, mais aussi bruyantes, et à cheval entre plusieurs sous-genres. Si l’étiquette Sludge leur est collée d’office, elle est loin de les définir totalement. Car ces trois-là s’y entendent comme personne pour métisser leur barouf et le rendre perméable à plusieurs influences.

Alors, partons d’un principe simple. SOMNURI ne joue pas du Sludge, mais une sorte de Post-Sludge, ou, plus pointu encore, un Post Hardcore teinté de Sludge pour sonner encore plus laid mais efficace. Somnuri et Nefarious Wave nous avaient avertis de la complexité de l’affaire mais aussi de son efficacité, et au moment de changer de braquet pour éviter de se prendre un saucisson sur la tronche, le trio de Brooklyn a pris une sacrée avance sur le peloton, cherchant la victoire d’étape amplement méritée.

Rock, Stoner, Post Hardcore, Sludge, Heavy Metal, Hardcore, passés à la moulinette pour faire les meilleures saucisses Noisy mélodiques du marché. Conscient des impératifs, le trio a mis le paquet, et vous laisse même un peu de rab’ gratuit en passant à la caisse. On reconnaît parfois du MASTODON, souvent du DEFTONES, du ALICE IN CHAINS, du NEUROSIS, et puis des références plus personnelles, énoncées sur le Bandcamp du groupe. HELMET, KARP, HANDSOME, QUICKSAND, ISIS et JESU. Un melting-pot qui peut sembler hasardeux, avec des manipulations précises, mais qui au final donne un sentiment de plénitude et de mission remplie sans forcer, en s’appuyant tout bêtement sur les capacités individuelles.

Desiderium a un son qu’on qualifiera d’énorme pour ne pas avoir à préciser. Il repose sur une dualité de chant propre au Post-Hardcore, avec des litanies mélodiques opposées à des cris de colère tout bonnement effrayants, et surtout, sur des constructions mouvantes, intelligentes et souples. Si la batterie de riffs a de quoi rendre vert de jalousie NEUROSIS, si la puissance de l’ensemble peut faire trembler Justin Broadrick, c’est une fois encore l’équilibre qui sidère, les trois musiciens connaissant par cœur les limites à respecter et la posologie à proposer.

L’acmé de cette philosophie est parfaitement incarnée par le monstrueux « Hollow Visions ». Charge pachydermique à filer la jaunisse à toute la vague NOLA, ce titre est emblématique de l’optique des américains, qui traduisent en langage Brooklyn des sentiments universels. Mais SOMNURI est beaucoup plus qu’un simple morceau en synthèse. Il est justement neuf nouveaux morceaux cohérents, complémentaires, indissociables, juxtaposant la violence la plus crue à la nostalgie la plus vécue. Et exacerbe les sentiments pour les rende plus purs. Quitte à jouer avec la réalité des faits.

      

Alors, non, SOMNURI n’est pas un groupe de Sludge. Il fait partie de la famille, c’est indéniable, mais il se distingue par son caractère unique, fait de haine viscérale, de misanthropie à la limite du Death Metal (« Death is the Beginning »), mais aussi de sensibilité adulte qui transforme l’enfance en terrain d’expérimentation. La confusion des sens de l’âge adulte frappe donc de plein fouet et autorise des réflexions harmoniques à la STONE SOUR, mais loin de rebuter, cette opposition joue en la faveur des musiciens, qui en sortent grandis et murs pour une nouvelle aventure.

Sauvage et indomptable, en ravages et inclassable, Desiderium est de ces drôles d’albums qu’on écoute avec attention pour ne manquer aucun détail. Et ils sont nombreux, émanant d’une guitare omniprésente et imposante, ou d’une rythmique qui ne se contente pas de marteler les blanches de graves assourdissants. Les riffs se veulent parfois Rock, les breaks Indie, l’ambiance amère ou inquiétante, et de fil en aiguille, SOMNURI se présente comme sauveur potentiel, et trait d’union entre la génération Seattle et la mouvance NOLA.

Un peu comme si les ACID BATH laissaient tomber leur étrangeté pour une diversité cryptique. Les deux groupes ne sont pas frères, mais partagent cette envie de décalage permanent, parfaitement calibré sur l’aplatissant « Remnants », qui invite les CANDLEBOX à apprendre à jouer un Post-Hardcore maladif et instinctif.

Et de fil en aiguille, de charcuterie en boucherie, « The Way Out » ouvre la porte et laisse filtrer les souvenirs d’une époque lointaine, les larmes, les éclats de joie, l’insouciance devenue résilience, et toute autre impression de déjà-vu.

Un déjà-vu unique, ce qui n’est pas la moindre des contradictions. Mais tout est une question de dosage dans la vie, comme en musique. Et les SOMNURI sont pointilleux sur les grammes. Pour que rien ne dépasse ni ne bascule.      

  

 

Titres de l’album:

01. Death Is the Beginning

02. Paramnesia

03. Pale Eyes

04. What a Way to Go

05. Hollow Visions

06. Flesh & Blood

07. Desiderium

08. Remnants

09. The Way Out


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par mortne2001 le 10/10/2023 à 17:37
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