Hades Rising

Defiatory

11/05/2018

Black Lion Records

Le Thrash suédois est ce qu’il est, et dans les années 80, si les noms d’AGONY, de DAMIEN, d’ICE AGE, de KAZJUROL, ou d’HEXENHAUS peinaient à cacher la partie immergée de l’iceberg BATHORY (qui lui aussi, n’en déplaise à la majorité bruyante en jouait, malgré la croyance collective l’affiliant avec bêtise au Black Metal), il avait le mérite d’exister et de tenter de s’imposer, malgré la domination incontestable des américains et des allemands, qui avaient conjointement inventé et popularisé le style. Depuis, les choses ont évolué, et la situation s’est presque inversée, tant ce petit pays représente un réservoir quasi inépuisable de formations s’adonnant aux joies du riff syncopé et de la rythmique enlevée. On le sait, les scandinaves ne sont jamais aussi à l’aise que dans l’art de la nostalgie, qu’ils expriment plus volontiers sous un axe Hard N’Heavy, mais la mainmise opérée sur le terrain Death dans les années 90 leur a permis de maîtriser la violence pour mieux la restituer sous un jour plus nuancé, laissant une poignée de groupes de nos jours rattraper le retard accumulé pendant toutes ces années. Il est inutile de chercher à recenser tous les acteurs locaux actuels, mais on pourrait ajouter à cette liste virtuelle le nom des DEFIATORY, qui s’ils auraient largement eu leur place au sein du triumvirat USA/Allemagne/Amérique du Sud il y a trente ans, se sentent tellement bien dans leur époque que cette transposition n’a pas forcément lieu d’être. Non, ces musiciens là, tout en assumant l’héritage encombrant d’une décennie qui a tout écrit et traduit, proposent leur idée très personnelle d’un Thrash faussement passéiste, mais concrètement actuel, et nous exposent leurs vues sur une seconde réalisation longue-durée, qui prend subtilement ses distances avec la première.

Fondé en 2015 par le guitariste Ronnie Björnström après son départ d’AEON, DEFIATORY, qui n’était alors qu’un concept fut vite complété par l’arrivée du vocaliste Martin Runnzell, avant d’adopter la forme d’un quintette, qui aujourd’hui abrite la section rythmique en duo de Patrik Wall (basse) et Jon Skäre (batterie), et les talents de soliste de Ludvig Johansson. Et deux ans après l’introductif Extinct, le groupe revient donc sur le devant de la scène histoire d’expulser un regain d’énergie via ce terrassant Hades Rising, aux cinquante minutes presque bien tapées. Qu’attendre donc d’un second LP qui se veut translation du génie initial de la Bay Area dans les plaines suédoises ? Une solide dose de Thrash intelligent, qui affirme son allégeance au style tout en lui offrant un lifting mélodique prononcé, dans la grande tradition locale, sans qu’il ne perde son efficacité en route. On retrouve donc tout ce qui avait fait d’Extinct un album sous haute surveillance, ce chant grave et incantatoire, aux accents rauques mais délicatement dramatiques, ces chœurs guerriers, et ces accointances avec le Death national des nineties, sans que la balance ne penche du mauvais côté. Ici, point d’excès, mais beaucoup de finesse dans l’exécution, sans tomber dans les travers de la sophistication à outrance. Halte là, nous sommes ici pour headbanguer, et le message est bien passé, de morceau en morceau, même si parfois, la redondance s’invite au banquet. Avec une moyenne de quatre minutes et des poussières par titre, et plus d’une dizaine de ces derniers, les suédois n’ont pas misé sur l’économie, ce qui joue de temps à autres en leur défaveur, spécialement lorsque le terrain s’alourdit et gêne les mouvements les plus lestes (« Bane Of Creation » riff moshisant sympathique, mais chœurs fédérateurs à l’allemande qui alourdissent un peu la digestion).

Ce qui n’empêche nullement certaine saillies Heavy de faire le ménage en grand et de nous offrir quelques démonstrations en dualité grandiloquence/quintessence, comme le démontre le monstrueusement puissant « All That Remains », qui suggère une union pas si contre nature que ça entre la précision d’un ANNIHILATOR et l’emphase d’un ARCH ENEMY. Mais c’est dans ses déplacements les plus lestes que Hades Rising se montre le plus convaincant, et l’ouverture « In Hell » de nous y traîner sans hésiter, en développant une belle attaque sonique en règle, saccadée à outrance et au refrain digne de la sidérurgie germaine la plus huilée. Une entrée en matière tonitruante qui place les débats sur le plan de la violence, sans jamais exagérer ou jouer les timorés, mais en trouvant au contraire un très bon compromis entre vitesse et adresse, dans la plus grande tradition Bay Area du genre. « Dance of The Dead » confirme, et accentue un peu plus le volume, tout en s’autorisant un mid tempo particulièrement probant, mais en acceptant la nuance et l’ambivalence des tempi, nous pulvérisant d’une grosse caisse au son dantesque et de voix s’entremêlant avec férocité. On sent que le background du groupe provient d’horizons différents, tant le patchwork sent la diversité, mais le but n’en reste pas moins le même, se rapprocher des valeurs les plus sures du thème, via un « King In Yellow » presque progressif, et symptomatique de la transition entre les premières et secondes vagues californiennes, lorsque les combos ne rechignaient plus à tremper leur vilénie dans un Heavy plus dru. Il est certes possible de trouver ça un brin classique et trop formel, mais l’efficience du propos n’efface pas la brutalité habilement teintée de finesse, lorsque les plans se succèdent pour offrir des développements aussi féroces qu’agencés (« Stronger Than God »). Et quelques crises de rage moins contrôlées nous permettent même de laisser notre chevelure s’envoler (« Death Takes Us All », au parfum SLAYER « God Hates Us All » quand même très prononcé), ce qui fait culminer le tout à des hauteurs assez élevées.

