Digitotality

Exorcizphobia

04/11/2020

Autoproduction

Voici donc un concept très intéressant, quoique déjà traité dans de nombreuses œuvres littéraires, picturales et musicales. Nous entrons donc dans l’ère du totalitarisme digital, cette dictature qui vous oblige à passer par des écrans pour accomplir les tâches les plus basiques, et qui en profite pour vous fliquer à chaque coin de rue. Très en phase avec son temps, ce concept s’attache donc à décrire une époque rongée par les moyens de communication modernes, cet esclavage numérique qui vous condamne à utiliser un portable, à tout faire sur ordinateur, qui vous forcera bientôt à porter une puce d’indentification, pour créer un fichier central des citoyens ressemblant de très près à la gestion politique d’une éventuelle rébellion en Chine, en Corée, et bientôt, partout dans la monde. Cette théorie dystopique nous vient de la République Tchèque, et prend la forme d’un troisième album infesté de Thrash de première catégorie, et l’une des dernières révélations de cette funeste année 2020, rongée par la paranoïa, la peur du lendemain, et tout son cortège de dépression, de suicides et de faillites. Mais prenons la chose sous son angle le plus optimiste, et admettons que les tchèques d’EXORCIZPHOBIA nous offrent avec ce Digitotality l’un des meilleurs accès de violence de novembre, et en totale autoproduction je vous prie. 

Fondé en 2005 sous le nom de DEATHMARCH,  avant d’opter pour un baptême moins connoté, ce combo de Trutnov a déjà publié un nombre conséquent de travaux, commençant étrangement sa carrière par un live, avant de lâcher un premier EP en 2009 (Disease Inside). Mais c’est en 2012 que nous avons pu écouter le fruit de leurs réflexions en longue-durée, via l’efficace Something Is Wrong. S’en sont suivis deux splits avec les collègues de LAHAR, CATASTROFY et KAAR, avant qu’About Us Without Us ne nous heurte de plein fouet il y a deux ans. Sans révolutionner un genre cloisonné depuis le début des années 90, les tchèques y apportent leur sang neuf et balancent un gros coup de pied dans la fourmilière old-school. Avec un seul membre d’origine à la barre, EXORCIZPHOBIA n’a plus grand-chose à voir avec sa morphologie initiale, mais admettons que le leader Tomáš Skořepa (guitare/chant) a trouvé les bons seconds pour l’aider dans son entreprise de destruction de masse. Entouré de Tomáš Kejkrt à la batterie, d’Ondřej Šíma à la guitare et d’Aleš Kostka à la basse, il n’hésite pas à déclarer que ce troisième album est le plus solide de sa formation, et en connaissant même superficiellement ses efforts précédents, il est difficile de le contredire. Il déclare à propos de ce nouvel album :

« J'ai eu l'idée d'un concept approximatif dans ma tête quelque temps après la tournée About Us Without Us en 2018. Les chansons ont été composées tout au long de l'année dernière jusqu'au début de ce printemps. Nous avons enregistré à la fin juillet/août à Davos, Vyškov sous la direction du maître Otyn »

Et autant dire que si le graphisme de la pochette capte l’attention du regard, la production de Digitotality agrippe celle des tympans. Son clair, guitare effilées qui tranchent dans le vif, froideur apparente pour coller au concept, rythmique efficace aux graves qui rebondissent sur les murs, tout est en place pour se livrer à un état des lieux Thrash précis et documenté, et en mélangeant les techniques anciennes de DEATH ANGEL, TESTAMENT, EXODUS et MEGADETH, les tchèques se la jouent classique, mais pertinent. Et dès « Desires Of The Flesh », on rentre de plain-pied dans cet univers fait de surveillance, d’écran intrusifs, d’identification à distance et de privation de liberté au profit d’une adresse IP fixe et humaine qui vous traque jusque dans vos toilettes. L’accroche des guitares est traditionnelle, le chant rauque ne l’est pas moins, et le mid tempo un peu up nous montre que le quatuor n’est pas là pour épousseter les meubles ou faire les brocantes, mais bien pour nous agresser d’un paquet de riffs solides et de breaks indociles. La vitesse est modérée, l’ambiance solide comme le HEATHEN dominé par Kragen Lum, et d’ailleurs, les similitudes entre le dernier album des américains et le premier des tchèques sont assez frappantes, même si la fluidité et le groove des originaires de Trutnov renvoient David White et les siens dans les cordes. On pourrait d’ailleurs affirmer que les EXORCIZPHOBIA sonnent comme des HEATHEN sans faute de goût, bien que l’option Thrash soit plus prononcée chez eux. Mais on n’en oublie pas pour autant les mélodies, on n’en occulte pas pour autant l’importance du Heavy, et les intros sont souvent pesantes, à l’image de celle de « Corporate Dance » qui écrase tout sur son passage, MORTAL SIN style.

Arrangements sobres mais efficaces, atmosphère de panique et de compression des données, la bande-son se met à la hauteur du concept, et les accélérations font mal aux cervicales. En choisissant la concision pour cette première partie d’album, EXORCIZPHOBIA fédère et motive les troupes, retrouve l’impulsion punky du genre sur quelques optiques à la MOTORHEAD/TANK (« Digitotality »), nous lacère d’une alternance mid/fast sur le tube ASSASSIN « Profit At All Cost », avant de clôturer cette première partie de l’imparable « Correct Opinions », égrenant autant de riffs qu’un Gary Holt en pleine crise de fertilité. Mais alors qu’on pense avoir saisi le fond de la pensée (toujours frais), le quatuor aménage une dernière partie d’œuvre beaucoup plus ambitieuse, qui occupe à elle seule la moitié du métrage. En lâchant une trilogie finale de vingt-trois minutes décomposée en trois chapitres, les tchèques étalent enfin leurs véritables ambitions, et jouent leur va-tout avec une bordée de titres longs et évolutifs, donc « Ancient Deception » est une introduction parfaite.

Mais la grosse pièce qui choque par sa rareté reste le très long instrumental « Oumuamua », exercice d’équilibre auquel nous avions échappé depuis DEATHROW et DEATH ANGEL, et qui retrouve ici ses lettres de noblesse. Mélodies omniprésentes, funambulisme de la batterie qui adopte des patterns irréguliers, le style est coulé, et plante le décor. Ne reste plus à « Perception Is The Key » de nous convaincre du potentiel progressif de la formation, qui grâce à cet épilogue épique franchit un cap supplémentaire. Beau culot montré par les EXORCIZPHOBIA qui signent là l’album Thrash de cette fin d’année 2020, sans forcément chercher l’originalité, mais en profitant de capacités techniques et créatives irréfutables. Et le tout, sans nous forcer la main via des menaces Skype.              

       

                                                                                              

Titres de l’album:

01. Desires Of The Flesh

02. Corporate Dance

03. Digitotality

04. Profit At All Cost

05. Correct Opinions

06. Ancient Deception

07. Oumuamua

08. Perception Is The Key


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par mortne2001 le 07/04/2021 à 14:17
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