Beige

Hayser

25/01/2019

Autoproduction

Ça ne rigole pas vraiment du côté d’Osnabrück, ville de Basse-Saxe fondée en 780 par Charlemagne comme siège d'un évêché. Oui le même Charlemagne qui a eu cette idée folle, un jour d’inventer l’école. Mais les bancs d’école usés par ces quatre allemands-là étaient bien différents de ceux en bois sur lesquels nous avons usé nos fessiers, à l’écoute d’un maître ou d’une maîtresse qui n’étaient pas là pour rigoler. Les HAYSER ont dû plus volontiers faire vibrer les murs de locaux de répète légèrement défraîchis, histoire de roder leur répertoire, eux qui justement refusent de se cantonner à un style bien précis pour intégrer à leur Noise des éléments épars. Mais il faut toujours se méfier d’un combo qui cite comme influence NAILS et BARONESS, eut égard à la distance stylistique séparant les deux mastodontes de violence. Et c’est effectivement par surprise que nous prend ce quatuor, qui sous des atours Crust supposés (principalement par les rares sites évoquant leur cas) s’avère être une créature protéiforme, n’hésitant pas à rocker et roller, à matraquer, à assener, à démultiplier pour s’extirper d’un marasme ambiant à base de routine et de digressions aussi prévisibles qu’un discours politique. Difficile donc dans les faits de rattacher les HAYSER à une mouvance particulière, puisque leur art s’infuse tout autant de Hardcore, de Post Hardcore, de Crust, de Sludge, de Doom que de Metal, ou de Stoner biscornu, pour au final produire un cocktail aussi séduisant que méchant. Et leur leitmotiv générique étant assez sommaire (« des riffs, des riffs et des riffs », simple, mais franc), ne comptez pas vous en tirer à bon compte avec quelques formules toutes faites, la seule façon d’appréhender ce longue-durée étant de l’écouter, encore et encore, pour tenter d’en percer le mystère agressif. Je le concède, en abordant leur cas, je m’attendais à une tâche plutôt facile, mais après avoir digéré l’album en l’ingérant à de nombreuses reprises, le constat s’est avéré un peu plus compliqué à établir que ce que je pensais. Et si évidemment, la composante Hardcore est la plus manifeste, elle n’en est pas pour autant directe et décelable sans efforts, puisque les morceaux qui composent ce Beige sont plutôt du genre sombre, et variés.

Et en définitive, on peut dire que les quatre allemands (Jason – chant/guitare, Axhell – guitare/chœurs, Jensen – basse/chœurs et Marco – batterie/chœurs) ont bien joué leur carte…Sous une pochette assez absconse et révélatrice d’une volonté de dissimulation par le biais, Beige est le genre d’œuvre qui avoue tout autant des accointances avec UNSANE et MASTODON, qu’avec CREMATORY et BREACH, tout en conservant cette farouche indépendance de ton. Enregistré et produit par le groupe dans leur local, mixé et masterisé par Markus H. Kandzior, ce LP se base donc sur une profondeur de ton assez manifeste, que des arrangements instrumentaux assez finauds viennent épaissir. Faisant suite à Marderschaden publié en 2017, Beige est l’archétype du second album un peu en trompe l’œil, un peu en traquenard, qui après un premier morceau ambivalent et sans concessions nous aiguille sur des pistes différentes, au point parfois d’évoquer un Blackened Core dans la grande tradition des HELLACOPTERS et du ENTOMBED de Wolverine Blues. Citant pêle-mêle des artistes qu’ils admirent (MASTODON, BARONESS, KYLESA, KVELERTAK, DOZER, THE SECRET, SKITSYSTEM, NAILS, SATYRICON, OATHBREAKER, HIGH ON FIRE), les HAYSER brouillent un peu plus les pistes, pour mieux se faire plaisir et nous faire dodeliner du chef sur des themes’n’roll entraînants et dansants (« The Demon »). Et pour être honnête, en dépit de la qualité intrinsèque de chaque chanson, c’est la progression générique de l’album qui inspire, et cette façon de partir d’un extrême pour arriver à une sorte de mainstream biaisé, un peu comme si les URSUT se perdaient en route pour rencontrer les BARONESS, et entonner en leur compagnie une litanie de brutalité contrôlée, mais très sincère et viscérale. Pour autant, pas de facilité et de démarquage facile chez les allemands, puisque les guitares se complaisent dans une multiplicité de ton, permettant au Rock de s’incruster aux agapes du Stoner, tout en gardant une place à table pour le Hard-Rock vintage si prisé de la scène scandinave (« The Reaping »). On pense même dans ce cas précis à la NWOBHM, à CARCASS, à IRON MAIDEN, ce qui en dit long sur la culture de ces oiseaux-là, qui picorent toutes les graines tombées à terre pour faire leur nid de brindilles hétéroclites. Et cette façon de refuser les conventions pour tenter de séduire un public plus large sans tomber dans le populisme est étrange, mais convaincante, et permet d’écouter un LP qui réfute toute prévisibilité, arpentant les routes de l’histoire musicale amplifiée avec une passion admirable.

