Imaginary Enemy

Child Abuse

18/10/2019

Skin Graft Records

J’ai déjà chroniqué des groupes avec des noms à la con, mais là, j’ai tiré le pompon. Imaginez un peu le délire, vous allez sur la page Facebook du groupe, vous la likez, et hop, le statut gratuit qui détruit une réputation :

« You liked CHILD ABUSE »

Dommage d’avoir choisi un nom pareil les mecs même si je comprends la démarche qui n’a rien d’une provocation à deux sous. Mais avec un blaze pareil, ça ne m’étonnerait pas que toute une frange du public vous tourne le dos (spécialement les parents), et ce, même en sachant que vous donnez une partie de la recette de vos concerts à des associations de défense de l’enfance maltraitée. Mais lecteurs chéris, passez outre. Ce groupe de tarés mérite bien mieux qu’une simple controverse à deux balles. Pour rester ponctuellement factuel, sachez que les CHILD ABUSE viennent de Brooklyn, New-York, qu’ils s’y sont formé en 2004 en tant que duo (Luke Calzonetti - clavier/chant et Oran Canfield - batterie), avant d’intégrer en 2005 Tim Dahl à la basse. Après le départ de Luke Calzonetti en 2011, Eric Lau a pris les claviers en charge, tandis que Dahl s’est essayé au chant. Dès le départ, c’était donc le bordel, et seul Oran Canfield reste en tant que pur membre originel, ce qui n’a pas empêché le groupe de balancer un nombre incalculable de sorties sur le marché, du longue-durée au EP en passant par des splits à la propreté douteuse. Pas mal de moyens donc de s’introduire à leur monde ubuesque, tout en sachant pertinemment que vos oreilles ne vont pas en ressortir immaculées. Il fallait bien qu’un jour je vous parle d’eux, puisque je ne les connais pas d’hier mais bien d’avant-hier, et la sortie l’année dernière d’Imaginary Enemy m’en a donné l’occasion parfaite.

Toujours défendus corps et biens par les inconscients de Skin Graft, les trois new-yorkais s’en sont donc revenus nous conter fleurette sur fond de Hardcore bruyant, heurté, au doux parfum de Free-Noise et de Noisy-Jazz. Si vous avez encore des craintes au moment de confier vos tympans à ces trois marsouins, ne changez pas d’avis, ils ne sont pas là pour vous faire plaisir ni flatter vos bas instincts. Le leur les guiderait plutôt vers une version Death Jazz d’Ornette Coleman, ou une démarcation cautionnée par les RESIDENTS de DISHARMONIC ORCHESTRA et PUNGENT STENCH, soit la quintessence du foutoir stylistique dans toute sa splendeur. Toujours aussi friands de morceaux déconstruits, les trois olibrius continuent leur travail de sape, et achèvent de se construire la discographie la plus foutraque du Noisy Rock moderne. A l’écoute des sept (plus eut été insupportable) nouveaux morceaux de ce nouvel album, on prend conscience que les limites de genre sont d’une futilité dérisoire. Tous ceux aimant une musique bruyante, libre et affranchie de toute contrainte vont sauter de joie au milieu de leurs cailloux de crack, l’air hagard, le bide à l’air, trop heureux d’avoir leur dose de planant à prix modique. Sauf que comme toute drogue dure, la musique des CHILD ABUSE laisse des séquelles, et pas anodines. Certains se diront que tout ça ressemble étrangement à du MORPHINE passé dans la centrifugeuse BADBADNOTGOOD avec en appui une presse hydraulique JESUS LIZARD. Mais souvenez-vous, les mecs sortent de Brooklyn, et il y a pas mal de chances que leur réalité ressemble à leur musique. Et ça fout un peu les jetons.

Nous avons tous eu à un moment donné un ami imaginaire à qui parler, parce que nous étions tous des sociopathes en devenir. Cet ami, présent dans les moments de solitude, n’était pas toujours de bon conseil. C’est lui qui nous glissait un « fonce, vas-y ! » très coupable au moment de faire une bêtise regrettable. Les américains ont inventé un autre concept, celui d’ennemi imaginaire. Un ennemi tapi dans l’ombre, prêt à vous enfoncer au moindre faux pas, prêt à vous dénoncer jusqu’au trépas, prêt à vous faire subir les pires exactions bruitistes nocturnes au moment au vous fermez les yeux. Toute la philosophie du groupe - ou presque - est résumée dans le traumatique « Child Support », qui pris au pied de la lettre du solfège, peut être interprété comme la douleur d’un pauvre gosse soumis au vice d’un pervers. Batterie qui tangue, vire, et tape quand ça fait le plus mal, chant hurlé, geint, pleuré qui suggère les pires horreurs (avec Eric Paul en guest), guitare qui fait passer les BLACK FLAG les plus sombres pour de jolis rêves avec des licornes et des princesses, et répétitions qui se rapprochent des pires cauchemars Indus des SWANS de début de carrière. C’est moche, ça suinte, ça empeste la douleur physique et morale, mais c’est pourtant hypnotique et aussi persuasif qu’une fixette morbide symptomatique de la nature humaine, toujours fascinée par le pire. Mais en dehors de cette facilité à proposer des bandes-son de l’horreur, les musiciens en sont, et des bons. Des jazzmen de l’extrême qui n’aiment pas le Jazz mais plutôt le Death Metal, le Grind et le Hardcore, et qui jouent en bons intellectuels qui citent Karlheinz Stockhausen et Charles Ives.

Mais sincèrement, avec une utilisation des stridences à rendre Yoko Ono folle de jalousie (« Wavy Gravy », un genre de Death Metal japonais joué par un cousin de MERZBOW), « Imaginary Enemy » qui touche au sublime du Technical Death Metal pratiqué comme hobby par Ben Weinman de DEP, « www.nyc.gov/site/finance/pay-now/pay » et sa finaude allusion (ne suivez pas le lien sinon t'es con, je vous aurais prévenus) qui explose les conventions NOMEANSNO les plus cartoon pour vous plonger dans une atrocité à la PEROPERO sous acides, et…tout le reste, ben on n’en ressort pas rassuré, ni décidé à ne plus regarder sous le lit pour voir s’il y a un monstre. Parce qu’il y en a un. Pochette colorée, lettrage rétro, tout est là pour vous attirer dans des filets qui risquent de vous engluer à mort. CHILD ABUSE n’est pas un groupe, c’est une plante carnivore à trois têtes. Ne laissez pas les enfants s’approcher de ça. Laissez-leur encore croire que le Père Noël et la petite souris existent bordel.

             

Titres de l’album :

                          1. Imaginary Enemy

                          2. Siam Road

                          3. www.nyc.gov/site/finance/pay-now/pay

                          4. Alternative Facts

                          5. Imaginary Friend

                          6. Child Support

                          7. Wavy Gravy

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par mortne2001 le 16/05/2020 à 14:55
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