Attraction To Annihilation

Maligner

31/08/2018

Blood Harvest

De retour dans les années 80, les querelles de limites de jardin étaient cruciales. Peu de groupes s’épanouissaient dans le franchissement des frontières, et préféraient se limiter à une approche, pour ne pas brusquer les éventuels visiteurs, et froisser leurs copains de chambrée. De fait, seule une poignée d’intrépides choisissaient de ne pas choisir, et agrémentaient leur puissance Thrash d’une légère touche de violence Death. L’école sud-américaine était d’ailleurs la plus appliquée (à tel point que ses élèves ont presque fondé à eux-seuls la mouvance Blackened Thrash si revendiquée aujourd’hui), tandis que son homologue nord-américaine préférait volontiers les balises précises. Et si ma mémoire ne me ramenait pas sur les rivages en cisailles des légendaires INCUBUS et des bordéliques BULLDOZER, je ne saurais citer des exemples probants de Crossover flagrant. INCUBUS était d’ailleurs l’un de mes groupes favoris à l’époque, pour cette façon de se situer à mi-chemin entre la moissonneuse-batteuse et le chaos, et leur deux premiers albums restent des références absolues, tant Serpent Temptation et Beyond The Unknown catapultaient le Thrash du grand-frère dans une dimension Death presque mystique de son arrogance crasse. Depuis, le Thrash/Death est devenue une association terminologique à part entière, avec ses propres codes, mais l’équilibre est toujours aussi difficile à trouver, et d’ailleurs, sans vouloir tirer par les cheveux Chris Barnes chez son neveu, merci de ne pas confondre Death/Thrash et Thrash/Death, sous peine de vous voir opposer une fin de non-recevoir en forme de calotte derrière la tête. Et dans le créneau, nous pouvons depuis cet été accueillir un nouveau pensionnaire, suédois cette fois-ci, quoique les deux tiers de son line-up soient d’origine latine…

Les MALIGNER sont signés sur le label national Blood Harvest, est c’est un signe à ne pas prendre à la légère. Le label n’étant pas réputé pour héberger dans son écurie n’importe quel canasson, autant se dire que ce trio est plutôt du genre à passer la ligne d’arrivée à vitesse supersonique. Ce qui est immanquablement le cas, puisque la musique qui s’incruste dans les sillons de cet Attraction To Annihilation est plutôt du genre rapide, très rapide, mais aussi très technique, et court sur les parois de l’abime en faisant mine de s’y vautrer en plus d’une occasion. Fondé fin 2015 par  Aztiak (guitare) et Ertheb (batterie), deux latino-américains expatriés du côté de Malmö, ce groupe d’abord duo a travaillé sa partition avant de finalement se compléter d’un troisième membre, Maligno, futur bassiste-chanteur, permettant de concrétiser de longs mois passés à répéter et élaborer un répertoire. Et c’est donc sans attendre trop longtemps que les trois compères agressifs ont proposé une première démo, avant la même année de mettre la touche finale à un premier EP, Demon, datant aujourd’hui d’il y a deux ans. Deux ans, c’est ce qu’il leur aura fallu pour dégoter un deal, et préparer le matériel indispensable à l’élaboration d’un premier LP, sorti fin août sur le célèbre label scandinave. Et autant jouer franc jeu, malgré le jeune âge de la formation, ce premier jet est d’une maturité incroyable, donnant au Thrash/Death un nouvel éclairage encore plus brutal que d’ordinaire, tout en l’extirpant de ses ornières pour lui conférer une préciosité technique qui n’est pas forcément l’apanage de ses plus dignes représentants. Car ici, pas question de débauche primaire à la brésilienne, même si l’influence des premiers SEPULTURA est patente par instants (spécialement celle de Schizophrenia, à cause de cette tendance à jouer sur le flou séparant les deux styles extrêmes), mais bien de puissance délirante, mise en valeur par une instrumentation fameuse et des performances individuelles notables.