Et s’il n’y avait ce funeste « Hibakusha » placé en fin de parcours, on pourrait presque affirmer avec certitude que les HAYSER n’ont que peu de points communs avec le Crust, voire aucun. Car c’est bien le seul intermède de violence pure, totalement dénué de mélodie, et qui prend des airs de trublion invité au dernier moment, évoluant dans une mer de convives plus abordables. Bien sûr, impossible d’ignorer les tendances Death de « We’re All Lost » qui se fait une belle assiette avec les restes du CARCASS de Swansong, mais même en version féroce, les allemands n’en sont pas moins accessibles, et toujours prompts à arborer un sourire Rock de circonstance, pour ne pas faire fuir les plus sensibles. Et la paire de guitaristes de s’en donner à cœur joie en multipliant les riffs, souvent complémentaires, parfois opposés, riffs qui trouvent un contrepoint parfait en la voix rauque et grave de Jason, qui profite en outre de chœurs toujours bien placés pour sonner encore plus véhémente. Et cette alternance entre distorsion grasse et accords en son clair découle d’une dualité de pensée, un peu comme si le quatuor restait à la frontière du Metal et du Hardcore, sans vraiment savoir de quel côté il va pencher. Sans vraiment chercher à se démarquer de la masse de groupes actuels, HAYSER impose sa vision à base de thèmes accrocheurs, de plans qui s’entrechoquent avec logique, d’harmonies larvées ou franchement ouvertes, et fait la jonction entre plusieurs scènes, sans paraître opportuniste ou déplacé. On se plaît donc à revenir en arrière pour redécouvrir une idée qui semble encore plus percutante à postériori, transformant un simple second album en labyrinthe distillant ses secrets avec intelligence et parcimonie. Profitant en outre d’une production étonnamment claire, Beige est aussi nuancé et pastel que son nom le laisse entendre, maniant le mid tempo avec une aisance déconcertante, pour mieux nous bousculer de breaks heurtés que les BREACH auraient pu intégrer à leur propre parcours (« Sol »). Il n’est donc pas difficile de se laisser happer par cette méthode rusée, et d’adopter ces allemands en tant que membres lointains d’une famille un peu Death et Hardcore sur les bords, mais acceptant de facto leurs cousins les plus Metal et Heavy. Du groove, de la puissance, de la défiance, et une peinture globale aux silhouettes un peu floues, qui deviennent plus précises au fur et à mesure des visions successives.   

     

Titres de l'album :

                           1.Icthyist

                           2.The Demon

                           3.Reset

                           4.Sol

                           5.The Reaping

                           6.Hibakusha

                           7.No Knight - Nor Human

                           8.We´re all Lost

Facebook officiel

Bandcamp officiel 


par mortne2001 le 24/03/2019 à 14:59
78 %    1107

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

DRI (Dirty Rotten Imbeciles)

RBD 14/07/2025

Live Report

Defeated Sanity + HM 2

RBD 09/07/2025

Live Report

Walls of Jericho + Get Real

RBD 02/07/2025

Live Report

Voyage au centre de la scène : PARADISE LOST

Jus de cadavre 15/06/2025

Vidéos

Aluk Todolo + Spirit Possession

RBD 10/06/2025

Live Report

SWR Barroselas Metalfest 2025

Mold_Putrefaction 08/06/2025

Live Report

Anthems Of-Steel VII

Simony 30/05/2025

Live Report

Clinic LI-SA X et Paul GILBERT

mortne2001 29/05/2025

Live Report

The Sisters of Mercy + Divine Shade

RBD 21/05/2025

Live Report

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
DPD

-un manquait, décidément.

