Une pochette aux teintes délicates, une iconographie qui rappelle SLAYER, voilà de quoi oublier un nom passe-partout (on ne recense pas moins de sept ou huit ABHORRENT sur The Metal Archives), et une classification un peu trop générique pour être honnête (Death/Thrash, on ne se mouille pas trop, d’autant que le genre n’a jamais été facile à définir). En choisissant de m’occuper du cas de ce nouvel album, j’ai tenté le diable, n’étant pas certain de connaître le groupe en question, et après enquête pas très poussée, il s’est avéré que non, puisque je les pensais versés dans le Death barbare et typique. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que ces musiciens savaient faire preuve de finesse et de flair, et c’est donc avec plaisir que j’écoutais plusieurs fois les huit pistes de ce Katabasis. Néanmoins, après lecture des renseignements disponibles et de la bio du groupe, j’en ai très vite conclu que leur parcours avait été tout sauf un long fleuve de bile tranquille. Jugez du peu, formé en 1987, le combo n’en est qu’à son troisième LP, et négocie donc son virage si dangereux avec trente-trois ans de carrière derrière-lui. De quoi amorcer la courbe avec sérénité, en étant sûr de sa vitesse…Ces ABHORRENT-là nous en viennent donc de Santiago du Chili, ville qui les a vu naître en 1987, mais c’est en 1992 que leurs premiers cris furent poussés via la démo instrumentale qu’ils lâchèrent sur le marché. L’année suivante, c’est la première démo officielle et pro qui vit le jour (Christianicide), mais c’est en 1996 que le premier long fut baptisé (Start Point). Et alors qu’on pensait leur carrière lancée, inexplicablement, le groupe finit par se terrer dans le silence pendant pas moins de quinze ans, avant de ressurgir en 2011 avec la suite de ses aventures. Heridas rassura donc les fans inquiets, mais malgré une compilation publiée en 2013 (History of the World's End), il fallut encore attendre avril dernier, soit neuf ans pour que les chiliens se décident à reprendre leurs instruments pour composer…
Pas vraiment pressés donc nos amis du jour, qui avec Katabasis nous donnent pourtant une belle leçon de savoir-faire violent typiquement sud-américain. Mais attention, vous auriez beau jeu de croire les animaux bestiaux, ce qui n’est assurément pas totalement le cas, puisque les originaires de Santiago manient la subtilité instrumentale avec un certain panache, et surtout, la diversité. En sachant leur naissance ancrée dans la dernière partie d’eighties dominantes, il n’est pas difficile de deviner que ces musiciens ont encore des souvenirs tenaces de leurs débuts. C’est donc très logiquement que leur musique sonne comme si elle avait été composée aux Etats-Unis ou au Canada entre 1988 et 1990, les allusions aux cadors de l’époque se multipliant comme les plans percutants. Loin de se contenter de riffs velus réchauffés pour l’occasion, le quatuor au line-up étonnamment stable (Richard Ayala - guitare, Luis Mella - chant, tous deux membres originaux, Rodrigo de la Hoz - basse, depuis 1990 et Freddy Ayala - batterie, depuis deux ans) se propose de revisiter plusieurs courants de l’extrême de l’époque, suggérant même des accointances avec le Techno-Thrash et le Thrash Psychédélique de VOÏVOD, DOOM et DEATHROW lors du miraculeux « Ruling Dynasty ». Si les qualités intrinsèques de l’œuvre sont nombreuses, et si les morceaux sont tous d’intérêt, autant dire que celui-ci est l’épitomé d’un culot rythmique et artistique admirable, avec ses lignes de basse en circonvolutions, ses guitares tantôt jazzy planant, tantôt Thrash puissant, sa rythmique volubile et ses lignes de chant éructées. Nous catapultant à l’époque bénie de Dimension Hätross, Deception Ignored et Complicated Mind, « Ruling Dynasty » est une petite tuerie d’à peine plus de cinq minutes, qui résume tout ce que l’on a toujours aimé dans le Thrash le plus audacieux, et nous fait immédiatement comprendre que les ABHORRENT sont bien plus qu’un simple artefact des années 80, et toujours un groupe viable à l’inspiration audacieuse et multiple.
