Alors que je rédigeais tranquillement ma troisième thèse sur l’effondrement de l’empire soviétique et ses conséquences sur l’économie occidentale, une évidence me frappa de plein fouet. Comment concevoir un lundi maussade autrement qu’en le consacrant à l’écoute d’un album gentiment furieux et modérément curieux ? Impossible, je vous le concède, et c’est ainsi que mon clavier changea d’orientation pour se tourner vers l’Allemagne. Post 1989 évidemment.
Mais pourquoi ?
Parce que quatre olibrius de Wurtzbourg y font un boucan pas possible, animés des intentions les plus cartoonesques sous couvert d’une brutalité musicale joyeuse et extravertie.
SPLINTER FLESH aime les couleurs fluo, le Death Metal de tradition, et la politesse de saison. Puisque cette dernière est de pluie et de vent, il est toujours temps de dresser un bilan de ces quatre dernières années. Une pandémie, un confinement, des dépressions, des boulots perdus, de la solitude, une incompréhension, et une reprise du marché très timide. Ce qui n’a guère changé à l’inverse, c’est le comportement des gouvernements qui continuent d’appliquer le principe du « chacun pour moi ». Il y a de quoi être légèrement en colère, face à cet égoïsme étatique qui mériterait bien une petite virée punitive.
Des tripes, des beignes, des calottes et des coups de peigne.
Pandemic est un premier album qui se souvient de ces longs mois passés intra-muros, à regarder des programmes faisandés, à jeter ses masques dans le caniveau, et à rêver de l’heure fatidique des commissions ou de la promenade du chien, seules échappatoires publiques. Mais ce premier long aborde les choses sous un angle plutôt potache. Avec un gros mélange CARCASS/MASSACRE, le quatuor germain touille sa tambouille avec une belle énergie, et ne lésine ni sur le pinard, ni sur les gros morceaux de barbaque.
Le plat est traditionnel, mais riche en fibres et en riffs. Les compositions sont aérées, musicales, rythmées, et l’entrain est presque palpable. SPLINTER FLESH n’est donc pas qu’un simple Death Metal act de plus, mais bien un groupe efficace, sérieux, et conscient des enjeux. Vous faire sourire en traduisant les obsessions d’AUTOPSY dans un langage moins scabreux, avec plus de groove et moins de vilénie. Ce qui nous donne de petites bombes comme « Conceited », sa grosse basse roulante et son mid tempo cadencé. Très doués lorsqu’il s’agit de tricoter, nos amis d’outre-Rhin nous offrent donc un menu copieux, qui laisse le bide plein mais qui n’entraine pas de douleurs abdominales. Du bon gras donc, un peu de couenne thrashy, et avale ça mon gars, tout ira mieux après.
Après quoi ?
« Movie Time », qui évoque ces samedis soirs de pandémie face à un écran déroulant des sévices Gore pour le plus grand plaisir des petits et des grands, ou ces weekends passés entre potes à se faire découvrir quelques nouveautés. Très accrocheuse, cette musique repose sur un binaire transcendé et assoupli, comme le souligne « The 5th Estate » et ses chœurs de dessin-animé pour adultes.
C’est grognon mais pas cochon, sympathique mais athlétique, et ça fait travailler les muscles faciaux, qui multiplient les grimaces de plaisir. Lorsque le tempo monte et tient chaud (« We Love to Hate », et nous détestons vous aimer), ou lorsqu’il s’emballe carrément pour dénoncer les extrêmes (« Egoistic Nazi Stance »). Hosannah, en route pour Dupont Lajoie, et on lâche un bon gros glaviot sur les fachos.
Nazi punks fuck off ?
Tout à fait, et « Go Away » leur indique même la sortie avec virulence. Epais, conséquent et schizophrénique, ce morceau typique est caractéristique de l’art des SPLINTER FLESH pour combiner deux ambiances contradictoires. L’une, agressive et âpre, l’autre, régressive et acre. Le meilleur des deux mondes donc, pour une collection de titres qui sont autant de courts métrages pour les oreilles.
Production clean, mixage bien équilibré, on louche parfois un peu vers la Suède, mais on reste influencé par la scène anglaise, avec BENEDICTION flanqué sur le t-shirt. De temps en temps, quelques fantaisies viennent émailler l’écoute, avec cette guitare en mute sur « Walk Alone », qui vous propose une marche seule sans Goldman mais avec une pelle dans un cimetière, et évidemment, l’ineffable « Introduction » placé en conclusion et qui permet une dernière embardée avant le ravin.
SPLINTER FLESH est un sprinter, qui sait doser son effort. Parfait pour un lundi moisi, et parfait aussi pour faire une pause entre deux analyses géopolitiques. Salut la pandémie, bonjour Pandemic, virus qui se répand dans l’underground et qui n’a d’autre effet secondaire qu’une accoutumance bien agréable. Nul besoin de confinement pour apprécier ça.
Titres de l’album :
01. Movie Time
02. Psychoscum
03. What Scandal?
04. Conceited
05. The 5th Estate
06. We Love to Hate
07. Egoistic Nazi Stance
08. Go Away
09. Walk Alone
10. Introduction
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