EXTREMITY RETAINED: Notes Sur Le Death Metal Underground

Jason Netherton

Camion Blanc

Nous autres, fans de Metal, nous sommes tombés les deux oreilles dans notre passion, un beau jour en entendant par hasard un son, celui de guitares transgressives, de rythmiques progressives, et de hurlements incisifs. Nous avons étanché notre soif de violence en nous repaissant des albums de notre génération, et je vous demanderai par avance quelques excuses pour oser me concentrer sur mon propre cas.

Le Metal pour moi, fut d’abord classique. Les premiers MAIDEN firent mon éducation, rapidement suivis par ceux de DIO, du PRIEST, et puis la vague US des MÖTLEY, RATT et consorts.

Certains d’entre vous se sont pleinement satisfaits de cette agression somme toute modérée, mais à l’instar de millions d’autres fans dans le monde, ceci n’a représenté qu’une simple étape pour moi sur le chemin de la quête de violence ultime. Un jour, la puissance de METALLICA a soufflé sur les braises encore incandescentes du Heavy Metal, et EXODUS, KREATOR, SLAYER ont pris le relais, me poussant dans mes derniers retranchements, le souffle coupé, et le cœur affolé. Pouvait-on aller plus loin ? Telle semblait être la seule question digne de réponse, à laquelle le FROST, VENOM, MAYHEM et POSSESSED ont répondu assez rapidement.

On pouvait donc pousser la provocation encore plus loin. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui ont osé sur leur premier album, intituler un de leurs morceaux d’une façon qui en a intrigué plus d’un.

« Death Metal » ? Quel était donc ce concept qui paraissait occulter toutes les mises en garde bruitistes du Thrash, en accentuant la lourdeur, en accélérant encore plus le tempo, et en déshumanisant des vocaux déjà salement amochés par les graves ?

 Mais l’énigme fut vite résolue par quelques mercenaires sortis non de nulle part, mais bien des Etats-Unis, et qui, alors que SLAYER posait les jalons de la frontière entre le bruit et la musique avec Reign In Blood, sortaient leurs dernières démos avant invasion définitive du paysage extrême métallique.

MANTAS, X-ECUTIONNER, MORBID ANGEL, NIHILIST. Quelques noms jetés à la volée pour un style qui allait servir d’exutoire à la haine farouche des uns, et à la dévotion totale des autres. Et c’est à ceux-ci que s’adresse ce livre, et donc ma prose aujourd’hui, à cette horde de maniaques jamais satisfaits d’un volume sonore toujours trop faible, et de riffs jamais assez morbides.

Ainsi naquit le Death Metal, genre ultime de l’extrême, qui pendant une poignée d’années allait incarner le mal absolu, avant que celui-ci n’émigre vers des horizons encore plus ténébreux. Et c’est son histoire que Jason Netherton vous propose de découvrir, in their own words, puisque l’auteur a eu la modestie nécessaire pour laisser parler les acteurs mêmes de la scène, ceux qui l’ont faite, par leur musique, par leurs mots, ou simplement par leur investissement, et souvent les trois à la fois.

Originaire du Maryland, cet état perdu qui un jour vit surgir de nulle part l’un des plus gros festivals du genre, le Maryland Deathfest, Jason est un enfant de balle Death qui rebondit de cercueil en épitaphe, et membre fondateur de MISERY INDEX, ainsi qu’ancien avorteur chez les DYING FETUS. C’est lui qui s’est attelé à la lourde tâche de concentrer en un seul volume une grosse partie de l’histoire du Death Metal, genre qui a connu des débuts hésitants mais incendiaires, et qui s’est vu standardisé par les années, ringardisé par le Nu Metal, et qui finalement, semble retrouver une nouvelle jeunesse via la distorsion et la radicalisation du Deathcore.

Mais pas de méprise, Jason lui, est un vieux de la vieille, et même s’il ne passe pas sous silence dans Extremity Retained la période la plus récente, c’est bien les fondements de la légende qui l’obsèdent, comme tous ceux donc les racines remontent à la fin des années 80 et au début des années 90, soit cette période charnière de moins d’une décennie, que d’aucuns présentent comme « l’âge d’or ».