Car non seulement les MALIGNER aiment se situer en convergence de genres, mais ils affectionnent aussi une optique privilégiant la finesse instrumentale, se révélant de redoutables gâchettes chacun dans leur domaine. Si la rythmique nucléaire est bien évidemment au centre des débats, pour ses envolées furieuses et ses écrasements fumeux, c’est véritablement le talent diabolique de riffeur et de soliste d’Aztiak qui éclabousse nos tympans hagards. L’homme semble se démultiplier pour occuper le terrain, jouant de son vibrato pour singer les tics les plus démoniaques de Trey Azagthoth et lâcher des licks précis, tout en se démenant en solo pour signer des interventions hystériques. Et lorsque les trois comparses élèvent conjointement le niveau de jeu, ça nous donne des moments de barbarie pure, lorsque la brièveté prime sur la durée, à l’occasion d’un « Mental Breakdown » vraiment barré, rappelant justement la schizophrénie des INCUBUS dans une version contemporaine encore plus affolée. Il faut dire qu’en sus, le son dont se sont dotés les trublions est du genre maousse, creusant dans les graves de quoi placer les médiums, et calquant l’épaisseur d’un SUFFOCATION sur la précision d’un DEATH des grands jours. Deux influences qui ne sont d’ailleurs pas tombées dans les oreilles de sourds, puisqu’elles couvrent toute l’inspiration du caractère Death de cette réalisation, décidément peu amène en temps morts et autres breaks en ressort. Ici, c’est donc l’intensité qui prime, et qui n’est jamais soumise à fluctuation, même lorsque le tempo se cale sur le parti de la vague Thrash la plus virulente des VIO-LENCE et consorts (« Into Oblivion »).

Et de l’accueil de « Oath-bound » jusqu’à la finition au lance-flammes de « Into Oblivion », rien n’est laissé au hasard, et les plans s’accumulent pour former une symphonie d’ultraviolence assez échevelée, mais toujours nuancée de petites trouvailles techniques assez futées. On s’en rend évidemment compte assez rapidement, mais les morceaux les plus modulés nous aident à piger que les MALIGNER sont là pour tuer puis écraser, et « Lust For Fire » de passer pour une sorte d’aveu de cruauté en mode maléfique majeur. On retrouve des accents du Death de Spiritual Healing engoncés dans un costume de méchanceté à la DEICIDE, le tout traité comme un Thrash de première catégorie. La voix impitoyable de Maligno assure l’emprise et ne la relâche jamais, de sa gravité au grain grossier (INCUBUS, encore…), tandis que la frappe d’Ertheb, précise et fluide case un nombre incalculable de figures en un temps imparti assez bref. Et cette somme de propositions transforme ce premier album en révélation, tant on sent que les trois suédois ont encore du carburant pour quelques albums à venir. La durée globale n’excédant pas la demi-heure, on s’en prend plein la tronche sans vraiment avoir envie de réagir, et de fait, Attraction To Annihilation s’impose comme l’un des LP les plus puissants de cette fin d’année, sans pour autant occulter complètement les mélodies larvées (« Disposable »). Et nous parlons bien de Thrash/Death ici, et pas l’inverse. Alors faites attention.    


Titres de l'album :

                         1.Oath-bound

                         2.Lust For Fire

                         3.Disposable

                         4.Salvation

                         5.Reign Of Fear

                         6.Beyond Repair

                         7.Mental Breakdown

                         8.Into Oblivion

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 13/11/2018 à 16:22
85 %    1003

Commentaires (4) | Ajouter un commentaire


LeMoustre
@78.225.219.160
14/11/2018, 20:38:25
Impeccable papier qui, avec un avis sur un autre site couplé à l'écoute de cet extrait, a dévié très vite vers une commande sur le site du label.
Au passage, bien vu les différences entre thrash/death et l'inverse. ici, c'est bien du thrash/death, et l'affiliation avec Scott LaTour (Incubus futur Opprobrium, qui sortira un nouveau disque en février prochain, au passage) est en effet palpable.

Arioch91
@195.115.26.249
15/11/2018, 08:34:31
Comme LeMoustre, fort agréablement surpris par cet album.

RBD
membre enregistré
22/11/2018, 12:30:11
Hou là, la ressemblance avec le vieil Incubus de Louisiane des débuts ("Serpent Temptation") est frappante, avec une méchanceté de fond en plus peut-être même.

LeMoustre
@78.225.219.160
22/11/2018, 18:59:13
Ceux qui n'en peuvent plus d'attendre le nouvel Opprobrium peuvent aussi se rabattre sur les Chiliens d'Enforcer (et leur second album, surtout), Incubus-worship totalement destructeur.

