Gojira + Avatar

Gojira, Avatar

Arènes De Nîmes, Nîmes (France)

du 02/07/2023 au 02/07/2023

Quand le passage de Gojira aux arènes de Nîmes fut annoncé, je n'ai pas hésité un instant : les voir trois fois en moins de 360 jours, c'était tellement 2005 ! Cela permettrait aussi de rattraper la petite frustration d'avoir passé la soirée de Bercy loin et assis. Et puis, cela faisait dix ans que je n'étais pas revenu dans l'amphithéâtre romain pour un concert. Au fil des éditions le programme du festival d'été s'est à la fois étoffé et répété, ne jouant que des coups sûrs qui ne m'emballaient plus : revoir Rammstein ou Slipknot (l'autre affiche Metal encore cette année la semaine d'avant), des gloires du Heavy ou du Hard de Papa (Nightwish, Purple, Kiss…) ne me motivait pas. Même chose pour la programmation hors Metal. Puis le COVID passa. Me restaient quand même une paire de regrets envers des incompatibilités de date lors des passages de Manson et surtout System of A Down. Cette fois, les retrouvailles seraient scellées, enfin.

Les abords du monument grouillaient de fans de la région et aussi d'ailleurs, cherchant l'air, l'ombre et la bière dans la ville dérangée dans sa tranquillité d'un dimanche soir estival. Les bars et cafés du secteur, heureusement, étaient ouverts comme d'habitude. Les travaux de restauration en cours n'avaient pas d'incidence. Après avoir passé les contrôles, les vénérables grilles puis embarqué une pinte au comptoir de la buvette à la truculence toute méridionale, on entrait sur la piste par la porte des consuls. Dans sa configuration spectacle, le sol de l'arène était entièrement goudronné et les barrières de la contrepiste avaient disparu. Dans les gradins, la zone la plus haute et dépourvue de sièges n'était plus accessible comme avant, là même où j'avais passé certains concerts il y a bien des années, ce qui réduit notablement la jauge ; il paraît que le nombre de places debout a été également restreint, ce dont je me suis moins rendu compte. J'avais un peu oublié qu'avec la scène qui mange un tiers de l'espace intérieur, l'amphithéâtre devient un creuset où l'on n'est jamais très loin du spectacle. Pour meubler l'attente on retrouvait quelques autres mordus de la région afin d'échanger sur nos batailles récentes et futures. Quant aux camarades décidés au dernier moment et réfugiés dans les gradins, on se retrouverait à la fin du show.


Les cinq Suédois d'AVATAR, qui avaient déjà ouvert ici même pour Slipknot il y a quelques années, revenaient défendre leur nouvel album et une discographie étoffée. Il faisait encore bien jour lorsqu'un roadie torse poil et coiffé d'une cagoule de cuir vint tester une dernière fois les guitares, puis revint avec un gros paquet cadeau orné d'un ballon rouge qu'il posa sur une table nappée au centre de la scène, et d'où sortit le chanteur Johannes, maquillé comme un clown et la langue dehors à la Kiss. Sous l'enseigne du nom du groupe en ampoules alignées et leur logo actuel, le quintet en costumes satinés noir et rouge et vestes pirates privilégie le spectacle : le chanteur jouait de sa canne à pommeau, les guitaristes grimaçaient à tout bout de riff en prenant des poses, et on nous fit bouger les bras en cadence dès le troisième titre. La musique ressemblait beaucoup à du In Flames de la période intermédiaire, ce Death mélodique largement coupé de Néo et de Heavy. Les tenues accentuaient la ressemblance avec la vague actuelle du Heavy assez spectaculaire. La personnalité expansive de Johannes Eckerström guidait la performance, avec ses discours assez longs mais parfois marrants. Cela virait au cirque festif bon enfant lorsqu'il s'empara d'un trombone, ou avec un titre dansant façon gigue ou quadrille. Une chenille humaine se mit à serpenter au milieu de la fosse, on se croyait vraiment dans un festival allemand. 

Alors qu'on en était au tiers du set seulement, le groupe s'éclipsa le temps qu'on installe une mini batterie en première ligne, puis ils regagnèrent leurs positions en mimant un défilé militaire d'opérette. Les costumes furent peu à peu enlevés au profit de bretelles rouges du même effet. Plus tard, le bourreau et un assistant apportèrent un piano demi-queue pour que le chanteur assure seul un titre, où une partie du public décrocha. Même lorsque les quatre autres se repointèrent, une certaine division était palpable dans l'assistance. Les nombreux participants venus uniquement pour Gojira tâchaient de s'intéresser peu ou prou à cette première partie bien éloignée de leur univers, et participaient poliment aux applaudissements tirés par les vrais fans du groupe et du genre massés aux premiers rangs. On aime ou pas, mais dans l'ensemble et avec ses propres moyens Avatar avait relevé le défi du groupe invité, malgré le fait d'être moins cohérent que lorsque Gojira choisit lui-même qui il veut promouvoir. La représentation s'arrêta au bout d'une heure.