Son livre, assemblage tout sauf disparate d’anecdotes, de témoignages, est une carte du tendre du Death Metal qui laisse les musiciens raconter leur propre histoire, et qui finalement, finissent par raconter la grande, celle qui court des mid 80’s jusqu’à nos jours, et qui se plonge dans les entrailles encore fumantes de la naissance de DEATH, OBITUARY, SUFFOCATION, IMMOLATION, MORTICIAN, MORBID ANGEL, ENTOMBED, UNLEASHED et autres PIG DESTROYER.

Découpé en cinq chapitres de valeur et longueur égales, Extremity Retained vous propose donc un pèlerinage qui vous ramènera aux racines, qui vous fera partager les souvenirs de scène, qui vous fera passer les portes des studios mythiques pour ressentir les vibrations d’albums majeurs, puis qui vous baladera en tournée aux côtés de vos héros, entassés dans des vans usés ou de vieux bus épuisés, et qui finalement, vous fera faire un survol de la lande pour poser la seule question qui reste en suspens, quel avenir pour le Death Metal de nos jours ?

 Ces pérégrinations vous feront côtoyer des figures essentielles de la scène, de Mitch Harris (RIGHTEOUS PIGS, NAPALM DEATH) à Alex Webster (CANNIBAL CORPSE) en passant par John McEntee (INCANTATION, REVENANT), Dan Swano (EDGE OF SANITY), Luc Lemay (GORGUTS), mais aussi Harris Johns (producteur) et bien d’autres dont les noms ne vous diront peut-être rien, mais dont la musique résonne encore dans nos oreilles méchamment abîmées par les décibels non bridés.

Ne le cachons pas, ce livre est une véritable déclaration d’amour à un genre dont le message a souvent été mal compris, et dont les acteurs ont souvent été pris pour ce qu’ils n’étaient pas du tout. Loin d’être les brutes que la presse mainstream aimait à décrire, ces musiciens se révèlent sans fard et sans artifices, et parlent sans filtre, tenant souvent le même discours toujours aussi investi. Les anecdotes sont souvent partagées par des instrumentistes aussi éloignés par le style que par la géographie, et il n’est pas rare que les mêmes propos sortent de la bouche de groupes ayant vu le jour en Floride, en Amérique du Sud, en Suède ou en Australie. Entre des débuts difficiles et des fins qui le furent tout autant pour certains, vous découvrirez le quotidien et finalement, la vie d’une poignée de malades mentaux qui un jour ont rejeté la routine pour se lancer à corps perdu dans l’histoire la plus folle que le Metal vous a contée. Certes, le même ouvrage consacré au Thrash et au Hardcore n’eut pas été différent, mais il est toujours amusant de lire certaines déclarations tout en se remémorant le boucan proposé par ces mêmes groupes sur album.

Entres les tournées/aventures à base de concerts annulés et de vans en rade sur la route, de chiottes bouchés, d’enregistrements où les moyens du bord devaient pallier au manque de professionnalisme, de tape-trading acharné pour découvrir la dernière nouveauté en vogue, l’authenticité du mouvement est retranscrite avec une fidélité bluffante, et finalement, on se rend vite compte que ces musiciens pourtant si honorés par l’underground n’avaient rien de bien différent de nous.

La plupart ont commencé leur carrière alors qu’ils n’étaient encore que des kids, et ne l’ont toujours pas mise entre parenthèses, malgré l’adversité, la pauvreté ou les coups du sort.

Extremity Retained est donc un livre qui se lit comme le journal de bord fantastique rédigée par une armée avec foi et loi, et se dévore d’une traite tant son style direct est aussi percutant que les rythmiques du Death Metal qui claquent comme des coups de fouet. Si chacun choisira son chapitre préféré (j’avoue que ceux consacrés aux passages en studio et aux anecdotes de tournée sont mes favoris), tous les fans se retrouveront autour d’une globalité qui sent bon la vie de famille et les souvenirs communs.

Car même si certains de ces musiciens ne se sont jamais connus, ils ont tous croisé les mêmes personnes, se sont tous arrêtés dans les mêmes clubs, et ont tous voué la même passion aux figures les plus légendaires (qui sont souvent les plus humbles) du genre.

