Ofte Jeg Drommer mig Dod

Afsky

12/05/2020

Vendetta Records

C’est encore une fois un superbe artwork qui a attiré mon attention, le graphisme éclairé de cette scène de mort intense contrastant évidemment avec les ténèbres que ce disque renferme. Il est évidemment question de Black Metal ici, mais pas n’importe lequel, le plus atmosphérique et concentrique, tel qu’il fut popularisé par la légende DISSECTION, avec ce même appétit pour les harmonies amères et les montées en puissance dantesques. Nous en venant de Finlande, le one-side-project AFSKY étant en fait le vecteur d’expression d’Ole Pedersen Luk, musicien solitaire et décidé, qui depuis quelques années propose sa vision d’une musique brute et ciselée. Aussi membre de SOLBRUD, Ole ne manque donc ni de matériel ni d’imagination, puisque AFSKY fête aujourd’hui son second longue-durée, deux ans après l’entame Sorg qui avait méchamment secoué l’underground. Un premier EP éponyme avait mis le feu aux poudres en 2015, et on sent aujourd’hui que le multi-instrumentiste a trouvé sa vitesse de croisière, le projet atteignant en 2020 une maturation indéniable. Ofte Jeg Drommer mig Dod est donc à l’image de sa pochette, triste, mélancolique, empli de mort mais suintant de lumière, un contraste parfait qui met en relief des qualités de composition solides. Six morceaux seulement pour ce tome deux, mais six morceaux conséquents avec un timing plus qu’étiré, et des plans qui s’entrechoquent avec une grande pertinence. Difficile de ne pas voir en ce LP une sorte de quintessence du genre, disposant d’un son particulièrement compétitif, sec, un peu décharné sur les bords, mais aux graves qui frappent le cœur et aux médiums qui déchirent les tympans. A l’image d’un cri de désespoir illustré par cette femme aux traits émaciés, tenant fermement l’être aimé par la main, Ofte Jeg Drommer mig Dod alterne donc les émotions, avec une grande place laissée aux avancées mélodiques lentes et éprouvantes, et des fulgurances de violence presque palpables au travers des haut-parleurs.

En quarante-cinq minutes, Ole Pedersen Luk nous prouve qu’il maîtrise parfaitement le sujet, et l’opposition entre l’âpreté de son chant et la richesse de son instrumental nous plonge dans une dualité en clair-obscur. Entamé par une superbe et délicate intro aux tonalités Folk brumeuses et mélancoliques, « Altid Veltilfreds » laisse l’acoustique nous introduire à l’univers d’AFSKY, avant que la violence ne reprenne crument ses droits par une pluie de blasts assourdissante. En sept minutes, le finlandais expose ses arguments avec franchise, étalant ses diverses stratégies avec beaucoup de flair. Rejoignant parfois la grandiloquence du BATHORY des nineties, ou la richesse de WOLVES IN THE THRONE ROOM, Ofte Jeg Drommer mig Dod tente courageusement de se hisser à la hauteur de The Somberlain ou Storm of the Light’s Bane, tout en conservant sa personnalité propre. Ainsi, « Tyende Sang » reproduit le même schéma que son prédécesseur, en plaquant un énorme motif rythmique et mélodique sans pitié, souligné par une gigantesque double grosse caisse qui comprime l’audition. La succession de passages différents, entre mid tempo agressif, blasts impitoyables et soudaines cassures contemplatives, offre une diversité de ton qui répond aux critères les plus exigeants du genre. Musicien très capable, Ole s’occupe d’absolument tout, et pourtant, l’ensemble sonne comme le fruit d’une réflexion de groupe, et le son n’agresse pas de ses tons synthétiques comme c’est souvent le cas des projets en solitaire. On apprécie tout particulièrement ces ruptures, parfois très brèves, qui relancent l’écoute, et qui confèrent aux morceaux cette patine épique si symptomatique du Black atmosphérique. Pour autant, pas question de contemplation ici, pas de rêverie interminable et brodée sur un thème unique, mais une utilisation très efficace de diverses combinaisons, de riffs en tourbillon qui se rapprochent du Post Black sans le frôler, et de longues processions aux hurlements suraigus.

D’une redoutable homogénéité, ce second LP ne tombe pas dans le piège de la dilution à outrance, et ne brade jamais sa brutalité pour séduire les masses les plus sensibles. On s’en rend rapidement compte, lorsque « Imperia » continue sur la même lancée d’ultraviolence, avec toujours au premier plan cette batterie affolée qui ne compte pas ses BPM. Si la guitare est parfois légèrement sous-mixée, le rendu n’en est que plus troublant, créant un climat de mystère et d’oppression, avec cette caisse claire métronomique qui anesthésie les sens. Sans jamais se renier, le musicien de Copenhague avance à son rythme rapide, laissant parfois sa guitare parler seule sur fond de litanies vocales enterrées, pour créer un climat de malaise et de désespoir qui prend aux tripes. « Bondeplage » se rapproche d’ailleurs par intermittence d’un BM à l’Allemande, colossal, massif, ample, mais garde ses origines nordiques bien au froid par l’insertion d’harmonies maladives en filigrane. Le chant d’ailleurs semble s’éloigner au fur et à mesure de la progression de l’album, prenant des airs de cri lointain emprisonné par l’histoire et émergeant comme un écho du passé. Il est évident que le néophyte trouvera le tout un peu monolithique, et répondant à des itérations un peu trop régulières, mais Ole a pensé à tout, et à réservé aux plus exigeants un long et lent titre, qui ose le premier crescendo de l’album. Sans doute point fort d’un album qui ne compte aucun point faible, « Stemninger I & II » est une véritable démonstration de puissance et le plus beau serment d’allégeance au Black mélodique qui soit à l’heure actuelle. Et le final « Angst » de s’acharner à rendre le BM lo-fi presque humain, poussant les cordes vocales dans leurs derniers retranchements, et adoptant des postures mélodiques de plus en plus maladives. Une fin d’album qui propose donc des pistes différentes, et un disque qui ne se révèle dans toute sa richesse qu’une fois les dernières notes évaporées dans l’air.

Ofte Jeg Drommer mig Dod est donc aussi dense musicalement qu’il n’est beau graphiquement, et reste la révélation d’un talent de l’underground que le mainstream devrait découvrir avec plus de facilité. Mais il est de notoriété publique que les trésors cachés sont souvent les plus précieux.               

              

Titres de l’album :

                       01. Altid Veltilfreds

                       02. Tyende Sang

                       03. Imperia

                       04. Bondeplage

                       05. Stemninger I & II

                       06. Angst

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par mortne2001 le 11/12/2020 à 18:09
80 %    802

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
13/12/2020, 22:43:05

Excellent album (et très bonne chro). On est loin du BM des origines mais y a comme qui dirait quelque chose...

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