Il ne fallut qu'une petite trentaine de minutes pour que GOJIRA se prépare et à 22 h 01, après un peu de fumée pour nous titiller, une vidéo démarra directement sans compteur préalable et le groupe se présenta derrière Mario Duplantier pour attaquer sans sommation en déterrant le bon vieil "Ocean Planet". Cette surprise suffit à donner une saveur différente à toute la suite, comme une attention envers les fans présents sur de précédentes dates de la promotion de "Fortitude". C'est peut-être un titre lent, mais parfait pour rétamer d'entrée toute l'assistance avec un son de sauropode en goguette plus clean qu'à Paris. L'enchaînement suivant ramenait à des sensations récemment éprouvées, mais restituées avec une puissance grisante comme les échos du refrain de "Born for One Thing" et ses moulinets. J'étais content d'avoir pris mes protections auditives malgré les conditions du plein air ! Aux riffs colossaux, et un groupe intenable sur grand écran, s'ajoutait une débauche d'effets : lance-flammes à volonté, fumée et salve de cotillons dès "Backbone" (d'un modèle différent de l'an dernier, blancs et plus fins). La fosse et votre serviteur à trois mètres en retrait dans cette cocotte bouillante nageaient dans une euphorie rare, culminant avec le riff triomphal de "Stranded". Cette fois encore, ce sont les baleines volantes qui apportèrent un peu de répit dans cette bataille digne des plus sauvages jeux de gladiateurs. La setlist restant globalement la même, "The Cell" et "The Art of Dying" étaient illustrés par les mêmes clips d'orage et de graine donnant naissance à un arbre de vie quelque peu christique… Idéalement on aurait apprécié que les titres varient par rapport aux précédentes rencontres, mais à parpaing donné on ne regarde pas les dents, et sur l'instant on ne pouvait que se laisser toujours porter. Heureusement que malgré la chaleur, nous n'étions pas excessivement serrés. Mario se lança alors dans son numéro de solo, avec le sketch des panneaux, pour laisser quelques moments de repos à son frère et leurs compagnons inséparables. Fidèles à leur réputation, cela faisait trois quarts d'heure qu'ils parcouraient la scène en sueur, Labadie toujours le sourire aux lèvres et le jeune père Andreu toujours dans son attitude de taciturne détendu.

Nous retournâmes sur le dernier album avec "Grind", son premier riff bateau et sa montée harmonique salvatrice en seconde partie. On peut parler de salut car sur les premiers gradins à gauche en regardant, une jeune fan brandissait un panneau de remerciement à Gojira pour l'avoir sauvée par leur musique. Joe était resté très peu disert jusque-là, se bornant à quelques brèves exhortations au public pour que nous nous donnions encore plus. Peut-être était-ce la leçon de la maladresse de Bercy (ceux qui y étaient comprendront). Il prit alors la parole pour raconter comment ils avaient pris une fusée pour faire un saut dans le temps, annonçant évidemment l'excellent "Another World" avec son clip. Suivit sans temps mort le morceau-titre de "L'enfant sauvage", avec une illustration rappelant sobrement le clip originel et une nouvelle offensive de feu et de fumée. Le pilonnage était brut et impitoyable. Dans cette seconde moitié de set, les caméras se tournèrent plus vers le public et Mario n'arrêtait pas de balancer des baguettes au loin. "Our Time is Now" est une une scie entêtante mais son riff simple, son placement plus aigu que le reste du répertoire et son refrain simple ultra fédérateur emportèrent un succès certain, le headbang broyeur de nuques laissant place au poing levé le temps d'une chanson. Et puis, chose impensable un temps, il y a un solo de guitare dedans.