 Et Jason Netherton, en s’effaçant derrière les véritables héros auxquels il a laissé la parole, a fait le meilleur choix possible. La focalisation interne permet de s’immerger complètement dans ce mouvement, qui finalement fut un des plus bricolés et familiaux de l’ensemble de l’extrême. J’ai sciemment choisi de ne reproduire ici aucune citation pour vous laisser le plaisir de la découverte intacte, mais sachez qu’outre ces fameuses vignettes de mémoire qui vous emmèneront des disquaires aux scènes des plus grands festivals, en passant entre les murs du Morrisound, et sous la plume de Dan Seagrave, vous trouverez aussi bon nombre de fac-similé de flyers, d’affiches de concerts, de pochettes de disques et autres listes de distro, reproduites pour le plaisir des yeux.



Alors oui, le Death, pour certains était l’étape ultime sur la route de l’absolu. D’autres sont allés plus loin, certains ont abandonné et quitté le navire, mais il est toujours à flot, avec une coque renforcée et un équipage un peu modifié, mais personne n’a oublié, et surtout pas eux. Et comme ils ne voulaient pas que vous oubliez vous non plus, ils vous ont tout raconté, sans gêne, sans honte, et avec une certaine fierté mâtinée d’innocence. Parce que c’était ça, le Death Metal, pour eux, et aussi pour vous, si vous avez mon âge, ou un peu moins.

Merci à Jason (et à Angélique, toujours impeccable dans son rôle de traductrice) de nous avoir permis de revenir un peu en arrière sans bouger du présent.

Une vie, une passion. Et si nous pourrissons tous lentement sur l’autel de la folie, si nous attendons une guérison spirituelle devant les effigies des oubliés, si nous prenons le chemin de gauche plutôt que d’être maudits, nous finirons tous puant de putréfaction. C’est ainsi.

Mais entretemps, quel pied nous aurons pris !   


(Livre traduit de l'anglais original par Angélique Merklen)


par mortne2001 le 23/05/2017 à 18:45
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Commentaires (8) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
24/05/2017, 06:06:08
Ça c'est pour moi ! Merci pour la chronique !

Jus de cadavre
membre enregistré
24/05/2017, 20:43:51
Ah oui et bravo pour la critique du bouquin, une fois de plus très bien écrite. Le dernier paragraphe en forme d'hommage (traduit) aux albums cultes est juste parfait ! Comme tu dis "une vie, une passion".

mortne2001
membre enregistré
25/05/2017, 11:54:51
Le bouquin m'a fait penser à celui sur le NYHC. J'ai bien sûr été moins concerné, puisque j'ai arrêté le Death assez tôt (les meilleurs groupes ont en effet sorti leurs meilleurs albums entre 1987 et 1993), mais il est sympa à lire, et certaines anecdotes sont vraiment marrantes.

JTDP
membre enregistré
25/05/2017, 15:26:00
Clair qu'elle donne sacrément envie cette chronique ! Juste pour info il est à combien le bouquin ?

Saul D
@77.197.7.150
25/05/2017, 19:49:05
J'ai la version anglaise du livre, en effet très passionnant...mais il manque des groupes ( Jason Netherton a dit que certains ont mis trop longtemps à répondre), les scènes française, italienne, et je dirais mexicaine ( parce qu'on a quand même pas mal de groupes latino-américains cités) sont peu abordées...

RBD
membre enregistré
25/05/2017, 20:14:46
Ah, j'espérais un avis. Je me doutais que ce devait être bien fichu (Netherton n'est pas un idiot).

mortne2001
membre enregistré
26/05/2017, 12:36:29
@JTPD: le bouquin est à 36 euros.
@Saul D: comme toi j'ai été déçu de ne pas retrouver AGRESSOR ou MASSACRA par exemple...
@RBD: j'espère que la chronique t'a donné un bon aperçu ;)

Jeflonger
@92.167.120.112
16/02/2019, 19:28:51
Belle chronique, complémentaire a choosing death ?
Très tentant

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