Dystopia

Teethgrinder

22/07/2022

Lifeforce Records

Lorsqu’on parle de Death/Grind à un quidam fan de sensations trop fortes, il matérialise deux situations dans sa petite tête bien pleine. La première, un machin tout sec, avec un son de caisse claire rachitique et matte, une sorte de désert qu’on traverse à pied, des vautours au-dessus de la tête et une cadence en blasts à faire tourner fou un guépard. La seconde, une zone qui empeste la mort, avec comme seul tocsin les cris de goret d’un vocaliste enroué, le tout brossé dans un décorum Gore, cheap, mais crédible pour qui plisse un peu les yeux. En effet, le Death/Grind semble se diviser en deux factions, sans autre échappatoire, une bifurcation que le voyageur pas si perdu que ça emprunte avec confiance ou méfiance. Sauf qu’en regardant bien le panneau et en étant moins étourdi, on remarque un troisième choix, tout petit en bas sur un vieux bout de bois défraîchi. Un chemin qui mène sur la route des TEETHGRINDER toute la sainte journée, sans qu’on sente en nous le doute s’immiscer.

Depuis trois albums, les hollandais volants nous prouvent que le Death/Grind peut être un art consommé de la violence intelligente et non diluée. Appréhendant le genre comme personne, le quatuor de Zwolle a patiemment élaboré son œuvre pour se distancier de ses concurrents, et apparaître comme la seule alternative possible à la prévisibilité ambiante. Et cinq ans après Nihilism, qui lui succédait d’un an à Misanthropy, le groupe revient les batteries chargées à bloc, et toujours soutenu par Lifeforce Records. Et entre la misanthropie et le nihilisme, le groupe a trouvé son entre-deux via une dystopie qui en effet,  nous promet un monde de violence et de souffrance, et pas seulement pour les tympans.

J’avais dit beaucoup de bien je crois du mal fait par le précédent album de ces brutes trop intelligentes pour ne pas être honnêtes. J’y avait vu un démarquage intéressant sur un thème usé jusqu’à la corde, mais il me fallait confirmation avant d’introniser ces bataves sur le podium des chercheurs les plus culottés. Cette confirmation, je l’ai eu dix fois dans les oreilles depuis hier, et elle est pour le moins brillante.

En gardant son intensité mais en poussant les potards à leur maximum, TEETHGRINDER nous sert l’album le plus chaud et vicieux de cet été 2022. Malgré des températures caniculaires, le groupe ose faire monter les degrés de plusieurs crans, et nous cramer de ses riffs maladifs, de ses rythmiques à faire trembler de peur Danny Herrera lui-même, pour finalement proposer le crossover géant le plus pertinent de l’extrême d’aujourd’hui.

Mathgrind Death.

L’appellation peut faire sourire tant elle est ridicule, et pourtant, Dystopia sonne comme l’enfant bâtard et post-ap de CONVERGE, DEATHBOUND, NAPALM DEATH, BRUTAL TRUTH, DILLINGER ESCAPE PLAN, CANDIRIA et BEHEMOTH. Les noms cités vous étonnent ? Pourtant, le groupe les valide indirectement en affirmant être perméable à tous les sous-genres de l’extrême, Black, Death, Grind, Crust, comme pour justifier de cette énergie incroyable équivalente à dix ans de frustration pour un complotiste.

N’y allons pas par quatre chemins surtout lorsqu’il n’y en a que trois, en écoutant des bombes ultimes comme « Our Failing Species », qui décrit avec acuité l’extinction qui nous attend, ou encore « God Complex » qui doit effectivement en donner à Dieu d’avoir enfanté des fouteurs de merde pareils. Avec une utilisation excessive du glissando et des stridences en dissonances, les hollandais écorchent les chairs internes, et laissent les organes dans un état déplorable. On en prend note dès « Ascendance », qui en quatre minutes annonce la déflagration à venir, de celles qui explosent l’échelle de ce cher Richter, et qui laissent des crevasses de mille pieds de long dans les rues de villes trop bondées.

Petit manuel anarchiste d’un futur qui ne donne pas envie de vieillir, ce troisième album pulvérise la concurrence, et ose l’extrême dans l’extrême. En presque dix ans, TEETHGRINDER est devenue une machine de guerre impitoyable, capable de torcher des hymnes Crust/Grind de plus de huit minutes en misant sur la lourdeur d’un Sludge nauséeux et de licks répétitifs en mantra diabolique. De fait, en arrivant péniblement jusqu’à « Cloacked », on se retrouve face contre le sable, à étouffer comme une vieille baderne en fin de vie, admettant que la pesanteur de la méchanceté est devenue trop dure à supporter. Malsain comme seuls les groupes de la NOLA ou de Portland savent l’être, TEETHGRINDER a accentué ses traits de caractère les plus discutables, et se présente à nous toutes dents dehors, prêt à nous égorger pour une petite lutte de voisinage.

Je pourrais me perdre en superlatifs stériles, en comparaisons inutiles ou autres métaphores caduques, mais Dystopia mérite un traitement plus honnête, et une définition définitive. Il est en effet la bande-son de notre époque d’égoïsme et de course en avant vers l’abime, fin annoncée par une production énorme et un investissement collectif tout bonnement hallucinant.        

« Dystopia », en final title-track, joue avec le Crust, le Grind, le Death et le D-beat, en s’en remettant au génie épileptique d’un batteur inépuisable et capable de placer trois fills toutes les deux mesures. Cette violence même pas décadente est donc cette fameuse troisième voie pas du tout diplomatique qui écarte les eaux boueuses, et qui redonne au Death/Grind ses lettres de noblesse en pourriture noble. N’étant pas adepte des notes sensationnalistes pour appâter le chaland, je n’ai que rarement accordé celle maximale à des groupes d’aujourd’hui. Je ferai donc une exception notable, car TEETHGRINDER m’a convaincu de son sens de la perfection.

Et le monde de demain est si laid que je préfère encore le passer avec des gens lucides qui n’attendent plus rien qu’avec des utopistes niant la réalité des faits.

       

  

Titres de l’album :

01. Ascendance

02. Birthed Into Suffering

03. Worthless

04. Blood Ritual

05. Disgrace

06. Our Failing Species

07. God Complex

08. Cloacked

09. As I Believe The World To Be, So It Is

10. Dystopia


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par mortne2001 le 10/08/2022 à 16:16
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