Joe se perdit dans ses phrases pour nous préparer à répéter le refrain de "The Chant" et y mettre à la fois ce que chacun voudrait exprimer et une forme de communion, mais je me demande si ce n'était pas lié à un léger retard de calage du sample, dans un concert jusqu'ici sans aucun accroc mais dont le terme commençait à pointer à l'horizon. Ce morceau risque de devenir un incontournable de la fin de set, plus lumineux, toujours pesant mais plus relâché, avec lui aussi son solo de guitare, qui le rend emblématique du nouveau terrain recherché par Gojira depuis "Fortitude". À moins que ce ne soit une ruse pour nous faire encore plus mal sur un "Amazonia" final mêlant là encore une expérimentation prudente, le riff météoritique traditionnel, un peu de cri à moitié clair et la sortie majestueuse, plus un hommage évident à une de leurs influences majeures et l'accord avec leurs thèmes de prédilection. Sur les gradins, on apercevait d'ailleurs un drapeau brésilien s'agiter. Vous reprendrez bien une pluie de paillettes en plus sur vos têtes.

Le premier rappel ne se fit pas beaucoup désirer, il y avait encore de la marge à la montre. Avec ses moulinets aux petits oignons et sa syncope d'une puissance cosmique, ce fut l'obligatoire "Silvera" qui montra à nouveau la maîtrise que le quartet conserve derrière un son écrasant et un abattage physique sans relâche qui ne servent en rien à cacher quoi que ce soit. Enchaîner avec ce cher vieux "Vacuity" était jouissif, ce titre était absent à Bercy comme à Albi l'été dernier. Ce soir encore, j'étais parvenu à renouer avec les divines sensations de cette avant-dernière rencontre avec le groupe dans une chaleur comparable, et plus largement à la longue histoire que Gojira signifie pour moi depuis une vingtaine d'années – comme pour beaucoup d'autres gens sans doute. L'ultime rappel fut accordé au son montant du mélancolique "The Gift of Guilt", son clip rempli de symboles et sa pluie d'étincelles. On en écraserait une larmette sous cette ultime assaut délayé au marteau, alors que le logo classique de Gojira s'affichait progressivement avec vue du public en fond, sur la toute fin. Comme disait Joe, "ça, c'est fait !". Il remercia Avatar, déclara avoir beaucoup apprécié de voir le monde sur les gradins antiques, ce qui n'est certes pas habituel, et esquissa une comparaison avec le fameux live de Pink Floyd aux arènes bien plus vides de Pompéi. Le reste du groupe resta un moment à la MetallicA et pour une photo souvenir, Mario parcourant la scène avec un drapeau ukrainien (ce n'est rien, mais c'est bien) puis emportant le drapeau tricolore d'un fan club venu de Toulouse. Réduit en poudre par une heure et demie de bombardement, le public commençait déjà à s'en aller alors que Mario était encore là. Tandis que je prenais le temps d'atterrir lentement dans ce monument si emblématique de la région, cela se vidait assez rapidement. La performance sans faute, encore plus aboutie qu'à Bercy, pourrait justifier qu'un prochain DVD retrace plutôt cette soirée-ci… mais nous rêvons peut-être.


Ocean Planet/ Born for One Thing/Backbone/ Stranded/ Flying Whales/ The Cell/ The Art of Dying/ Solo de batterie/ Grind/ Another World/ L'enfant sauvage/ Our Time Is Now/ The Chant/ Amazonia/

Silvera/ Vacuity/

The Gift of Guilt


En ralliant le pub mythique de Nîmes à travers les ruelles de la vieille ville pour retrouver les camarades, je ne retenais au passif de cette soirée gravée dans les mémoires que le prix un peu excessif du merch' et l'impasse désormais confirmée sur les deux premiers albums pourtant légendaires… Certes le son actuel du groupe, voire depuis "FMTS", n'est pas tout à fait le même. Sans doute aussi que ces deux albums marquent l'époque où Gojira n'était encore connu que dans les pays francophones et n'ont pas la même aura au niveau international. Le set n'en souffre aucunement tant le répertoire de Gojira allie évolution et homogénéité. Mais je le regrette. Une fois attablé devant un grand verre plein avec de bons amis, ne restait plus qu'à refaire le concert, rejoints par des fans venus d'Anjou (ils se reconnaîtront peut-être)… notamment pour notre compagnon de soirée peu musicien qui venait faire là son premier concert de Metal histoire de suivre la bande, et qui n'avait tenu qu'une demi-heure avant de partir se réfugier dans les vomitoires !!! Ce report lui est évidemment dédié.


par RBD le 05/07/2023 à 12:17
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Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Humungus
membre enregistré
05/07/2023, 12:46:41

AVATAR en première partie ???

Mon dieu la purge... ... ...


RBD
membre enregistré
06/07/2023, 12:32:05

Petite correction : c'est à l'ouverture de "Stranded" que nous avons été assaillis de cotillons, non pas "Backbone".

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