II

Dead Cross

29/10/2022

Ipecac Recordings

Tu ouvres une porte, il est derrière. Tu regardes par le judas, tu le vois. Dans la rue, il te suit à quelques dizaines de mètres. En studio, il se cache derrière les amplis, et surgit comme un diable de sa boite pour enregistrer le chant à ta place. A la manière d’un Droopy maniaque, Mike Patton est l’omniprésent, l’omnipotent, et peut-être même l’omniscient, en matière d’art évidemment, et une fois encore, c’est un plaisir de le retrouver au micro d’un de ses side-projects les plus fameux de ces dernières années, DEAD CROSS.    

  

Encore une fois flanqué de ses fameux lieutenants, Dave Lombardo, fidèle, Justin Pearson, fiable et Mike Crain, toujours prêt, Mike Patton nous en redonne pour notre argent, a rechargé les lots dans les engins à pincettes, et nous invite à découvrir sa nouvelle fête foraine bruitiste remise à neuf, cinq ans après son ouverture. Le premier tour de piste, éponyme, quoique très intéressant, n’avait pas convaincu tout le monde. On y voyait une énième tentative de transcender le Thrash de papa par des impulsions personnelles, et si le mélange était explosif, il lui manquait encore un chouia de puissance.  

Ou de bizarrerie.

Ou de folie.

Oui de folie, c’est bien le mot adéquat. Alors, au moment de lâcher II à la face du monde incrédule, la composition a été prise plus au sérieux, et le résultat s’en ressent. Si la voix de Patton est évidemment reconnaissable entre mille, le background instrumental s’est mis au diapason de l’étrangeté du dernier MR BUNGLE, totalement Thrash et foudroyant. Cette simplicité de ton a laissé des traces, qu’on note sur l’imparable et complètement barge « Heart Reformer », sorte de mélange improbable entre le SUICIDAL TENDENCIES des premières heures (encore un escadron qui peut compter sur les piqués diaboliques du sieur Lombardo), et un DILLINGER ESCAPE PLAN plus porté sur le Hardcore classique et Ambient que sur des mesures hachées.

Il semblerait que ce nouvel album fasse la part des choses entre l’héritage et le legs. L’héritage, ce sont évidemment tous ces groupes auxquels ces musiciens ont participé. La liste est longue, je ne la reproduirai pas ici, mais le bagage de ces quatre-là leur permet d’excuser toutes les crises, et même un peu de convenance parfois. Non que cet album fasse partie du tout-venant de la production actuelle, mais on sent quand même quelques accalmies, plus présentables, mais pas moins fascinantes.

Disons juste que si Patton avait souhaité synthétiser toutes les productions Ipecac depuis quinze ans, il n’aurait pas fait mieux. Voilà pour le legs

On trouve du TOMAHAWK, du MR BUNGLE, et même un peu de PAINKILLER, sans le saxo. Du Thrash réinventé pour la nouvelle génération qui a fini de découvrir l’ancienne via les sorties incessantes de l’école nostalgique. Et qui du coup, essaierait bien autre chose. « Strong and Wrong » par exemple, entre hystérie et Post-Punk biscornu, évoquant un John Lydon aux commandes d’une version cheap de M.O.D.

On passe d’un chapitre à l’autre avec cette sensation de devoir s’attendre à tout, sauf ce qu’on avait prévu. Là ou Dead Cross restait encore bien timide, II se lâche complètement, et fout le bordel dans l’hôpital en courant cul nul dans les couloirs, braillant des insanités à base de boîte de nuit, de chrétiens en missiles, d’animaux, d’erreurs génétiques et d’amour sans amour.

Mais l’amour sans amour n’est pas pour autant le désamour, et autant dire que ces neuf nouveaux poèmes ravivent la flamme, et restaurent la confiance en un projet qui promettait beaucoup, mais qui n’en a livré que la moitié. Et la seconde moitié fait au moins le double de la première moitié, soit un tout.

J’aime « Ants and Dragons », parce que ça ne ressemble à rien, comme la plupart des bons concepts de Patton. J’aime le tout parce que le jeu de Lombardo atteint encore des sommets de liberté percussive, entre toms tribaux et caisse claire sentencieuse. Et puis ces pulsions Rock à la NOMEANSNO sur « Nightclub Canary », qu’on aurait pu trouver en tant qu’inédit durant les sessions d’Angel Dust de FAITH NO MORE. Et puis ce chaos dissonant dégénérant en Hard-Rock dégénéré sur « Christian Missile Crisis ». Passé la crise de la cinquantaine, Mike et les siens ont pu enfin s’accepter tels qu’ils sont et nous offrir le travail qu’on attendait d’eux. Encore une fois, Patton nous a habitués à tout et n’importe quoi, mais pas n’importe comment. Ses années les plus expérimentales sont derrière lui (et encore, faut-il le prouver), mais ses années de démence vocale restent d’actualité.

Impossible du coup d’écouter « Reign Of Error » sans tout envoyer valser, puisque même lorsqu’il se veut Thrash, le DEAD CROSS II du nom reste trash. Une minute et quelques de brutalité extrême avec un Lombardo en crise de mollets sur sa double pédale (mais quand ce mec sera-t-il atteint par l’arthrite ????), et puis on se finit en crachant sur les imposteurs, pour un summum d’ambiance moite sur le bien nommé « Imposter Syndrome ».

On se demandait justement il y a quelques années (cinq pour être précis) si DEAD CROSS n’était pas un imposteur déguisé en sauveur. La réponse est aujourd’hui évidente, et le quatuor de flingués assume son statut de supergroupe qui ne se prend pas pour un super-héros.

Tu ouvres une porte, il est derrière.

Tu regardes par le judas, tu le vois.

Every breath you take, he’ll be screaming for you.

  

  

         

Titres de l’album :

01. Love Without Love

02. Animal Espionage

03. Heart Reformer

04. Strong and Wrong

05. Ants and Dragons

06. Nightclub Canary

07. Christian Missile Crisis

08. Reign Of Error

09. Imposter Syndrome


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par mortne2001 le 17/11/2022 à 17:45
90 %    351

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Buck Dancer
@87.88.183.142
18/11/2022, 12:50:36

J'écoute l'album depuis quelques jours. 

J'ai encore besoin de temps pour bien l'avoir en tête, mais il me parle plus que le premier album qui ne m'avait pas inspiré plus que ça. ICI, le groupe semble s'être "trouvé". Chacun apporte son bagage musical tout en "s'adaptant" à Patton, il me semble. Cela donne une mixture noise/thrash déjanté de qualité. Et content de revoir Patton en pleine forme, ainsi que Lombardo dans un projet de cette qualité ( en plus de Bungle) 


Humungus
membre enregistré
19/11/2022, 07:14:42

Superbe album.

Mix parfait entre Thrash et "expérimentation".

Du coup, faut que je me réécoute le premier pour me faire une juste comparaison...

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A minima c'est assez inutile, rarement intéressant même si l'idée n'est pas nouvelle. Voivod l'a fait y'a peu, c'est quand même assez anecdotique sur le rendu final. Les morceaux en version d'origine se suffisant a eux mêmes.

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Très cool de découvrir ce groupe ! La présentation est plus fluide mais il faudrait laisser la place à un extrait à mon avis et ça permettrait de mieux rythmer la vidéo.

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