15/07/2025, 22:10

DPD

Sinon oui j'apprécie déjà pour les news ou ils sont généralement au taquet, pour les chronique j'ai parfois des goûts différents mais ils font le boulot. Je suis pas là pour sucer mais je suis venu parce qu'il manquait un manqu(...)

15/07/2025, 22:07

DPD

Bouhou le monsieur a dit du mal d'un groupe que j'aime il doit être pédé (j'ai du mal à faire le lien mais ok).

15/07/2025, 20:24

AlK putain de Pote

@dpd : non, t'es là car c'est le dernier webzine où tu peux commenter et troller sans inscription avec une modération proche du néant. Partout ailleurs, tu te serais fait dégager et tu n'aurais plu qu'à tirer des pipes dans un bois que(...)

15/07/2025, 20:18

DPD

Si tu veux du troll tu as un post qui parle de Liturgy (que je n'écoute pas), et de la personnes transgenre derrière le projet en inventant une fantaisie sexuelle bizarre dans laquelle je serais impliqué. ça c'est du troll. Pas ce que je poste.

15/07/2025, 20:04

DPD

+ pas.

15/07/2025, 20:00

DPD

Pleurs pas tout ira bien, ils s'en remettront. J'ai des critiques, certaines virulentes envers la scène (enfin ce qu'il en reste), et un côté provoc assumé (ceci dit je ne mens pas, je pense vraiment ce que je dit), et je pense que ce soit une mauvaise ch(...)

15/07/2025, 19:59

Le fossoyeur de trolls

Quand je vois la quantité et la qualité du travail qui est abattu par ceux qui tiennent ce site comparées à certains commentaires qui s'apparentent au fond de cuve d'une vieille fosse à merde... ça me rappelle que certains webzines / sites sont (...)

15/07/2025, 19:42

Gargan

Très mauvaise idée pour les moissons, la faux enflammée.

15/07/2025, 08:52

DPD

Je sais qu'il faut se reconvertir à un certain âge de nos jours, le marché du travail est mouvant et tout sauf garantit dans certaines professions, ceci les animateurs club med sont décidément mal formés de nos jours. Je vais leur en toucher un mot.

14/07/2025, 19:53

Bricole picole

@DPD : fais gaffe, avec ton jeune âge, tu pourrais être une cible de choix pour un pédophile de LFI. Remarque, ça te ne choquerait pas beaucoup, vu que tu dois être du genre à sucer en fond de gorge le travelo de Liturgy.

14/07/2025, 19:38

Oussama Rabsamen

 @DPD : ça y est, la journée de centre aéré est finie?

14/07/2025, 19:34

DPD

Vous croyez que je suis pas foutu de me taper quelques pubs de cul pour changer d'IP temporairement ? lol. 

14/07/2025, 18:32

DPD

C'était la blague, genre c'est pas évident avec l'IP en dessous. Il faut tout vous expliquer, lentement si possible.

14/07/2025, 17:53

l\'anonyme

@ RDB "Le morcellement du Metal en une infinité de sous-scènes de niche empêche l'émergence de très gros groupes fédérateurs comme avant. Et c'était beaucoup plus facile à ces époques où ils &ea(...)

14/07/2025, 16:24

LeMoustre

Top groupe

14/07/2025, 16:16

totoro

Deux excellents nouveaux morceaux ! Spécialement "Serpents On The Cross" qui a le bon goût de prendre son temps pour nous exploser à la gueule ! Et je suis très agréablement surpris par la production, sa seconde après l'album de High Parasit(...)

14/07/2025, 15:16

Humungus

Arrête Benstard... Tu te fais du mal pour rien hé hé hé...... Et c'est d'ailleurs bien pour cela que je ne crache pas inutilement à la gueule de Barbaud : Il m'a fait vivre des moments extraordinaires en son temps. Certes, c'est d&eacut(...)

14/07/2025, 09:36

Benstard

Ah lala , quand je repense l'édition ou le dimanche ça fini sur les 2 mainstage / Motorhead / Morbid Angel / Slayer. 

13/07/2025, 21:12

Ivan Grozny

Pas mal ce titre, j'aime bien. Classique mais très efficace.

13/07/2025, 14:57