Du neuf en matière de nostalgie ? Le pari semble impossible, tant la jeune génération s’obstine à copier les mêmes groupes, enveloppant leurs albums dans les mêmes productions, et proposant au public une sauce réchauffée au micro-ondes de la mémoire qu’il est difficile de digérer une fois ingérée. Les tendances sont les mêmes, avec des emprunts à la NWOBHM, au patrimoine Thrash de la Bay-Area, ou des portefeuilles Death piqués en Suède et en Floride. Alors, lorsqu’une bande de trublions se taille une petite place dans l’actualité en affirmant regretter les nineties du Nu Metal, on frétille de la queue, mais on se méfie quand même un peu.
SCREENBACK regarde donc en arrière, et recherche avant tout à faire renaître les sons et les riffs sur lesquels toute une génération s’est déchaînée dans les années 90. L’intention est louable, nous offrant une bouffée d’air frais, mais sujette à caution : le Nu Metal des nineties a longtemps été le bouc émissaire d’un Metal traditionnel à l’agonie, et cette fusion Rap/Heavy/Core n’a jamais fait l’unanimité. Alors, qu’un groupe s’en revendique avec fierté l’expose inévitablement à la circonspection et au rejet.
D’autant que ce quintet (chant : Tom/Floy, batterie : PaPy, basse : Popo, guitares : Nicus / Rémy) n’y va pas avec le dos de la cuillère, et fonce dans le tas sans réfléchir. Et dès les premières mesures instrumentales de l’intro « Pour un Nouveau Départ », on s’y croirait, revenu en arrière dans un passé pas si révolu que ça.
Immédiatement, des noms viennent. Celui le plus évident, MASS HYSTERIA, marque les esprits, même si SCREENBACK n’use que très peu de l’électronique, et reste métallique jusqu’au bout des ongles. En parcourant la mémoire internationale, on ne peut éviter de citer les ORGY, KORN, DEFTONES, SPINESHANK et d’autres plus ou moins connus, mais nonobstant ces comparaisons inévitables, on ne peut que louer les qualités de ce jeune groupe qui non seulement rend brillamment hommage, mais renouvelle un peu le vocable d’époque.
Sur quoi repose une telle entreprise ? Des riffs évidemment, redondants, groovy à souhait, mais aussi une rythmique souple, et surtout, des couches de voix superposées, avec des chœurs proéminents, graves comme il faut, qui revendiquent le droit de rester amoureux d’une décennie qui a pourtant cristallisé tous les griefs. D’autant que parfois, SCREENBACK se rapproche d’une version plus dure de LIMP BIZKIT, la tête de turc des amateurs de Heavy traditionnel.
Mais, au-delà de tout le décorum et des intentions, Marche Arrière est un excellent album, car son concept fonctionne. Les retours dans le passé sont devenus monnaie courante depuis plus de quinze ans, et celui proposé par ces cinq musiciens est crédible, car il repose sur des titres solides qui donnent clairement envie de bouger. D’autant que la fluidité et l’ouverture Néo est souvent renforcée d’une énergie presque Death Metal, avec ces voix en arrière-plan qui donnent le sentiment de bouffer du zombie par paquets de vingt.
Pour le plaisir, comme dirait ce cher Herbert Léonard, je me suis passé et repassé le hit incontournable « Cristal Métallique », qui m’a effectivement rappelé bien des concerts auxquels j’ai assisté il y a trente ans ou moins. On y retrouve cette énergie juvénile, cette envie de casser les codes et de fédérer un public de son temps, et la précision dont fait preuve SCREENBACK témoigne d’un réel amour pour cette période charnière qui trouve encore des échos aujourd’hui.
Arrangements ad hoc, attitude bravache, fierté des nouveau-nés, SCREENBACK s’amuse avec le Nu, le Hardcore, le Metal plus classique, et se montre susceptible de réunir plusieurs public. Le chant en français s’ancre dans cette lucidité d’époque qui faisait claquer les mots comme les coups de caisse claire, et de fil en aiguille, et de survêtement en maquillages étranges, Marche Arrière recule, mais à fond, et sans regarder dans le rétro.
Ceux qui ont vomi sur cette décennie continueront d’expulser leur bile avec dégoût. C’est indéniable, SCREENBACK s’adresse à ceux qui ont grandi entre 1994 et 1999, et ne convaincra pas les réticents d’autrefois. Mais cette production clean et pourtant explosive, cette rage sous-jacente qui vous explose à la gueule comme un slogan parfait font de cet album une vraie réussite, et préfigure de concerts ravageurs.
On gardera pour les plus acharnés ce « Le Mal du Peintre » qui brosse une toile pas vraiment réjouissante, et pour les plus exigeants, « Le Singe de tes Pensées », suite progressive qui souligne les ambitions de techniciens/compositeurs de premier plan. Et comme l’album se termine par l‘hymne absolu du groupe, complétement biberonné par les DEFTONES, on reste sur une impression de choc frontal et de go fast qui se termine quelque part du côté de Bakersfield.
On s’en est pris des pains à l’époque. Et SCREENBACK continue d’en distribuer quelques-uns. Mais le groupe prévient, SCREENBACK retiens bien ce nom. Avec un album pareil, on ne risque pas de l’oublier.
Titres de l’album :
01. Pour un Nouveau Départ
02. Prison Cérébral
03. Serpent à Huit Pattes
04. Le Temps
05. Cristal Métallique
06. Dark
07. Le Mal du Peintre
08. Le Singe de tes Pensées
09. Screenback
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