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Midnight + Cyclone + High Command // Paris

Mold_Putrefaction 24/04/2024

Live Report

DIONYSIAQUE + JADE @La Chaouée

Simony 23/04/2024

Live Report

Enslaved + Svalbard + Wayfarer

RBD 20/03/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : BLOODY RITUAL

Jus de cadavre 17/03/2024

Vidéos

Crisix + Dead Winds

RBD 20/02/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
roulure

true norwegian roue libre

26/04/2024, 13:40

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Simony

Yes, et demain samedi, c'est WITCHTHROAT SERPENT et ORBIS au Nirvana Pub-Club de Nancy.Si j'avais le temps de renseigner la partie gigs de ce site....

26/04/2024, 13:35

Humungus

Putain !Si j'avais été au jus de cette date, j'aurai fait le déplacement boudiou...Pis je vois que tu causes de BARABBAS à Nancy ?!Et c'est... ... ... Ce soir.Re-Putain !

25/04/2024, 13:28

Tut tut!

25/04/2024, 12:44

Gargan

ça me fait penser à moi ivre mort parodiant Maurice Bejart, sur fond de Stravinski. Plus glucose, tu meurs. Mauriiiiice !

25/04/2024, 10:28

DPD

Mes confuses malgré mon instinct qui tapait dans le juste, rien avoir avec le gaillard à qui je pensais.

24/04/2024, 14:26

RBD

Vu récemment avec Napalm Death, et ça faisait plaisir de voir que beaucoup de gens connaissent leur Histoire du Death Metal car il y avait de vrais fans. Surtout, la formule D-Beat basique et efficace du père Speckmann fonctionne bien en live 

23/04/2024, 09:55

LeMoustre

Excellent disque avec un gros point fort sur le riffing atomique. La pochette m'évoque clairement celle de Nothingface, version bio-mécanique

22/04/2024, 18:04

Arioch91

Ca fleure bon le vieux Kreator période Pleasure to Kill ! Prod' crade, aux antipodes des trucs surproduits de certains groupes et quand ça speede, ça rigole pas.

21/04/2024, 19:52

Poderosos/Magnificencia/Técnica Suprema

Los Maestros del BRUTAL DEATH GRIND

21/04/2024, 19:50

Pomah

+1 Gargan, influence Mgla je trouve par moment. 

21/04/2024, 09:20

Jus de cadavre

Là clairement le label est dans son droit à 100%. Warner a racheté l'ancien label de Kickback, ils en font ce qu'ils veulent du catalogue. Après, l'élégance, une telle multinationale elle s'en beurre la raie. Mais je peux comprendre qu(...)

20/04/2024, 23:36

Tourista

Mouiii, pas faux. Les gonzes ont signé.Mais ça me rappelle Peter Steele qui avait voulu défenestrer un type dans les bureaux de Roadrunner après avoir découvert que le label ressortait les albums de Ca(...)

20/04/2024, 20:06

Tourista

Devinez où il se Lemmy. (ne me raccompagnez pas, je sors tout seul)

20/04/2024, 19:58

Grosse pute

Attention, les mecs ne se font pas "enfler". C'est juste que Warner ne leur a pas demandé leur avis pour rééditer le bazar et les mecs parlent donc d'édition pirate, alors que Warner a bien les droits sur le disque. Après, Kickback, ce ne son(...)

20/04/2024, 06:26

Tourista

Désolé pour les coquilles monstrueuses.  Merci la saisie automatique.

19/04/2024, 20:51

Tourista

Non bien sûr je plaisantais, M'sieur Heaulme. Un artiste qui se fait enfler a mille fois raison d'en parler !   Et je sais malheureusement de quoi je parle.Respect pour Kickback. Content que tu les pu voir ce docu.

19/04/2024, 18:08

Humungus

@Tourista :- "On s'en cogne"Bah non...- Tu t'es achement bien rattrapé avec ce docu qui était totalement passé à côté de mes radars.Exceptionnel.C'est pas C8 qui passerait ça bordel...

19/04/2024, 15:54

grosse pute

Au lieu d'aller baiser des gamines et des ladyboys à Bangkok, Stephan aurait dû apprendre à lire les contrats qu'il signe.

19/04/2024, 15:20