Mais à vrai dire, un groupe qui vous cueille à froid avec un pavé de plus de sept minutes est un groupe qui ne s’appréhende pas à la légère. Et en cumulant la persuasion rythmique de MEGADETH, la fluidité mélodique de TESTAMENT, la hargne de FORBIDDEN et la rage Hardcore d’ACROPHET, « Candidate to Punishment » est une entrée en matière qui en dit long sur l’appétit des chiliens qui souhaitent rattraper le temps perdu. Profitant d’une production matte mais claire, de guitares affûtées et d’une basse enrobée, le groupe impose sa vision plurielle, et synthétise trois décennies de Metal extrême. N’hésitant jamais à emprunter au Death ses accélérations les plus fatales (et qui finalement, se rattachent plus au Thrashcore qu’au Death à proprement parler), ABHORRENT prône la diversité dans l’agression et nous percute d’un « Sabbat » qui rappelle les débuts de la scène Black Thrash sud-américaine tout autant que les démonstrations de force nippones de la même époque (école GENOCIDE). Proposant un panel d’interventions variées, les chiliens osent la longueur sans manquer d’idées, pouvant se reposer sur des plans efficaces et redondants pour imposer des progressions pugnaces (« Men's Decadence »). En colorant leur musique de teintes diverses, les musiciens évitent la datation trop précise, et proposent un album qui flotte dans des limbes hors du temps, citant les eighties à plein régime pour mieux les adapter à la nostalgie ambiante. Toujours créatif même dans la bestialité ouverte (« The Deludge »), le groupe déroule ses atouts, et révèle un visage séduisant dans la dualité, laissant loin derrière la concurrence old-school qui a préféré sacrifier l’originalité au profit de la crédibilité vintage.
Ici, on ose et on s’impose, on propose des transitions envoutantes (« Llamando »), pour mieux reprendre le rythme de croisière Thrash juste après (« Nn »), et grâce à un batteur inventif aux coups précis et rapides, un bassiste conscient de son talent qui refuse de se faire noyer dans le mix, et un guitariste capable de citer Piggy, Gary Holt et Patrick Mameli, Katabasis prend des allures de petit miracle de culot dans la production prévisible actuelle. On entre donc dans cet album un peu à reculons, avec quelques préjugés, mais on en sort convaincu et rassuré, sachant que le Thrash peut encore compter sur des musiciens qui en respectent l’audace et pas seulement les figures les plus imposées. Sacrée surprise que ce troisième LP, qui cumule les qualités, et pointe une interrogation intéressante. Comment se fait-il que les chiliens n’aient pas encore accédé à une reconnaissance méritée, et qu’ils ne sortent des albums qu’une fois tous les dix ans passés ? Le mystère reste entier…
Titres de l’album :
01. Candidate to Punishment
02. Sabbat
03. Ruling Dynasty
04. Men's Decadence
05. The Deludge
06. Llamando
07. Nn
08. Human Infection
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10/07/2025, 15:17
L'underground est pas une qualité en lui-même, le dernier concert que j'ai vu t'avais les groupes qui enchaînent les plans thrash-death-black sans aucune cohérence, du sous Deathspell Omega (désolé mais dans le black dissonant tu seras toujou(...)
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C'est à peu près le constat que nous sommes plusieurs à faire me semble-t-il, mais je mettrais tout de même Converge, The Dillinger Escape Plan ou Botch ailleurs que dans le metalcore. Mais pourquoi pas. ;-)@Jus de cadavre "Je crois qu'il faut acce(...)
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@GPTQBCOVJe suis horrifié par l'idée de finir comme ça, voir Darkthrone se réduire aux lives jouant la fameuses trilogie pour payer les affaires courantes notamment des frais de santé, la social-démocratie m'en sauvera j'imagin(...)
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Non mais même le metalcore t'avais la grande époque de Converge, Dillinger Escape Plan, Botch et compagnie...certains parleraient de hardcore chaotique mais bon. T'avais pas que de la musique lisse à refrain, ce n'est pas le diable que certains veulent peindre.&(...)
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Si le Metalcore était à la mode il y a 20 ans, disons alors que (malheureusement) cela perdure car 1/4 des groupes jouant dans de gros et moyens fests ont un qualificatif se terminant par "core".
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@Ivan : la scène metal est un ehpad géant, aucun intérêt de suivre de vieux grigous qui sucrent les fraises.
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