Sans chercher à bousculer l’ordre établi, les DEFIATORY sont en constante recherche d’un équilibre parfait (« Morningstar », un peu CREMATORY dans le fond, mais résolument Thrash dans la forme), au point que l’on peut regretter qu’ils ne se lâchent pas plus et deviennent moins sages. C’est évidemment cette modération symptomatique qui incarne le talon d’Achille de l’entreprise, qui parfois, s’apparente plus à une forme plus débridée d’un Heavy acéré qu’à une incarnation Thrash déchaînée, même si quelques passages méchamment violents sauvent le navire de la dérive (« Metatron »). Mais difficile de faire la fine bouche face à un produit aussi millimétré, qui capte l’air du temps pour lui faire humer celui du passé, sans forcément rester trop lié à des performances de légende. Le bilan est donc largement positif, même si on peut espérer qu’à l’avenir les suédois sauront moins prédire que maudire, et oseront enfin franchir quelques limites pour catapulter leur Thrash hors de portée.


Titres de l'album:

  1. In Hell
  2. Dance Of The Dead
  3. King In Yellow
  4. Stronger Than God
  5. Death Takes Us All
  6. Morningstar
  7. Down To His Kingdom Below
  8. Metatron
  9. Bane Of Creation
  10. All That Remains
  11. Hades Rising

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 10/05/2018 à 13:53
75 %    894

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report

Abbath + Toxic Holocaust + Hellripper

RBD 21/01/2024

Live Report

1984

mortne2001 10/01/2024

From the past
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Gargan

J'ai cru un instant que c'était celui qui avait joué sur la compile metal militia... c'était SarcaZm, dommage.

29/03/2024, 08:37

Simony

C'est justement ce relent de Hardcore qui en fait du Thrashcore en condition live qui m'a dérangé. Le placement du chant fait vraiment moderne, c'est con mais ça m'a un peu rebuté, dommage parce que musicalement c'est vraiment pas mal.

28/03/2024, 16:07

Tourista

L'album de Pâques !  

27/03/2024, 19:56

MorbidOM

Découvert l'an dernier dans un mini festival à Toulon avec Aorlhac en tête d'affiche, j'avais bien accroché et acheté leur cd (le précédent du coup) qui m'avait un peu déçu (difficile de redre justice à une m(...)

27/03/2024, 00:16

Saul D

Ben si Cannibal Corpse est une légende, Immolation aussi, non? Ils avaient tourné ensemble en 1996 ( je les avais vus à la Laiterie, avec Inhumate en première partie...)...

26/03/2024, 13:16

Bulbe

Enorme !

26/03/2024, 08:06

Vivement le prochain Ep. Ça envoie du lourd

Putain c'est vachement bien 

26/03/2024, 00:15

Gargan

Je viens de tomber par hasard sur ce docu à leur sujet, je sais que deux-trois ici pourraient être intéressés : TULUS - 3 DECADES OF UNCOMPROMISING BLACK METAL (FULL DOCUMENTARY) (youtube.com)

25/03/2024, 20:05

Humungus

C'est très loin d'être pourri, mais j'préfère tout de même de loin "Ozzmosis", "Down to earth" ou "Black rain"...

25/03/2024, 09:21

RBD

Tout le mérite en revient à notre hôte, je n'ai influé en rien sur les choix successifs. Autrement dit, cela me convenait aussi.

24/03/2024, 19:53

Buck Dancer

J'aime beaucoup. Parcours sans faute jusqu'au septième morceau. Du death classieux moins extrême que le premier album mais plus varié. Les délires vocaux de Vincent passent aussi très bien (ce qui n'aurait pas été le cas chez Morbid).(...)

24/03/2024, 13:34

Humungus

Je plussoie à mort ta bande son d'after hé hé hé...

23/03/2024, 11:02

Antidebilos suce mon zob

@antidebilos : t'es vexé, sac à foutre.

22/03/2024, 15:49

Oliv

Et le plan r fest ! 

22/03/2024, 15:21

antidebilos

"groupe de petites gauchiasses qui crisent si on n'emploie pas le bon pronom" : allez, retourne écouter tes groupes de NSBM de fond de toilettes et épargne-nous tes commentaires ridicules

22/03/2024, 09:04

Ivan Grozny

Tournée vue à Paris, merci pour le report.

21/03/2024, 21:01

Orphan

Tres bonne news des le matin. 

21/03/2024, 08:08

LeMoustre

A minima c'est assez inutile, rarement intéressant même si l'idée n'est pas nouvelle. Voivod l'a fait y'a peu, c'est quand même assez anecdotique sur le rendu final. Les morceaux en version d'origine se suffisant a eux mêmes.

20/03/2024, 12:18

Gargan

Ce son de toms n’existe plus depuis schizophrenia

19/03/2024, 22:06

LeMoustre

Il prend corps au fil des écoutes, et s'il paraît moins immédiat que Firepower, il ne me déçoit pas tant les compositions restent solides et dignes du Priest. Pas encore totalement poncé mais j'encourage à y revenir et chaque écoute(...)

19/03/2024, 14:50